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Birmanie: L''aura d''Aung San Suu Kyi éclipse les alternatives politiques
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Birmanie: L''aura d''Aung San Suu Kyi éclipse les alternatives politiques
Les réformes en Birmanie doivent beaucoup à Aung San Suu Kyi, qui a su comme personne attirer l''''attention sur son combat, mais l''admiration que lui vouent les Occidentaux a un prix: elle freine, selon les experts, l''émergence d''alternatives politiques.
Le prix Nobel de la paix, 67 ans, a fait ses premiers pas lundi au parlement (photo) et a déjà indiqué être prête à assumer la présidence en cas de victoire aux législatives de 2015. Mais la question se pose de l''émergence d''une nouvelle génération de responsables pour conduire le pays au bout du processus de démocratisation.
Avant les élections de 2010, les chancelleries occidentales multipliaient les contacts au sein des mouvements démocratiques face "à une Aung San Suu Kyi encore sous résidence surveillée", rappelle Renaud Egreteau, de l''université de Hong Kong. "Deux ans plus tard, l''idolâtrie fait son grand retour. Les alternatives au sein même de l''opposition démocratique sont de nouveau marginalisées".
Une place exclusive pour la Dame de Rangoon
Depuis 20 ans, la "Dame" de Rangoun occupe une place exclusive dans le paysage birman. Tous les observateurs, y compris ses détracteurs, admettent qu''elle a fait plus que quiconque face à la junte et que son prix Nobel en 1991 a installé durablement la Birmanie sur la carte du monde.Mais certains s''insurgent contre une vision angélique qui résumerait le pays à un affrontement entre une icône magnifique et des généraux sanguinaires.
Le président Thein Sein, ex-général projeté à la tête du pays en mars 2011, est celui qui a orchestré les réformes. Mais son rôle n''est reconnu que "du bout des lèvres" par les Occidentaux, insiste Egreteau. "Je ne crois pas que la communauté internationale réalise vraiment le rôle des autres partis et acteurs politiques en Birmanie", confirme Trevor Wilson, ex-ambassadeur australien en Birmanie. "C''est un peu inhabituel, pour quelqu''un qui dirige l''opposition, de recevoir un tel accueil", ajoute-t-il, estimant que le récent voyage de Suu Kyi en Europe le mois dernier "ne faisait pas partie du monde réel".
Suu Kyi s''est en effet exprimée à Londres au parlement de Westminster devant les deux chambres réunies, un honneur rare conféré avant elle à De Gaulle, Nelson Mandela, le pape Benoît XVI ou encore Barack Obama. Elle a été ensuite reçue à Paris avec le protocole réservé aux chefs d''Etat.
Des calculs et des objectifs personnels
Celle qui en Occident incarne - avec sa Ligue nationale pour la démocratie (LND) - la lutte contre l''oppression a pourtant ses calculs et objectifs personnels. Son évocation irrite d''ailleurs singulièrement Khin Maung Swe, membre de la LND de la première heure, qui a fait 16 ans de prison. En 2010, lorsque le parti a boycotté un scrutin jugé injuste, il a fondé la Force démocratique nationale (NDF) pour pouvoir y participer. Depuis, Suu Kyi ne lui adresse plus la parole. "Nous avons fait ce que nous avions à faire pour le bien du peuple", se défend-il, amer. "Il serait nocif que la communauté internationale ne juge pas nécessaire de (...) communiquer avec les petits partis".
Une autre figure peut-elle émerger en Birmanie? Les experts soulignent en tout cas que la LND n''est pas un modèle de démocratie. Dominé par les vieux compagnons de lutte de Suu Kyi, le parti compte "beaucoup de jeunes membres très idéalistes et très passionnés (...) mais sans beaucoup d''influence", constate Trevor Wilson. Et admiration oblige, la critique arrive rarement jusqu''à celle que certains jugent intransigeante. "Beaucoup de gens redoutent Aung San Suu Kyi quand ils la rencontrent, et ils ne disent pas facilement des choses qu''elle pourrait ne pas apprécier. Ca devient un problème".
Source : Soe Than Win/AFP
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