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Des recalés du CPE
A la veille de la Journée mondiale du refus de la misère, j’ai cru devoir adresser au ministre des Finances du pays ce plaidoyer en faveur des milliers et des milliers de ces enfants mauriciens en âge scolaire et en classes primaires qui seront bientôt ou dans quelques années connus et désignés de façon péjorative comme des recalés du CPE. Puisqu’ils ne vont pas réussir aux examens de fi n d’études primaires et ne seront même pas capables de lire ou d’écrire l’anglais ni le français aujourd’hui et demain, le créole. Ce sont des enfants qui pour la plupart sont issus des milieux familiaux défavorisés, souvent victimes de l’exclusion et de la grande pauvreté et toujours très vulnérables. Ils viennent de toutes les régions du pays – pas seulement des poches dites de pauvreté.
Ayant eu la chance et l’opportunité d’avoir été ministre de l’Intégration sociale, et choisissant d’être souvent sur le terrain, le ministre des Finances a pu, sans nul doute, constater de visu la situation précaire des familles victimes de la pauvreté et de l’exclusion, les plus démunies parmi celles-ci, qui vivent dans l’insécurité alimentaire, arrivant difficilement à pourvoir chaque jour à leurs enfants deux repas d’une nourriture qui leur convient. Il en résulte des cas de maladies chroniques dont souffrent certains d’entre eux et qui seront souvent aggravées en raison de l’insalubrité de l’environnement dans lequel ils sont appelés à évoluer et grandir.
De ces enfants, combien sont-ils ceux qui, le matin, vont à l’école le ventre creux ? Ils n’ont rien ou presque rien à se mettre sous la dent toute la journée durant. Ventre affamé n’a point d’oreilles, nous dit l’adage. Ces enfants tenaillés par la faim seront, en classe, littéralement sourds aux explications de leurs institutrices et instituteurs, ne pouvant s’appliquer ni se concentrer dans leurs études. Parmi eux, nombreux sont ceux qui vont demain grossir les rangs des recalés du CPE. Entre-temps l’on continuera à se gargariser de «equal opportunities», chances égales !
Adultes et enfants ont tous droit à la vie, une vie décente, et à l’éducation, une bonne éducation. Ces droits inscrits dans la Charte des droits humains impliquent d’abord et avant tout le droit à la nourriture, une nourriture saine. Là où les parents, vivant en dessous du seuil de pauvreté, n’arrivent pas à le faire, il incombe à l’Etat de veiller à ce que les enfants de la République aient de quoi se nourrir pour pouvoir vivre et être convenablement instruits. Il en a le devoir et la responsabilité. Le droit à la vie est sacré. Le droit à l’éducation devrait l’être aussi. Mettre l’éducation à la portée de tous, assurer la gratuité de l’éducation, est louable et nécessaire mais n’est pas suffisant. L’Etat doit donner aux enfants, à tous les enfants, les moyens d’en tirer le maximum de bénéfices possible.
Ce plaidoyer en faveur des enfants pauvres du pays, le ministre des Finances l’aura compris, est, en effet, un plaidoyer pour que l’Etat offre, par le biais d’une cantine scolaire subventionnée, un repas chaud aux élèves qui fréquentent nos écoles primaires. Pour que ce projet aboutisse – ce qui est mon souhait le plus ardent et celui des populations défavorisées – le ministre des Finances devra y accorder toute son attention et sa considération sympathique et allouer ensuite les crédits nécessaires dans le prochain budget, son premier budget.
Cette même requête avait été adressée aux deux prédécesseurs immédiats du ministre des Finances actuel. Ils n’ont toutefois pas trouvé utile de mettre en oeuvre ce projet que je considère essentiel pour la lutte contre la faim et la réduction de la pauvreté et pour assurer l’avenir de nos enfants. Ceux-ci seront alors plus à même de suivre la classe, donner le meilleur d’eux-mêmes dans leurs études et réussir leur éducation primaire, les épargnant ainsi d’emprunter le chemin sans issue qu’est celui des recalés du CPE. Je crois pouvoir compter sur l’ancien ministre de l’Intégration sociale pour instaurer ce programme d’aide alimentaire aux enfants dont les parents n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins vitaux. On donnera alors un immense encouragement à la scolarisation des enfants venant des familles défavorisées et nous assisterons à un début d’égalité de chances.
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