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Eric Mangar (MAA) : «Avec le projet JinFei, nos décideurs n’ont pas vu assez loin»

3 avril 2011, 11:43

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Le responsable du Mouvement pour l’autosuffisance alimentaire s’inquiète du manque de responsabilité des décideurs politiques à Maurice et ailleurs. Quant au MAA, il est plus que jamais actif pour des projets agricoles auprès des plus défavorisés du pays.


Selon la FAO, la sécurité alimentaire est loin d’être assurée…

Les prix du blé, du maïs, du riz ou du soja sont gérés sur le marché de Chicago, sans des réglementations vitales pour la protection de nombreux pays importateurs céréaliers du sud contre les effets néfastes d’une hausse de prix sur leur sécurité alimentaire. L’agriculture moderne et la technologie n’arrivent pas à répondre aux besoins alimentaires d’une population mondiale grandissante qui, selon les projections, augmentera de 37% en 2050 et qui demandera une production additionnelle céréalière de 70%, selon la FAO. Mais la crise morale qui a envahi notre planète est en grande partie responsable de la vulnérabilité du Global Food System.

Parmi les causes de la hausse des prix des produits agricoles, on évoque aussi la production de biocarburants…

Avec la hausse du prix du pétrole et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, les biocarburants sont privilégiés comme énergies renouvelables dans beaucoup de pays. Les USA consacrent 54 millions de tonnes de maïs à la fabrication d’éthanol. Mais la culture du maïs en tant que biocarburant a réduit de 6% la surface du soja, ce qui a entraîné une augmentation de 70% du prix de l’huile et de matières grasses sur les deux dernières années. L’huile de palme très utilisée en Afrique est aujourd’hui indexée sur le prix du pétrole. Beaucoup de pays africains, comme le Sénégal, ont fait le choix de réduire leurs surfaces sous denrées alimentaires au profit des cultures biocombustibles.

D’après le Central Statistics Office, la surface de la culture de légumes à Maurice est passée de 7 083 hectares en 2009 à 6 895 hectares…

La production de légumes a baissé de 8,1% et on a perdu 5 230 hectares de terres pour du béton en 2010. Ce constat remet en cause le ministère de l’Agro Industrie et de la Sécurité alimentaire, qui n’arrive pas à catalyser les ressources humaines de ses institutions agricoles, les Ong agricoles et le privé pour répondre aux objectifs du Food Security Strategic Plan de 2008-2011 qui appelle à «investir massivement dans l’agriculture». Ce plan avait prévu que la production de fruits et de légumes augmenterait de 500 tonnes durant une courte période. Il y a eu, au contraire, une baisse.

Les entrepreneurs privés ont bien investi dans le riz, le lait et la viande et c’est positif. Mais les petits producteurs arrivent difficilement à décoller.

Les 1 000 arpents de l’industrie sucrière dédiés au Food Security Fund peuvent redonner un nouveau dynamisme à l’agriculture mauricienne pourvu que la sélection des bénéficiaires se fasse dans une grande transparence, que les terres soient mises à la disposition de ceux qui sont les mieux armés pour relever les défis, qu’il y ait accent sur les produits prioritaires tels la pomme de terre ou l’oignon, qu’un bon encadrement soit mis en place.

«Rs 17 milliards investies pour une ville fantôme», indique l’express le 21 mars à propos de JinFei.

Les agriculteurs de Riche-Terre produisaient et fournissaient au marché en gros de Port-Louis au moins 20 tonnes de légumes par semaine et contribuaient d’une façon très significative à la sécurité alimentaire du pays avant d’être déplacés dans le cadre du projet Tianli/JinFei à partir de 2006. Le projet JinFei, s’il se réalise, va couvrir de béton les terres les plus riches de l’île afin de répondre aux perspectives et aux impératifs économiques de nos dirigeants et du pays.
Nos décideurs politiques ont vu loin peut être mais pas assez pour prévoir les incertitudes du futur et pour garder suffisamment de terres pour nourrir nos enfants et petits-enfants en 2050.

Où en est le MAA concernant de nouveaux projets agricoles ?

A partir de ce mois, cent jeunes de Chebel et de Barkly feront un premier pas à un retour vers la terre. C’est un projet conjoint de K-force Foundation et du MAA avec le soutien des groupements de ces quartiers. Les produits de base, dont la laitue, le petsai et le bred Tom pouce seront plantés par les jeunes dans des bacs. Cette approche, appelée Low input Agriculture, bénéficiera aux familles. En mai, sont prévus le démarrage du microprojet 5 pondeuses/famille dans une dizaine d’endroits.

Nous espérons procéder à la mise en place de deux nouvelles unités de pasteurisation de lait à Rose-Belle et à Nouvelle-Découverte de même que le démarrage de la construction de quatre bateaux de 36 pieds pour les pêcheurs artisanaux, si les fonds du Food Security Fund, déjà votés, sont disponibles.

Autres projets : la construction d’une Weavers Coordination Unit et du Musée de Pandanus à Vieux-Grand-Port, la mise en opération de l’Agro-Processing Unit de Petit-Sable et la mise en opération d’un bateau de pêche semi-industriel de 56 pieds pour le compte de la Med Coopérative Society de Bain-des-Dames.

Propos recueillis par Iqbal Kalla