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BIODIVERSITÉ MARINE: Massacre de tortues de mer à Rodrigues
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BIODIVERSITÉ MARINE: Massacre de tortues de mer à Rodrigues
Jeudi dernier, 11 carapaces de tortues ont été découvertes à Baladirou, dans le Nord de l’île. Une association a décidé de dire stop au massacre de ces majestueuses bêtes aquatiques.
«Au début, nous avons trouvé sept carapaces fraîchement mutilées. Ensuite est arrivé un petit garçon qui gardait des vaches. Il nous a demandé si on voulait en voir d’autres et nous a guidés un peu plus loin où nous avons découvert quatre autres carapaces déchiquetées. C’était terrible. Statistiquement, cela veut dire qu’il y a onze tortues mortes pour chacune qui est vivante», se lamente Aurèle André. Certaines mesuraient un mètre de long, ce qui signifie qu’elles avaient entre 40 et 50 ans. Selon lui, les petites auraient été tuées en mer avec des «fouines», alors que les grandes auraient été massacrées sur la plage (c’est actuellement la saison des pontes). Cette journée fut d’autant plus douloureuse que CARET avait, pas plus tard que le 30 janvier, eu le privilège de constater de visu une tortue imbriquée venue pondre sur la plage de Jeanmac. Fait significatif, c’est la première preuve photographique depuis les années 1950 que les tortues viennent encore déposer leurs oeufs à Rodrigues. L’espoir renaît, d’autant plusqu’une tortue massacrée avait été découverte à Grenade, en novembre dernier. Là encore, c’est grâce à un gardien de vaches que l’ONG a pu constater cette merveille de la nature à l’oeuvre. «Ses vaches, qui étaient sur la plage, agissaient de façon bizarre. Lorsqu’il est allé voir de plus près, il a vu une tortue venue pondre ses oeufs sous les plantes à la lisière de la plage», raconte Aurèle André.
SENSIBILISER LE PUBLIC
Arrivés sur place, les membres de CARET pensent qu’il s’agit d’une tortue verte. Mais après inspection, ils découvrent deux trous fouillés dans le sable. Cela leur met la puce à l’oreille, car les tortues vertes creusent plutôt une cuvette dans laquelle elles déposent leurs oeufs. Des photos de la bête sont donc envoyées à «des amis experts» en France. Leur verdict est sans appel : il s’agit, en fait, d’une tortue imbriquée(Hawksbillturtle), uneespèce indigène qui débarqueses oeufs en solitaire.Pendantla saison de la ponte, elle revientà terre trois fois sur une période de 45 jours, à 15 jours d’intervalle. «Il se peut qu’elle soit déjà venue ou qu’elle reviendra», estime Aurèle André.Pour cela, CARET s’affaire à obtenir la permission des autorités pour sécuriser cette petite plage. Et, à peine trois semaines après cette découverte on ne peut plus positive, ils tombent sur le charnier de Baladirou. L’ONG alerte immédiatement les autorités et la presse. «Cela ne peut pas continuer. C’est à l’Etat de prendre ses responsabilités », lâche notre interlocuteur. Et, de rappeler que le Fisheries Act réserve  des peines très lourdes à ceux qui braconnent les tortues de mer, qui sont toutes protégées par la loi en raison de leur rareté. Il estime qu’il faut agir à deux niveaux : la formation d’officiers pour assurer le respect du Fisheries Act et la sensibilisation de la population. «Nous envisageons d’exposer ces carapaces au marché de samedi», dit le fondateur de CARET, ONG qui oeuvre depuis trois ans pour protéger les tortues marines et comprendre la raison pour laquelle elles ne venaient plus pondre à Rodrigues.
ÉLABORER UN PLAN D’ACTION
La bonne nouvelle c’est que le dernier budget contient une enveloppe de Rs 600 000 à Rs700 000 pour la sauvegarde des tortues. Cette allocation fait suite à la soumission d’un projet par la réserve François Leguat en ce sens. Aurèle André a d’ailleurs rencontré des officiers du ministre de la Pêche lasemaine dernière pour décider de la marche à suivre. Un plan d’action devra maintenant être élaboré. Parmi les mesures qu’il devra préconiser : la délimitation et réhabilitation de certaines plages (quatre sites ont été identifiés, Baladirou, Grenade, St. François et Ilot Crabe) et le recensement des populations de tortues à l’aide de drones et d’ULM notamment. CARET  a déjà sollicité l’aide de l’association réunionnaise Kelonia dans cette tâche. Et, si la route est encore très longue, le jeu en vaut la chandelle, autant d’un point touristique que scientifique. En particulier, le potentiel écotouristique d’un programme de protection de tortues est immense. Puis, il y a naturellement la nécessité de rendre à Rodrigues ses anciennes gloires. «Rodrigues peut redevenir ce qu’elle était aux temps de François Leguat», conclut Aurèle André. Et surtout, empêcher le massacre de tortues, pour que le charnier de Baladirou ne devienne éventuellement qu’un triste et lointain souvenir.
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