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Dr Mohammad Ishaq Jowahir : «Il n’y a pas de ligne de communication entre le ministère et le privé»

15 juillet 2010, 09:00

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? Les Mauriciens ont ils des raisons de s’alarmer par rapport à la grippe A(H1N1) ?

On ne peut pas dire «s’alarmer». Par contre, il s’agit d’être conscient que cette grippe est bien là. En conséquence, il faut prendre les précautions comme nous l’avons suggéré, à savoir éviter de se rendre dans des lieux très fréquentés, comme les supermarchés, les restaurants et les plages. Cela s’applique particulièrement aux enfants, aux personnes âgées, aux asthmatiques et à ceux souffrant de troubles chroniques.

? Dans certains de vos propos recueillis par «l’express» en début de semaine, on vous sent remonté contre le ministère, voire la ministre de la Santé. Quelles sont les causes de cette discorde ?

La discorde concerne le fait qu’il n’y ait pas de ligne de communication entre le ministère et la PMPA, contrairement à l’année dernière.

Nous étions alors partie prenante des prises de décisions du ministère. Nous assistions aux réunions autour de la grippe A qui se tenaient pratiquement tous les jours. Nous participions à l’élaboration des protocoles à suivre et des traitements à administrer.

Cette année, chacun travaille de son côté. Ce qui m’étonne aussi, c’est que quelqu’un de haut placé au ministère n’était même pas au courant du décès survenu.

? Les divergences entre les médecins du privé et le ministère se portent-elles uniquement sur le dossier de la grippe A(H1N1) ?

Il n’y a pas d’autres sujets de discorde. Simplement, la ministre agit comme s’il n’y avait que les médecins du public, les hôpitaux et les dispensaires.

Le ministère doit englober, au même titre, le privé et le public. Dans le cas présent, nous constatons une différence dans la considération accordée à chacune des deux parties. Encore une fois, le problème reste l’absence d’une ligne de communication.

? Comment se fait-il qu’avec toutes les avancées dans le domaine pharmaceutique, des gens meurent encore de la grippe à Maurice, en 2010 ?

Pas seulement à Maurice, mais à travers le monde.

Rien que la grippe hivernale cause quelque 500 000 décès à l’échelle mondiale. C’est ainsi. C’est banal tout en étant sérieux. La plupart des victimes sont des personnes âgées et des enfants.

? Diriez vous qu’il y a un «business» de Tamifl u à Maurice ?

Je ne le pense pas.

Je le redis, s’il y avait une ligne de communication entre le ministère et le privé, nous pourrions rediriger les patients qui consultent des médecins privés et n’ont pas les moyens de se procurer du Tamiflu vers les institutions publiques. Or, quand un médecin du privé prescrit du Tamiflu à un patient, ce dernier ne l’obtiendra pas auprès des dispensaires ou des hôpitaux. On sait que c’est un traitement très important, surtout en ce moment, mais vu qu’il n’y a pas de ligne de communication, nous n’avons pu suggérer de solutions.

? A quel point le Tamiflu est-il fiable?

Le Tamiflu est un antiviral.

Pour les infections bactériennes, on a recours aux antibiotiques. En ce qui concerne la grippe, qui est une infection virale, on a recours à un antiviral, comme le Tamiflu. C’est un traitement récent, que nous commençons à utiliser

Ce que je peux dire, c’est qu’il a des effets bénéfiques chez certains mais aucun chez d’autres. Des recherches sont en cours pour en déterminer les causes. Il faut dire aussi que 30 000 cas de grippe A ont été identifiés à Maurice l’année dernière. Il y a eu une vingtaine de décès, essentiellement dus à des complications respiratoires. Cependant, on ne sait pas encore pourquoi ces personnes décèdent de ces complications.

? Doit-on craindre de voir apparaître des virus grippaux résistant même au Tamiflu ?

Si on prend l’exemple des antibiotiques, n’importe qui peut aller dans une pharmacie et en acheter sans prescription. Il y a un abus d’antibiotiques, ce qui fait que certaines bactéries développent une résistance à ceux ci.

La même chose pourrait se produire si on distribuait le Tamiflu sans contrôle. Cependant, je ne pense pas que ce soit le cas à Maurice, le coût étant un argument dissuasif.

? En France, une vaste campagne a été menée dans le but de sensibiliser la population au sujet de la prise d’antibiotiques. Est-il normal que des médecins mauriciens en prescrivent dans les cas de grippe ?

Oui, si ces cas présentent des complications d’origine bactérienne. La grippe affecte une personne pendant trois jours. C’est le temps qu’il faut au corps pour développer des anticorps en vue de combattre la maladie.

Si les symptômes grippaux durent plus longtemps, c’est une indication qu’il y a complication.

Cette complication bactérienne vient se greffer sur la condition du malade et nécessite un traitement à base d’antibiotiques. On voit de tels cas tous les ans, où des infections comme la sinusite ou l’angine viennent se greffer sur la grippe hivernale.

Les antibiotiques sont tout à fait indiqués dans ces cas-là.

Pas pour une simple grippe, cependant.

? Certaines personnes proches du secteur médical estiment que la psychose entourant la grippe A (H1N1) profite à certains médecins du privé. Qu’avez-vous à leur répondre ?

Comment cela nous profiterait-il ?

? En poussant les malades à se ruer vers ces mêmes médecins, par exemple…

Si vous êtes malade, il est normal que vous alliez voir un médecin, tout comme vous allez voir un avocat pour un avis légal, ou toute autre personne compétente dans son domaine d’expertise. Alors, pourquoi cibler seulement les médecins ? Le médecin est le mieux indiqué pour détecter si des complications se greffent sur la grippe. On ne dit pas aux malades de se tourner uniquement vers les médecins du privé, mais vers les hôpitaux et dispensaires également.

Propos recueillis par Ludovic AGATHE

Ludovic AGATHE