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Conflit dans l’industrie sucrière: mieux comprendre la stratégie des syndicats

19 août 2012, 00:00

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Conflit dans l’industrie sucrière: mieux comprendre la stratégie des syndicats

Le conflit, qui a opposé le Joint Negociating Panel à la Mauritius Sugar Producers’ Association était en réalité une suite de la crise industrielle de 2010.


En 2010 pourtant, un accord avait été signé entre les employés et les employeurs dont la validité devait arriver à terme à la fin de 2013. L''''accord prévoit, entre autres, la reprise des négociations collectives au niveau national en janvier 2013 pour définir un nouvel accord qui doit prendre effet en janvier 2014.

Vingt et un points litigieux sont restés en suspens à la signature de l’accord final, le 23 juin 2010. Ces revendications syndicales avaient été écartées des négociations comme le recommandait le rapport de la Commission Conciliation et Médiation et ont été référés trois jours plus tard au National Remuneration Board (NRB) par le ministre du Travail et des Relations industrielles.

Shakeel Mohamed avait auparavant informé les deux parties que le gouvernement souhaitait qu’il en soit ainsi. A l’époque personne n’avait protesté contre cette décision et les syndicats avaient signé l’accord à cette condition. Cependant, il faut dire qu’aucune référence n''avait été faite à ce sujet dans l’accord lui-même.

Les syndicalistes estiment que ce sont les sucriers qui ont déclenché les hostilités l''année dernière en remettant en question l''accord de 2010. Première offensive, la MSPA réclame une injonction contre la décision du ministre Shakeel Mohamed d’avoir recours au NRB dans un affidavit juré en Cour suprême, le 8 juillet 2011, soit plus d’une année plus tard.

En février 2012, la MSPA lance la deuxième offensive : à son Assemblée générale une résolution est adoptée à la demande de ses membres. Le mandat de l’association comme négociateur patenté pour le patronat est abrogé. Son directeur en informa le président du NRB en début du mois de mars. Dès lors, les travaux de l’organisme étaient bloqués et des avis légaux furent recherchés auprès de la State Law Office.

Résultat : les travaux au NRB sont bloqués et la reprise des négociations nationales prévues dans l’accord de 2010 est compromise. Logiquement, les syndicalistes doivent attendre que la Cour suprême se prononce et se plier à la décision de la MSPA dont les membres préconisent désormais des négociations sectorielles au niveau de chaque compagnie sucrière.

Mais c’est mal connaître les redoutables négociateurs que sont les Ashok Subron, Serge Jauffret, Lall Deonath et Devanand Ramjuttun. Ces dirigeants du JNP ont déjà démontré leur détermination inflexible dans la défense des droits de leurs membres.

« La MSPA ne doit pas prendre ses désirs pour des ordres », lâche Ashok Subron à l’époque. Une déclaration qui sonne comme une mise en garde à l''encontre de l''organisation patronale.

Une correspondance du JNP est adressée à la MSPA, le 10 mars 2012. Elle réclame l''institution d’un Human Dignity Fund et le paiement d''un Pensionable Allowance de Rs 2 000 par mois à tous les employés. Un coup d''épée dans l''eau, une perte de temps. A l’époque, personne n''y porte une grande attention.

Mais la stratégie, elle, est réfléchie, pesée, bien calculée. Elle porte l''empreinte des féroces négociateurs du JNP. Les dirigeants syndicaux savent déjà que leurs demandes seront rejetées. Ils n''attendent d''ailleurs que cela pour contre-attaquer.

Le 13 avril, le litige est transmis à la Commission conciliation et médiation (CCM). La MSPA refuse de représenter ses membres. Le 23 juillet la Commission annonce qu’elle ne peut se prononcer à cause de l''absence du patronat.

Et le tour est joué. Le JNP peut désormais lancer les préparatifs pour une grève illimitée selon les provisions de la loi. Dès lors, les deux points du litige ou les deux carottes lancées sur le champ de bataille, c''est selon, sont relégués au second plan. Les négociations tournent autour du retour de la MSPA à la table des négociations au niveau national et les 21 points de revendication référés au NRB.

Après trois semaines de rebondissements et de négociations ardues, les travailleurs de l’industrie sucrière se mobilisent. Le combat, mené par leurs représentants, ont porté leurs fruits. Et au-delà des espérances. En effet, si une des deux carottes jetées en pâture sur le champ de bataille, en l''occurrence le Pensionable Allowance, a été complètement grignoté lors des négociations, la création d''un Human Dignity Fund est toujours d''actualité et sera remise sur le tapis en janvier 2013.

Autre fait marquant des événements : si la MSPA s''était assurée du soutien de la Mauritius Employers Federation (MEF) et du Joint Economic Council, les syndicalistes de l''industrie sucrière étaient eux accompagnés à chacune de leur sortie d''une forte délégation syndicale du secteur portuaire.