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Cyril Oudin : partner et directeur d’Aérowatt Mauritius

3 novembre 2010, 12:17

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? Quel est le potentiel de l’éolien à Maurice ?

Le pays est soumis à un régime constant et soutenu d’alizés provenant principalement du sud-est.

Cette bonne exposition au vent a permis à Aérowatt d’identifier, à ce jour, un potentiel éolien compris entre 100 et 150 MW. La réalisation des projets reste conditionnée à l’évolution du réseau du Central Electricity Board (CEB), qui doit aussi accueillir l’électricité produite par les petits Independent Power Producers.

La production électrique à partir des énergies renouvelables est inéluctable, car nous connaissons déjà les tensions et futures raréfactions des ressources fossiles.

Le réseau actuel devra s’adapter pour gérer ce futur «mix» énergétique. Nous avons déjà le retour d’expérience de cette nouvelle mutation électrique dans toutes les îles cycloniques où nous avons installé des fermes éoliennes.

? Vous avez soumis un rapport environnemental pour votre projet de parc éolien à Plaine-des-Roches. Quels en sont les points saillants ?

L’implantation des éoliennes s’est faite en tenant compte des contraintes environnementales, administratives et réglementaires. C’est un projet de 18 éoliennes de 1 MW chacune, qui fournira l’électricité à environ 70 000 habitants. Les 18 éoliennes seront installées sur un terrain gouvernemental réservé à la construction d’un second aéroport à l’horizon 2030. Le parc éolien vient donc s’implanter sur un terrain qui a déjà une vocation industrielle. Il s’agit d’une bonne valorisation d’un terrain gouvernemental où nous nous engageons à ouvrir le capital de façon conséquente aux petits actionnaires, à travers un mécanisme novateur en cours de validation.

Ce sera une première à Maurice.

? Avez-vous pris en compte la menace cyclonique ?

Oh que oui ! C’était un impératif. Les éoliennes choisies par Aérowatt sont abaissables au sol et peuvent être mises en sécurité dès l’arrivée d’un cyclone. Cette caractéristique est essentielle pour permettre le financement et l’assurance de ce parc éolien. Aérowatt exploite depuis 1992 plus de 350 éoliennes de ce type, à travers ces parcs dans les zones à fort risque cyclonique. Dans les années 1990 et 2000, il y a déjà eu des développeurs dans le monde qui ont tenté d’utiliser des éoliennes non abaissables dans des zones cycloniques, mais malheureusement pour eux, ils ont subi des revers majeurs. Ce retour d’expérience a complètement bloqué l’intervention des assureurs et des banquiers sur des projets ne prenant pas en compte cette technologie.

? A quels types de nuisances faut-il s’attendre avec un parc éolien ?

Il ne s’agit pas de nuisances. Il s’agit d’identifier les enjeux du parc sur son environnement paysager, acoustique, faunistique et floristique. Les études réalisées nous ont confirmé le très faible impact de l’implantation retenue. Ces enjeux seront suivis pendant toute la durée du projet, soit plus de 20 ans. J’attire votre attention sur le fait que c’est une nouvelle façon de produire l’électricité à Maurice on ne peut pas cacher une éolienne ! Au contraire, c’est un symbole fort de l’engagement de l’Etat Mauricien, à travers le projet Maurice Ile Durable, et la vision du Premier ministre d’assurer la sécurité énergétique du pays. Il y a 20 , 30 ans , les gens faisaient attention d’utiliser le strict minimum d’énergie électrique dans les maisons quel paradoxe de voir le changement ! Maintenant c’est Noël et Divali tous les jours… A travers les énergies renouvelables et l’efficience énergétique, les gens prendront conscience de la mutation à venir.

? Il semble qu’à La Réunion, Electricité de France (EDF) paie l’électricité des éoliennes 2,5 fois plus cher que l’énergie de base. Faut-il s’attendre à un même ordre de grandeur à Maurice ?

Non. A La Réunion, EDF ne paie pas le kWh éolien 2,5 fois plus cher que le kWh de base produit à partir de ses centrales qui carburent au fioul. Il faut savoir que dans un contexte insulaire, l’éolien est encore plus compétitif que sur les grands réseaux. A

La Réunion, c’est au contraire le kWh produit par EDF à partir d’énergies fossiles qui a un coût de revient supérieur à celui de l’éolien. D’ailleurs, EDF Energies Nouvelles y a investi dans une centrale éolienne à Sainte-Rose. Les rapports internationaux sur l’énergie démontrent qu’à partir d’un baril de pétrole à 75 dollars, le kWh éolien est compétitif. Aujourd’hui, le baril est à 82 dollars et personne n’envisage un cours à la baisse ! La première règle de base est qu’il y a des énergies (fioul, charbon, hydro, éolien, etc. ) qui rentrent sur le réseau, et elles ont toutes des prix de production différents cela forme le «mix» énergétique.

Aussi, en face, vous avez des prix de consommation (hôtels, usines, particuliers, etc.) différents. Maurice a la particularité d’avoir une croissance électrique très marquée dans les services, mais en contrepartie, cela engendre surtout des problèmes de «peak» pendant la journée. A long terme, il faudra réfléchir aux solutions de stockage électrique afin de transformer la capacité non utilisée la nuit en pointe.

? Il semble que vous ayez vendu des crédits carbones. En quoi consiste cette transaction ?

Oui, Aérowatt a souhaité que ce projet bénéficie du Mécanisme de Développement Propre géré par les Nations unies. Ce mécanisme, créé par le protocole de Kyoto, va générer des revenus qui permettront de revendre le kWh éolien au CEB à un prix moins coûteux. De quoi s’agit-il ? Le protocole de Kyoto a déterminé, pour chaque pays, des volumes de gaz à effet de serre à ne pas dépasser. Certains pays industrialisés savent qu’ils ne pourront pas les respecter et vont chercher à «acheter» des crédits carbones sur le marché international pour éviter le paiement de pénalités. La création d’un parc éolien sur le territoire mauricien permet d’éviter l’émission de gaz à effet de serre. Ce sont ces tonnes de gaz non-émis qui sont achetés par des pays industrialisés. C’est le cas de l’Agence suédoise de l’énergie, avec qui nous avons signé un accord de principe.

? Pourquoi avez-vous vendu ces crédits carbones ?

Il s’agit pour nous de créer de nouveaux revenus pour le projet et de permettre de revendre le kWh éolien au CEB à un tarif encore plus attractif. Cette mesure, qui participe aujourd’hui directement au financement du parc, permettra aux Mauriciens de bénéficier d’un kWh moins cher.

? Où en est votre partenariat avec «Omnicane» ?

Il se poursuit. Nos études sont finalisées et des discussions avec les autorités sont en cours.