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Christina Chan-Meetoo : «J’espère que les partis débattront des idées»

8 avril 2010, 11:37

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La  chargée de cours en média et communication à l’université de Maurice est une observatrice attentive et souvent critique de la société mauricienne, elle nous livre ses réflexions sur les élections du 5 mai prochain.

¦ Quels sont les enjeux des prochaines élections ?

C’est essentiellement de débattre des idées. Or, pour l’instant, je ne vois pas le bout du nez de la moindre idée. J’espère qu’une fois que les partis auront expédié les affaires pratiques, comme la désignation des candidats, ils commenceront à débattre des idées.

¦ N’êtes-vous pas trop optimiste ? Au vu des précédentes campagnes électorales, pensez-vous vraiment qu’il y aura un débat d’idées ?

Je ne dirai pas que je suis optimiste. J’ai foncièrement besoin d’être optimiste. Autrement, j’alimenterais le moulin de ceux qui appellent à l’abstention.

Certes, nous sommes dans une démocratie imparfaite mais c’est un devoir que de se rendre aux urnes. Je ne suis pas optimiste quand je prends en compte les précédentes campagnes électorales.

Cependant, il faut espérer.

Surtout lorsqu’on voit à quel point la société civile mauricienne est active et contribue au débat désormais.

¦ Ne serait-ce pas justement le moment d’interpeller les politiques et de les amener sur ce terrain des idées ?

On ne peut pas mettre toutes les responsabilités sur la société civile. N’importe quel politicien ou aspirant politicien doit savoir que la politique, c’est la gestion des affaires de la cité. C’est à eux, en conséquence, de nous présenter leurs programmes et leur vision de l’île Maurice de demain en termes d’économie, de social, d’environnement, d’éducation, d’aménagement du territoire… Ils ont le devoir de nous présenter leurs orientations stratégiques.

¦ Entre présenter un programme et le mettre en pratique, il y a souvent un grand écart. Croyez-vous vraiment que les formations politiques respectent leurs engagements ?

Non. C’est le problème de la différence entre le discours et sa mise en pratique. Toutefois, la présentation du programme permet aux votants de faire un choix. Ils peuvent aussi s’appuyer, à la fi n du mandat d’un gouvernement, sur ce programme pour interpeller les gouvernants sortants et mesurer leur performance.

¦ Quelles sont les idées que vous souhaiteriez voir émerger durant cette campagne ?

A mon avis, le chantier de l’éducation reste le plus important.

Il a un effet sur tous les autres secteurs, comme les ressources humaines, les autres idées à promouvoir, la qualité de notre population…

Malheureusement, le système éducatif actuel continue à brimer la créativité et l’intelligence.

¦ Les deux principales forces en présence sont menées par le Parti travailliste et le Mouvement militant mauricien. Quelle lecture faites-vous de ces deux alliances ?

L’ennui, c’est qu’on n’a pas encore leurs listes de candidats complètes à ce jour. Cela durera probablement encore quelques jours. C’est malheureux pour notre démocratie. Cela implique qu’il n’y a pas eu de vraie préparation stratégique en amont par ce que les partis auraient dû avoir déjà identifié leurs candidats.

¦ Personnellement, n’avez-vous jamais été tentée d’être candidate à une élection ?

Non. En tenant compte de la structure actuelle des partis, ce n’est pas le genre de démocratie que j’imagine. Et puis, je ne crois pas que c’est le rôle d’un membre du corps académique de s’engager au sein de la politique politicienne.

¦ Pourquoi ?

Nous sommes, au sein de ce personnel académique, des observateurs critiques. En tant que tels, nous avons un droit à la distance justement pour avoir ce regard critique que nous portons sur les choses. Certes, il y en a qui s’engagent. Je les comprends et je les respecte. Mais moi, je préfère préserver cette impartialité qui me permet de continuer à porter un regard critique sur la société.

¦ Comment accueillez- vous la demande de «Women in Networking» (WIN) pour que les partis présentent une candidate dans chaque circonscription ?

Cette demande participe d’une lutte intéressante. C’est une forme d’action comme tant d’autres qu’on peut déployer pour plus d’égalité de chances. Il y a encore des injustices en termes de genre ou d’origine qu’il faut combattre.

¦ Et la campagne contre le communalisme que mène «Amnesty» Maurice?

Je dois préciser que je fais partie du board d’Amnesty Maurice.

Je ne ferai donc pas de commentaire sur ce sujet. Je dois dire, cependant, que j’épouse cette cause car le communalisme est un cancer horrible de notre société.

¦ Que pensez-vous de la lutte de «Rezistans ek Alternativ » pour que les candidats n’aient pas à déclarer leur appartenance ethnique?

C’est une lutte qu’il faut surveiller car elle pourrait avoir un impact profond sur notre Constitution. Toutes ces actions dont on vient de parler-la campagne d’Amnesty Maurice contre le communalisme, la lutte de Rezistans ek Alternativ et le combat de WIN – font partie d’une panoplie d’actions de la société civile. Des initiatives qui me donnent à penser que les choses pourront changer même si cela demande beaucoup de persévérance et d’engagement de la part des différents acteurs de la société civile.

¦ Quel serait, pour vous, le candidat idéal à une élection législative?

Celui ou celle qui a de fortes convictions, qui ne fait pas de compromis au nom du politiquement correct, qui est à l’écoute des besoins de la population et qui saura débattre intelligemment au sein de notre Assemblée nationale.

Propos recueillis par Nazim ESOOF

Nazim ESOOF