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Didier Picon : « Un traité international exige une totale réciprocité et de la bonne foi »

12 août 2012, 16:04

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Le Managing Director de Murray & Collins OMC traite de l’épineuse question des circonstances où des lois domestiques pourraient éventuellement avoir préséance sur les dispositions d’une convention signée entre deux pays partenaires.

Pourquoi les dispositions d''''un traité bilatéral devraient-elles avoir préséance sur celles des lois locales ?

Un traité bilatéral, valablement conclu entre deux états souverains, lie ses cocontractants et exige qu’il soit exécuté avec réciprocité et en toute bonne foi conformément au principe fondamental du Droit International Public, « Pacta Sunt Servanda ».

Le fait d’édicter, en l’absence de tout arrangement préalable, une loi interne (donc unilatérale) ayant pour vocation de supplanter certaines dispositions d’un traité préalablement conclu constituerait, en principe, une violation d’un engagement international et serait contraire à la Convention de Vienne sur le droit des traités et aux recommandations de certains organismes internationaux tels que le Fonds Monétaire International et le Département des Affaires Fiscales de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, l’OCDE.

Dans le cadre d’un traité de non double imposition, la préséance des dispositions d’une ou des lois internes d’un des Etats signataires engendrerait des incertitudes non propices aux autres objets du traité qui sont de promouvoir la coopération économique, le commerce bilatéral et les investissements interétatiques.

Y a-t-il des situations où une loi domestique pourrait ou devrait avoir préséance sur les dispositions d’un traité ?

Il en existe plusieurs : la clause Rebus Sic Stantibus, les clauses de préservation, les clauses de sauvegarde, la préséance d’office prévue par les lois internes, la lutte contre l’utilisation abusive des traités et les règles afférentes aux Sociétés sous contrôle étranger (« CFC rules ») entre autres.
La première permet de légiférer suite à la suspension ou à la répudiation d’un traité occasionné par la survenance d’un changement des stipulations altérant radicalement les obligations initialement acceptées.

Les clauses de préservation, elles, rendent nulles et non avenues toutes dispositions d’un traité qui, par inadvertance, enlèvent les bienfaits prévus par les lois internes, alors que les clauses de sauvegarde maintiennent les droits d’un Etat d’imposer ses résidents et ressortissants comme si le traité n’existait pas.

Quels sont les pays où les lois domestiques ont de facto préséance sur les dispositions d''un traité ?

A l’instar de certains Etats tels que la France et le Japon, qui stipulent clairement la suprématie des Traités sur les lois internes dans la hiérarchie des normes, certains autres Etats comme les Etats-Unis prévoient que, hormis la Constitution Fédérale, les traités ont la même valeur que leurs lois internes et qu’en cas de conflit, celui-ci se résoudrait par l’application de la dernière en date. Rappelons tout de même que les Etats-Unis n’ont pas ratifié la Convention de Vienne sur le droit des traités.

Dans les perspectives de l’entrée en vigueur prochaine du GAAR, l''Inde pourra-t-elle éventuellement contester la préséance des dispositions de la convention sur la double imposition ?

En effet, dans le cadre de sa lutte contre l’utilisation abusive des dispositions du traité de non double imposition, l’Inde devrait pouvoir écarter l’application du traité en faveur de ses lois internes, dans des situations où le présumé resquilleur fiscal aurait effectué une planification fiscale inadmissible (PFI) telle que définie par ses lois internes.

L’accomplissement des conditions requises par les clauses de limitation n’enlève en rien le droit de l’Inde d’écarter le traité. C’est pourquoi Maurice a demandé, en contrepartie de l’adoption d’une clause de limitation, que le traité ne soit pas supplanté par les lois internes.

Le principe d’une telle préséance est généralement admis dans la communauté internationale. Cependant, les conditions encadrant une telle préséance doivent d’être strictement définies afin d’éviter que l’Etat, cherchant à combattre l’utilisation abusive des traités, ne fasse pas, à son tour, une utilisation abusive de ses Agreement Anti Avoidance Rules!

Propos recueillis par Lindsay Prosper