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Egypte : l''attente nourrit les tensions en

22 juin 2012, 00:00

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Le retard dans la publication du résultat officiel de l''''élection présidentielle met les nerfs des Egyptiens à rude épreuve alors que les Frères musulmans ont appelé à descendre dans la rue pour empêcher l''armée de leur confisquer le pouvoir.

Pour le troisième jour consécutif, le jeudi 21 juin 2012, des centaines de manifestants se sont rassemblés sur la place Tahrir du Caire, épicentre de la révolution ayant abouti au renversement d''Hosni Moubarak au début de l''année 2011.

Les manifestants exigent des généraux, qui pilotent le processus de transition après avoir abandonné Hosni Moubarak face à la pression de la rue, qu''ils respectent la promesse de rendre le pouvoir aux civils d''ici le 1er juillet.

Dans les faits, cet engagement pourrait ne pas être tenu.

En plein dépouillement du scrutin présidentiel, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) vient de s''arroger le pouvoir législatif après la dissolution du Parlement issu des élections remportées par les islamistes l''hiver dernier.

Il a en outre par avance dépouillé le futur chef de l''Etat de quasiment toutes ses prérogatives dans l''attente de la rédaction de la future Constitution, tâche qu''il pourrait confier à une commission formée par ses soins.

Alimentant les doutes sur la promesse des généraux de remettre le pouvoir d''ici dix jours, la commission chargée de superviser l''élection présidentielle a dit ne pas être en mesure de publier les résultats du scrutin jeudi comme prévu.
Elle dit avoir besoin de plus de temps pour étudier les recours déposés par les candidats.

Les deux candidats en lice au second tour, le Frère musulman Mohamed Morsi et le dernier Premier ministre de l''ex-président Hosni Moubarak, Ahmed Chafik, ont chacun revendiqué la victoire et déposé des réclamations.

"Nous prenons notre temps pour examiner les recours de manière adéquate mais si Dieu le veut, les résultats seront annoncés d''ici dimanche, voire avant", a dit à Reuters le juge Maher el Beheiry, membre de la commission.

Le report "génère de l''inquiétude, sans nul doute", a déclaré un porte-parole des Frères musulmans, Mahmoud Ghozlan, qui craint de voir les autorités annoncer la victoire de Chafik, dont ce dernier ne doute pas.

"Je suis totalement convaincu que je serai le vainqueur légitime", a-t-il déclaré dans la soirée, s''adressant à des partisans rassemblés dans un hôtel du Caire devant les caméras de télévision. La veille, l''un de ses conseillers avait affirmé qu''il était impossible de départager les deux candidats et lui-même s''était jusqu''ici montré discret depuis le scrutin, laissant à son état-major le soin de contester les affirmations du camp adverse.

TENSIONS
Le report de l''annonce des résultats alimente dans les cafés du Caire et sur les réseaux sociaux les rumeurs sur une intervention de l''armée, soupçonnée de préparer un déploiement dans les grandes villes. De sources militaires, on répond que l''armée est simplement en état d''alerte de crainte d''éventuelles violences après l''annonce des résultats de la présidentielle.
Ce climat de tension est exacerbé par l''incertitude sur l''état de santé d''Hosni Moubarak. Condamné le 2 juin à la réclusion à perpétuité pour la mort de manifestants durant la "révolution du Nil", l''ancien président, âgé de 84 ans, a été transféré mardi soir dans un hôpital militaire, où il alternerait périodes de coma et de réveil.

Selon Mohamed Abdel Razek, un des avocats de l''ancien "raïs", Hosni Moubarak a eu une attaque mercredi après "être tombé dans sa salle de bain". Cet incident a conduit les médecins à ordonner son transfert vers l''hôpital de Maadi qui est mieux équipé, a précisé l''avocat.

"L''Egypte est sur le point d''exploser", écrit le quotidien Al Watan en "une", illustrant les inquiétudes sur la réaction des partisans des deux camps à l''annonce des résultats.

"L''intérêt de la nation passe avant les intérêts personnels", estime l''opposant et prix Nobel de la paix 2005, Mohamed El Baradei, sur Twitter. "Ce qu''il nous faut de toute urgence, c''est une commission de médiation pour trouver une sortie politique et légale à la crise. L''Egypte est sur le point d''exploser."

Le délai nourrit les soupçons des adversaires de l''armée dans un pays habitué aux élections frauduleuses depuis que les militaires en ont pris la direction en 1952.

"Il n''y a absolument aucune justification au report de l''annonce du résultat", a déclaré mercredi un dirigeant des Frères musulmans, Essam el Erian, sur l''antenne d''Al Djazira.

"J''invite le général Chafik, qui a appris le sens de l''honneur dans l''armée égyptienne, à s''exprimer ce soir pour féliciter le véritable vainqueur, Mohamed Morsi", a-t-il ajouté, tout en écartant l''hypothèse de violences : "Il n''y a absolument aucune raison de guerre civile."

APPEL À L''UNITÉ
Quelques heures seulement après la fermeture des bureaux de vote dimanche, les Frères musulmans ont affirmé que leur candidat était élu avec 52% des voix.

Le camp Chafik s''est en revanche dit mercredi une nouvelle fois certain de la victoire de l''ancien Premier ministre, même si l''un de ses porte-parole a évoqué un scrutin serré.

Ahmed Chafik a lui-même lancé un appel à l''unité nationale et s''est dit prêt à participer à un gouvernement dirigé par les Frères musulmans.

Cette lutte de pouvoir entre les islamistes et l''armée, dont les candidats ont recueilli à eux deux moins de la moitié des suffrages au premier tour, place les jeunes révolutionnaires laïques face à une alternative douloureuse. Beaucoup, cependant, préfèrent encore voir Mohamed Morsi élu plutôt qu''Ahmed Chafik.

"Toute tentative visant à nous imposer Chafik, toute tentative de manipulation de la part du conseil militaire afin de nous l''imposer plongera l''Egypte dans une période d''instabilité et de tensions", a déclaré Ahmed Maher, du mouvement du 6-Avril, à Reuters.

"Nous descendrons dans les rues pour manifester."

 

photo : Des milliers de manifestants à la place Tahrir, au Caire. Photo/REUTERS/Suhaib Salem

Par Tom Perry et Yasmine Saleh (Reuters)