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Discrimination positive: la position du Premier ministre fait débat

20 décembre 2008, 01:00

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Discrimination positive: la position du Premier ministre fait débat

Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a été explicite sur la question. Le 16 décembre dernier au Parlement, lors des débats sur l’Equal Opportunity Bill, il a affirmé qu’il n’était pas en faveur d’un système de quotas et de discrimination positive. Alain Romaine, Lindsay Morvan, Vina Balgobin et Ibrahim Koodoruth donnent leurs avis sur la question.

Dans son discours (cliquer ici pour y lire l’intégralité), le Premier ministre précise que des associations socioculturelles, se méprenant sur l’Equal Opportunity Bill, pensaient que celui-ci allait introduire le concept de discrimination positive. «Alors que c’est le contraire qui est exact», précise-t-il. Il n’y a donc pas de système de quotas qui, selon lui, se fait au détriment de la méritocratie.  «L’Equal Opportunity Bill a trait aux droits des individus et non des groupes», affirme Navin Ramgoolam.

Sa position fait débat. Pour en discuter, lexpress.mu a recueilli les analyses de quatre observateurs de la société mauricienne. Nous les livrons plus bas.  

Alain Romaine  Prêtre

«Comment parler d’une société juste sans discrimination positive?»

La question de discrimination positive est très relative dépendant de l’angle qu’on la traite. Je peux comprendre que lorsqu’on est dans un poste de responsabilité nationale, on se doit de satisfaire toute la population et, parfois, prendre des décisions qui peuvent incommoder certains. Mais je ne peux pas comprendre qu’on fait abstraction du fait qu’il y a des groupes sociaux qui ont des retards à rattraper. Je comprends encore moins qu’on puisse parler d’une société juste sans utiliser la discrimination positive pour éliminer les injustices.

Dans le principe, le Premier ministre tient un discours. Mais, dans les faits, c’est autre chose. On ne peut occulter la question des groupes communautaires dans le dossier de la pauvreté. Les autorités ne cessent de dire : il faut…, il faut… Mais concrètement, je ne vois pas comment on pourra le faire sans la discrimination positive. Le discours de Navin Ramgoolam s’apparente, en ce sens, à un discours clientéliste. S’il n’admet pas que certains groupes ont pris du retard, je vois mal les écarts se réduire.

Enfin, il ne faut pas qu’à chaque fois que Jocelyn Grégoire est devant lui, Navin Ramgoolam affirme qu’il est d’accord avec lui mais, par la suite,… Le Premier ministre devrait nous convaincre qu’il y a une autre alternative à la discrimination positive.

Lindsay Morvan

Président du Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois

«Je n’ai jamais été d’accord avec la discrimination positive»

Je n’ai jamais été d’accord avec la discrimination positive parce que déjà le terme «discrimination» connote quelque chose de négatif. La discrimination positive se fait toujours au détriment de quelqu’un d’autre. Par contre, je suis pour «l’affirmative action». Celle-ci se fait sans faire souffrir la qualité d’un service. A cet effet, je suis pour le concept de «mixed abilities» parce que, dans les écoles, il permet à ceux qui ont du retard de bénéficier de la présence des plus doués pour s’améliorer.

Ce n’est dans l’intérêt d’aucune société de corriger les injustices par d’autres injustices. Par contre, l’égalité des chances, qui met l’accent sur la méritocratie, est plus efficace qu’un système de quota. Le vrai débat s’articule autour du fait qu’on a besoin de plus de méritocratie. Un autre débat crucial est celui du logement social. Il faut cesser de transformer les appartements NHDC en une forme de ghettoïsation ethnique. C’est ainsi que dans une petite île comme Maurice, on finit par ne pas savoir qui est l’Autre. Au niveau de l’emploi également, il faut en finir avec le favoritisme et le recrutement à base communale.

 

Vina Balgobin Chargée de cours en linguistique à l’Université de Maurice

«Des aspects positifs et négatifs»

Il y a autant d’aspects positifs que négatifs avec la discrimination positive. Ne m’étant pas encore penchée sur la question, je peux seulement citer deux cas. Aux Etats-Unis, par exemple, on en a recours en recrutant des étudiants qui ne représentent pas nécessairement les attributs académiques requis. Quant aux résultats obtenus, on peut toujours en débattre. En Inde, on l’a introduit pour corriger les injustices dont souffraient les classes dites inférieures. Une étude a démontré que, dans le temps, les résultats sont autant positifs que négatifs.

 

 

 

 

Ibrahim Koodoruth

Chargé de cours en sociologie à l’Université de Maurice

On ne peut pas parler d’égalité des opportunités si on n’applique pas le principe de l’équité. Certes, on ne peut prendre en compte le passé des gens. C’est face aux situations réelles d’aujourd’hui qu’on détermine sa politique. Et c’est les compétences qui doivent primer. Mais, dans le contexte mauricien, il est un fait que des groupes, des personnes ont pris une avance par rapport à d’autres groupes, d’autres personnes. A cet effet, le principe d’équité n’a aucun sens si on n’applique pas la discrimination positive.


Il s’agit donc de construire un environnement social, économique et éducatif afin de mieux outiller les groupes vulnérables. Le logement social, l’éducation gratuite, la santé gratuite ne participent pas de la logique de la discrimination positive. Sans celle-ci, on institutionnalise le statu quo.