Publicité
Dr Richard Michel Lepec: «Il faut déclarer la guerre aux déchets pour endiguer la dengue»
Par
Partager cet article
Dr Richard Michel Lepec: «Il faut déclarer la guerre aux déchets pour endiguer la dengue»
Six nouveaux cas de dengue ont été enregistrés hier. Le Dr Lepec de la COI revient sur les mesures qui sont prises par le ministère de la Santé, en collaboration avec la commission, dont la création d’un réseau de Surveillance épidémiologique de gestion des alertes.
■ Le ministère de la Santé a-t-il réclamé l’aide du réseau de Veille sanitaire de la COI depuis les récents cas de dengue?
On est en contact permanent à travers la Communicable Disease Control Unit depuis environ cinq ans. On est en train de créer le réseau Sega. Non, cela n’a rien à voir avec la danse. C’est le réseau de Surveillance épidémiologique de gestion des alertes.
Avec le Dr Tilochun Ram Nundlall du ministère de la Santé, on travaille également avec les pays de la région pour savoir ce qui s’y passe au quotidien. Notre objectif, à terme, est de mettre en place une stratégie pour le renforcement des capacités de lutte de maladies notamment à travers le financement des formations du personnel médical.
Outre le fait de mener des investigations sur le terrain, on apporte aussi notre expertise aux laboratoires des pays de la région.
■ Quand la COI a-t-elle été informée de l’épidémie à Triolet?
En même temps que le ministère de la Santé. Dès que l’alerte a été donnée, des mesures de lutte anti-vectorielle ont été déployées par celui-ci afin d’éviter la propagation du virus.
■Comment expliquer qu’une épidémie de dengue se déclare de manière aussi soudaine à Maurice ?
En fait, la dengue évolue dans la région depuis novembre. Elle a été notée dans l’archipel des Comores. En ce qui concerne Maurice, bien souvent la maladie est importée par quelqu’un qui a effectué un voyage en Afrique ou en Asie. En 2009, comme vous devez le savoir, une petite épidémie s’était déclarée parmi des voyageurs comoriens à Maurice.
■ La Santé estime que les cas découverts sont autochtones alors qu’un proche de trois malades revient d’un voyage en Inde…
De temps en temps, on peut avoir un foyer endémique car le premier patient déclaré n’a pas voyagé ou n’a pas été en contact avec un voyageur. Mais le cas est souvent importé. On ne peut pas non plus remonter le temps pour le découvrir.
Ce qu’il faut savoir de la dengue, c’est qu’il y a 50% à 70% des gens atteints qui ne vont pas montrer des signes cliniques de la maladie. On les appelle des porteurs sains.
Pour répondre à la seconde partie de votre question, une personne qui voyage peut être infectée par le virus sans pour autant développer la maladie. Elle est cependant susceptible de la transmettre.
■Pourquoi la dengue est-elle qualifiée de maladie réémergente par l’Organisation mondiale de la Santé ?
Elle est de plus en plus présente à travers le monde. Avant, c’était une maladie confinée aux tropiques d’où son surnom de grippe tropicale. Maintenant, elle s’étend aussi bien en France qu’en Italie où des pics d’épidémie ont été signalés.
■Est-ce que la dengue évolue ?
Grosso modo, le virus de la dengue est stable. Elle n’a pas connu de changements majeurs. Toutefois, cette maladie existe en quatre versions. Si vous avez contracté le Type 1, vous n’allez pas être malade si vous êtes de nouveau infecté.
La réémergence de la dengue s’explique par de nouvelles conditions environnementales et une extension géographique grâce aux moustiques de type Aedes.
■ Peut-on aller jusqu’à dire que l’Aedes a muté ?
Non plus. Certains s’aventurent à dire que ces moustiques se multiplient à cause du changement climatique mais je n’y souscris pas. Il faut déclarer la guerre aux déchets pour endiguer la dengue, nettoyer chez soi, éviter l’accumulation d’ordures au fond du jardin et d’objets retenant l’eau qui peuvent servir à la propagation des larves.
Il n’y a pas d’autres solutions pour venir à bout des moustiques. S’il y en a moins, c’est mieux. Après tout, l’idéal serait de ne pas se faire piquer par un moustique.
■En parlant de l’Aedes, estce que le chikungunya et la dengue peuvent être liés ?
Elles le sont uniquement de par leur propagation par l’Aedes. Elles sont deux maladies indépendantes.
■Pour revenir à la dengue, s’agit-il d’une maladie dormante ?
L’homme sert de réservoir au virus de la dengue. A partir du moment où une personne a été infectée, elle montre des signes de la maladie pendant cinq jours. Dans de rares cas, cela s’étend sur quinze jours. Passé ce délai, l’individu n’a aucune raison d’être malade car son organisme a fini de détruire le virus.
■Sommes-nous, à Maurice, réellement en présence de cas de dengue de Type 1 ?
D’après les tests effectués par le laboratoire de Candos, il s’agit bien du Type 1. Ces analyses sont du même niveau que ceux conduits par l’Institut pasteur de Madagascar ou le laboratoire virologique de la Réunion. Les symptômes sont la fièvre, des maux de tête, une grosse fatigue et, ce qui est plus rare, des douleurs articulaires et des courbatures. Les complications sont encore plus rares.
■ La dengue de Type 1 circule-t-elle dans la région ?
Les Comores font face à la dengue de Type 2. A la Réunion, on est en attente d’une confirmation sur le type de la maladie sur un cas spécifique.
■ Si la propagation de la maladie est mal maîtrisée, peut-on s’attendre à une catastrophe ?
Pour une personne normale, le temps d’incubation est de cinq jours. Plus souvent, les gens croient avoir la grippe. Au niveau des autorités, des mesures de gestion sont nécessaires et elles sont obligées d’effectuer une recherche active de cas en faisant du porte-à-porte. Cela sert à vérifier si des personnes répondent aux symptômes. La prise de sang permet alors de déterminer qui sont celles qui ont contracté le virus.
Evidemment, sans exercice de lutte, la maladie s’étendra. Il y aura un pic, puis la maladie s’éteindra d’elle-même. Tout le travail du ministère de la Santé et du réseau Sega consiste à détecter la maladie dès le premier jour, afin d’engager les moyens de lutte. Au lieu d’avoir un pic, c’est mieux de contenir la maladie afin de réduire au maximum le nombre de personnes atteintes.
■Il y a quelques années, avec la grippe H1N1, on avait accusé Maurice de dissimuler les chiffres réels de la maladie…
Il n’y a rien eu de spectaculaire à Maurice. Il y a surtout eu des erreurs d’estimation de mortalité au niveau international à cause d’un calcul basé sur des données recueillies au Mexique, pays où la maladie s’est d’abord déclarée. Les estimations en Afrique du Sud ont ainsi été revues à la baisse.
Il s’avère que la grippe H1N1 est moins mortelle que ce qui avait été dit au départ. Face au discours tenu à l’époque, c’est sûr que les gens crieront au loup et diront qu’on leur cache des choses. Le nombre de cas recensés était tout à fait compatible avec une épidémie qui n’est pas connue de la population.
■ Après la dengue, peut-on s’attendre à voir la malaria à Maurice ?
Il y a des gens qui voyagent dans des pays où le paludisme est endémique. Il y a donc bel et bien un risque. D’où l’importance de la qualité du travail abattu par le ministère de la Santé en termes de contrôle et de veille. C’est très important ce qu’il fait et il le fait très bien.
■Avec ces pluies diluviennes, le risque de propagation n’est-il pas décuplé ?
Oui. Il y a ce risque. Malheureusement,on ne peutpas arrêter la pluie. Le ministèrede la Santé a fait toutce qu’il y avait à faire. Il devradonc suivre le protocoleétabli.
Publicité
Les plus récents