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Edley Chimon : « Nous ne sommes pas là pour freiner le développement »

20 août 2012, 14:07

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Le président du Morne Heritage Trust Fund explique que son rôle n’est pas de freiner le développement autour de cette montagne classée patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Il parle de son projet d’un village culturel dans cette région.


? Vous mettez les chaussures de Mathieu Laclé

(Une moue) Mo pa ti a kontan rant dan so soulie.

? Quels sont vos projets ?

Depuis que je suis arrivé, j’ai commencé par rencontrer le personnel du bureau au Morne. Le même jour je me suis fait un devoir de rencontrer les conseillers de village, car ils sont partie prenante de tout ce qui se passe au Morne. Il s’agit d’examiner les dossiers en suspens. Il y en a beaucoup parce que cela fait un bout de temps qu’il n’y a pas eu de réunion du board.

? Le dernier remonte à quand ?

Selon mes informations, à juin. Pour ça il fallait reconstituer le board. Ce qui a été fait aujourd’hui ( NdlR : jeudi 16 août). Je suis bien content que les gens que j’ai proposés aient été acceptés. C’est Wendy Rose (NdlR : acting head du Child Development Unit) qui est la vice-présidente. Il y a aussi Benjamin Moutou, historien, qui est d’une grande aide, ainsi que Marcel Lindsay Noé et Pierre Cangy (NdlR : conteur). J’espère que nous allons tenir la première réunion très prochainement, parce qu’il y a tellement de dossiers en attente.

Une autre de mes priorités c’est d’avoir les gens du village avec nous. À l’issue de la réunion avec les conseillers de village, ils ont dit qu’ils avaient l’impression d’avoir été mis à l’écart. Ces gens sont des amis de longue date et j’ai d’ailleurs insisté pour que le président de village soit maintenant sur le board. Avant cela, c’était le conseil de district qui était représenté. J’ai insisté pour qu’un représentant du Morne soit là, c’est important. Maintenant, il faut voir tous les dossiers en suspens, les demandes de permis, les implications concernant le site.

? N’avez-vous pas l’impression d’être coincé par de grandes questions, comme celles des terres ? L’affaire est en cour avec une réclamation de plus de Rs 1 milliard à la clé. Tant que cela ne sera pas réglé, comment pouvez-vous avancer ?

L’accès à la terre est effectivement très important. Ce dossier a très vite été traité par le gouvernement.

? Vite ? L’affaire n’est pas encore réglée.

L’affaire est en cour. Mo sipoze li pe regle. Le gouvernement, dans sa bonne foi, est venu avec certaines propositions. Maintenant, si la partie adverse ne veut pas les accepter, pa kapav dir gouvernman pa pe get sa. Il y aussi tout ce qui concerne la gestion des lagons, par exemple. Il y a des hôtels et des activités qu’ils font ou veulent faire. Nou pa le get li piece meal, mais dans la globalité, tout en préservant le paysage culturel du Morne. Il y aussi un problème d’érosion du côté de Trou Chenille. Il faut également travailler sur la visibilité du Morne, installer des panneaux de signalisation. Impe dan nou sa, kouma dir nou inpe invizib. Récemment j’ai rencontré des associations qui ne savent pas ce que l’on fait. Comme les visites gratuites.

? Visites qui se font même si vous n’avez pas accès à la montagne.

Oui, mais il y a tout un parcours qui existe. A Trou Chenille, le cimetière, Roche Rasta, le monument sur la plage publique, avec toute l’histoire de cette partie-là qui est racontée. Et tout cela est gratuit. Nous avons quatre guides qui accompagnent les visiteurs.

? Le centre d’interprétation, sa construction dépend de la question des terres.

Il y a plusieurs propriétaires terriens dans la région. Près du centre d’interprétation, cela ira un peu vite. Parce que c’est un autre propriétaire qui est là.

? Les négociations sont déjà finies ?

Je crois, mais je ne vais pas m’aventurer là-dessus. C’est au niveau gouvernemental que cela se passe, mais cela ira vite.

? Vite, ça veut dire quand ?

Le financement, une partie est déjà là, dans le budget.

? Combien ?

Euh, enfin, une somme. Aussitôt que la question des terres est réglée, on pourra lancer le projet…Le gros morceau, c’est le gouvernement qui s’en occupe, et l’affaire est en cour.

? A votre niveau, quand vous savez qu’il faut que les choses se règlent à un niveau qui vous dépasse, vous ne vous sentez pas bloqué dans votre champ d’action?

C’est un problème légal, il faut laisser les choses suivre leur cours. Cela ne veut pas dire que le Morne est bloqué, il existe d’autres problèmes qu’il faut régler. L’archéologue Krish Seetah (NdlR : archéologue d’origine mauricienne qui travaille à l’université de Lancashire) avec qui j’ai longuement discuté a fait une proposition pour que les travaux soient étendus, notamment au cimetière. Le board va étudier sa proposition. Son équipe a aussi fait des tests ADN avec des prélèvements sur le site et avec des gens du Morne, avec leur consentement. Il me semble qu’il a déjà fait des tests sur des personnes du Mozambique.

? Combien de gens du Morne ont fait des prélèvements ?

J’ai son rapport…mo pa kone exak. Les archéologues pensent aussi qu’à l’ancien village de Macaque, il y a des choses, mais comme ce village est situé sur des terres privées, il faut voir. Mon autre gros problème, ou plutôt engagement, c’est le développement dans toute cette région de La Gaulette, le Morne, Baie-du-Cap. Il y a toute la question de l’accès à l’emploi que Joe Ramalingum (NdlR : conseiller de district) a évoqué.

? Qui est de recruter en priorité les habitants de la région.

Oui, d’ailleurs j’ai pris rendez-vous avec des hôtels, on va discuter. Car l’un des volets du plan de gestion concerne le développement du village. Déjà, on donne des cours de formation aux femmes, avec la Small and Medium Enterprises Development Authority, on donne l’accès à Internet. On a pratiquement finalisé un accord avec le groupe ABAIM pour une initiation aux instruments d e musique. Fer bann zanfan koze, pour un travail sur les jeux d’antan.

? «Le Morne Heritage Trust Fund» a au départ une vocation de préservation du patrimoine. Avez-vous les moyens de vous transformer en agence de développement économique de la région ?

Ce n’est pas nécessairement développer la région…Pour le moment nous avons un budget raisonnable, pas de déficit.

? En tout cas, il y a des attentes.

A mon humble avis, il y a la montagne et le patrimoine, la mémoire. C’est une chose. De faire un passage culturel. Mais on ne peut pas se cantonner à ça. Et les gens du village, «ki pou fer» ? Cela fait partie de notre rôle d’aider villageois. Pas d’en faire le développement comme le gouvernement. Nous ne sommes pas là pour freiner le développement mais pour le faire selon les directives de l’Unesco.

? Par exemple les permis pour tables d’hôtes.

Oui pour ceux qui respectent le patrimoine. Mais pour ceux qui veulent développer le Morne, pas d’une façon sauvage mais anarchique si vous voulez, là non. Il y a un projet IRS. Il y a aussi des gens du village qui ont des projets de construction. Dans un ou deux cas, il faut que les gens comprennent qu’ils ne peuvent pas construire sans permis.

? Revenons à la visibilité. Quand on passe en revue les occasions où l’on parle du Morne, il y a la «sware typik» du «Festival Kreol», les cours d’artisanat pour les femmes, un travail sur le séga typique avec les enfants. N’est-ce pas se cantonner toujours aux mêmes choses ?

Toultan li ti koumsa. Vous n’allez pas faire une soirée de séga au Gymkhana. Le Morne a un problème d’éloignement. Il y a un sacré dilemme de transport par exemple, un problème de connexion pour le téléphone portable. C’est vrai qu’il ne faut pas cantonner le Morne à certaines choses, c’est pour cela que nous encourageons les jeunes à persévérer dans l’éducation. On ne peut pas sortir de la pauvreté sans éducation. Il ne faut pas oublier la partie culturelle. On reçoit beaucoup de touristes qui viennent après avoir lu que c’est un patrimoine mondial.

? Combien de touristes ?

Facilement 10 à 15 par jour et avec le peu de renseignements que l’on a. C’est pour cela qu’il faut revoir les activités que nous proposons. J’ai dans l’idée de faire un village culturel.


Propos recueillis par Aline GROËME-HARMON