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De l’esthétique de la tromperie

6 janvier 2013, 00:00

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Prétendre lui fournir une éthique serait un peu excessif. Mais une esthétique, pourquoi pas ? Tout au moins un code de ce qui heurte notre société et de ce qu’elle accepte sans traumatisme. A ce chapitre de la tromperie et des abandons, cela vécu comme drame hollywoodien ou grâcieux marivaudage, deux grands modèles s’imposent : a) l’américain, assumant que la loyauté du conjoint sera un reflet de l’intégrité de l’élu et b) le latin, venant de mondes français, italien, plus indulgents envers ce qui ne s’étale pas sur la place publique. Il faudra que nous choisissions l’une ou l’autre de ces attitudes.

On estime à sept millions de dollars le coût du chapitre Lewinsky dans l’enquête plus large que le procureur indépendant Ken Starr a consacrée au président Clinton. Ce qui valut finalement à ce dernier d’être impeached par la Chambre des représentants pour parjure et obstruction à la justice, les deux délits liés à son comportement sexuel. Un demi- siècle après l’indulgence des années 60 envers le président Kennedy – on lui prête, ainsi qu’à son frère Bob, une liaison avec Marylin Monroe –, il est devenu très difficile pour un politicien américain d’un certain rang de se soustraire aux normes d’une vie familiale rangée. Parce que la société américaine est devenue plus puritaine mais aussi parce que, aujourd’hui, les femmes ne sont plus disposées à se laisser humilier.

En Europe, surtout du Sud, il ne sera pas excessivement reproché à l’homme de pouvoir d’en user pour faciliter une conquête. En Italie, Berlusconi apprit à ses dépens que ses compatriotes n’accepteraient pas la vulgarité de son vocabulaire et son recours à des prestations tarifées, que la justice serait attentive à l’âge des courtisanes conviées à ses fêtes.
Toutefois, aurait- il été juste un peu moins voyant que nul, au pays de Néron et des Borgia, n’aurait rien trouvé à redire de sa libido. En France, des appartements de la République furent mis à la disposition de la deuxième famille de François Mitterrand et la découverte de l’existence de Mazarine ne fut absolument pas un scandale. Jusqu’à l’affaire Diallo, au mois de mai 2011, ce qui plaça Dominique Strauss- Kahn au centre d’un scandale international, la sexualité compulsive de l’ancien directeur du Fonds Monétaire International n’était jamais apparue à ses amis politiques comme un obstacle sur sa route vers l’Elysée.

Serons- nous américains, soit rigoureusement vigilants quant aux moeurs sexuelles de nos dirigeants politiques ? Avons- nous les moyens de l’être ? Mme Bappoo acceptera- telle de prendre la tête d’une brigade de défense des conjoints bafoués pour donner la chasse aux conjoints trompeurs ? Plutôt qu’américains, serons- nous latins, soit en mesure de faire la part des choses, d’être scrupuleux quant à la gouvernance tout en accordant à tous un droit à la vie privée ? Ce qui veut dire, au fond, un droit à l’inavouable. Dans cette rhétorique- là, il n’y a de privé que ce qu’on ne souhaite pas avouer.

Mis à part l’existence même d’une relation en conflit avec de précédents mariages, ce qui relève strictement de cette vie privée que l’on souhaitera protéger, on devra déterminer d’autres champs de délimitation du public et du privé. Ainsi, on accordera à une dame, si elle le souhaite, quinze gardes du corps payés de sa poche ou de celle de son beau. Mais on veillera à ce qu’aucun agent de l’Etat, rémunéré du trésor public, ne soit affecté à la personne ou à un de ses enfants. De même, si une proche d’un homme de pouvoir devait faire des affaires, on veillerait à ce que nul ne puisse accuser sa réussite d’être suspecte. Les gens sont si aisément soupçonneux.