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Camp-Firinga : 24 ans après le cyclone
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Camp-Firinga : 24 ans après le cyclone
Elles avaient tout perdu lors du cyclone Firinga en 1989. Tout sauf leur dignité. Relogées dans des «longères» connues aujourd’hui sous le nom de Camp-Firinga à Pointeaux- Sables, près d’une soixantaine de familles tentent de reconstruire ce qu’elles ont perdu. Mais 24 ans plus tard, leur vie reste toujours aussi difficile.
Camp-Firinga. Le nom même de cette cité est un rappel des ravages et du désespoir qu’a laissé sur son passage le cyclone du même nom en 1989. Certes, aujourd’hui, 24 ans plus tard, la situation s’est quelque peu améliorée pour certains, mais l’on continue à y vivre en dessous du seuil de pauvreté. Nombre de parents travaillent jusqu’à fort tard pour permettre à leurs enfants de survivre. Quant aux travailleurs sociaux, ils restent confiants malgré l’immensité de la tâche à accomplir, confortés dans leur mission par les progrès accomplis jusqu’ici.
Pour la petite histoire, la cité était connue sous le nom de «Cité la Lumière» pour la simple raison qu’elle est restée privée d’électricité pendant plusieurs années. Ayant reçu des lopins de terre du ministère des Terres et du Logement, les familles avaient construit des habitations d’une pièce avec les moyens du bord, mais elles ne se prêtaient pas aux installations électriques. C’est Cassam Uteem, alors président de la République, qui décide alors de créer un comité pour réfléchir aux moyens de les aider à s’en sortir. Car laissés à eux-mêmes, les enfants, en nombre grandissant, traînaient les rues, avec tous les risques que cela comportait.
Un 24 décembre, les familles organisent une messe de veillée de Noël, lors que laquelle des bougies illuminent tout le quartier. Un événement qui, au même titre que le miracle de Noël, leur donne l’envie de croire que les choses changeront. Certaines choses ont en effet connu des améliorations. Par exemple, les enfants sont encadrés depuis plusieurs années par le groupe ENSAM un collectif de bénévoles, même si le suivi ne se fait pas forcément au niveau de la famille.
Promiscuité
Mais comment pourraient-elles s’occuper de suivi scolaire, lorsqu’elles arrivent à peine à survivre. L’incursion au coeur de Camp Firinga est une véritable claque : ces familles se sont agrandies au fil du temps et chacun a essayé, comme il le pouvait, de rajouter une pièce à sa case – quelques feuilles de tôle, un peu de bois, ont été mis à contribution.
Marie-Anne Pe, mère célibataire de 49 ans, vit dans ce qui ressemble fort à un capharnaüm, à l’intérieur comme à l’extérieur. Dans cet espace invivable, elle tente de cohabiter avec sa fille, son gendre et ses deux petits-enfants en bas âge. L’unique pièce ne comporte qu’un seul lit et dans un coin, installé sur un tapis posé sur le sol, un bébé dort à poings fermés.
Dans la même cour vivent les deux autres filles de Marie-Anne. Les tôles et le bois reçus du Trust Fund for the Integration of Vulnerable Groups ne suffisent pas à aménager une pièce convenable. L’une des deux soeurs, Marie Christine Jean Laval, évoque sa situation : «Mo ena trwa zanfan : 5 ans, 3 ans ek 7 mwa. Malgre mo miser mo resi avoy mo zanfan lekol. Zottouzour prop, mo kone kouma pou debat pou donn mo zanfan manze. Nou pe bizin ankor tolek dibwa parski ena bann bout ki manke, kan lapli tombe delo rant dan lakaz».
La grande majorité de ces filles sont des mères célibataires. La faute à la promiscuité. Quelques cases plus loin, chez Ernest et Veenila Jubain, on lutte pour sortir de la misère, mais le chemin reste long. Avec leurs six enfants ils enchaînent les petits boulots. «Mo madam travaydan lisin. Li travay depi 7heures ziska 9 heures. Mwa,mo labourer mo leve tou lezour 1 heure».
Ses enfants âgés de 17, 14, 12, 6, 7 et 3 ans s’entassent sur un lit pour dormir. Ernest Jubain, qui arrondit ses fins de mois en travaillant comme menuisier, s’apprête à célébrer modestement la première communion de l’un de ses enfants. En attendant, son fils malade grelotte sur un lit. Pour cet homme, toute la bonne volonté du monde ne suffit pas pour sortir sa famille de cet enfer.
Les cas comme celui Ernest sont très communs. Sarah Edouard ne sait plus à quel saint se vouer. Amère, elle raconte comme la CDU lui a pris ses deux enfants en bas âge. Mère de huit enfants, elle est aujourd’hui inconsolable.
Dorianna Rayeroux, travailleuse sociale de la région raconte le combat de Sarah : «La police lui a pris ses deux enfants parce que des infirmiers de l’hôpital leur avaient rapporté qu’ils avaient mangé de la terre. Cela aurait pu arriver à n’importe quel enfant».
Sauf que la situation n’est pas la même pour toutes les familles. Aujourd’hui, ce qui reste aux familles de Camp-Firinga, c’est la conviction qu’ils réussiront un jour à sortir la tête hors de l’eau.
Lakaz Zen : un avenir pour les jeunes
Au coeur de Camp-Firinga, un soupçon d’espoir… Les enfants laissés à eux-mêmes sont pris en charge par un groupe de bénévoles du groupe ENSAM. Grâce à leur combat, ils ont réussi à ouvrir un centre d’épanouissement à l’intention des jeunes.
Trente-six jeunes sont encadrés et suivis au sein de LaKaz Zen. Parmi les bénévoles de ce centre figurent Dorianna Rayeroux, Jean-Claude Emilien et Marie Anne Arlanda. Leur objectif : redonner confiance aux jeunes qui ont été rejetés du système éducatif. Le centre leur permet ainsi de faire ce qu’ils aiment vraiment. «Nous voulons trouver le trésor en eux et le développer. Ainsi, des cours de cuisine, de bricolage, de coiffure, de peinture, de jardinage et bien d’autres, leur sont proposés bénévolement par des professionnels. Ils traînaient les rues sans savoir quoi faire de leur vie.» Conscients qu’il y a encore beaucoup de travail à faire, les travailleurs sociaux déplorent le manque d’encadrement des parents, sachant qu’eux aussi limités. «Il existe un centre à Camp-Firinga géré par la municipalité, mais ce centre n’est pas utilisé comme il se doit. Il est important qu’il y ait un suivi psychologique aussi bien des parents que des enfants issus de familles à problèmes.»
Lakaz Zen, toutefois, se retrouvera d’ici le mois prochain à court de budget pour continuer ses projets auprès des enfants de la région. «Nous organisons une quête dans les supermarchés en août et nous comptons beaucoup sur l’aide des Mauriciens».
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