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Eric Ng Ping Cheun, économiste, managing director de PluriConseil

26 mai 2010, 09:36

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Le Bureau Central des Statistiques table sur une croissance de 4,6 % en 2010 et maintient son objectif des arrivées de touristes à 915 000. N’est-ce pas un peu optimiste ?

Il est vrai que la conjoncture a été un peu surévaluée. L’annonce du chiffre de 4,6 % de croissance a été faite en mars, alors que la crise de l’euro n’était pas aussi aiguë qu’aujourd’hui. Car il est certain que si l’euro reste relativement bas par rapport à la roupie dans les mois à venir, cela affectera le revenu des hôtels, des sucriers, du textile et même des activités d’externationalisation.

Et au final, cela aura un impact sur la croissance. Dans ce cas de figure, je m’attend à un taux de croisance inférieur à 4 % pour 2010. Nous avons été victime de la très grande volatilité de l’euro ces dernières semaines. En deux jours, l’euro a repris plus de Rs 2, ce qui démontre une certaine nervosité sur les marchés. Il faut mettre les choses en perspective.

Sur 6 mois ou un an. Mais je vois ne pas l’euro monter au dessus de Rs 45 d’ici la fin de l’année. La monnaie unique devrait fluctuer dans une bande comprise entre Rs 40 et Rs 45. Les exportateurs doivent donc en tenir compte dans la fixation de leurs prix et la conclusion de leurs contrats. Ils doivent également avoir recours à des instruments de couverture de changes. Et puis, il faut continuer à penser à diversifier les marchés à l’exportation vers des «zones dollars». Le marché européen reste un marché captif pour nous, mais il faut aller regarder vers les marchés du Moyen-Orient, de l’Inde de la Chine et de l’Afrique du Sud. Dans le tourisme, on peut arriver à 910 000 arrivées pour 2010, mais pour les mois d’avril et mai, on n’a déjà pas de très bons chiffres. Dans l’ensemble, l’année 2010 devrait être meilleure que 2009 mais toujours inférieure à 2008.

Le gouverneur de la Banque de Maurice, Rhundeersing Bheenick, a indiqué qu’il n’était pas question de baisser le taux repo. Qu’en pensez vous ?

Je pense que Rhundeersing Bheenick a eu une réaction viscérale face à une pression démesurée de la part des exportateurs. Mais je suis surpris que le gouverneur ait déjà pris position avant même la prochaine réunion du comité de politique monétaire (NdlR, prévue le 22 juin, ndlr). Car cette question doit justement être débattue sereinement au sein de ce comité. Il faut discuter de cette question dans la sérénité et nom pas par média interposé. Sur le taux d’intérêt lui même, je comprends très bien le souci du gouverneur sur la question de la baisse du taux d’épargne. On a baissé le taux d’intervention de 250 point de base (NdlR, 250 % en valeur absolue) en deux ans. Cela a bien évidemment eu un impact sur l’épargne.

Mais aujourd’hui, il est aussi vrai que les entreprises exportatrices souffrent beaucoup de la baisse de l’euro. On ne peut pas éviter de contater qu’il existe un problème. Le taux d’inflation est relativement bas, le prix du pétrole est à la baisse, même s’il reste volatil. En étudiant l’équilibre des risques, je pense qu’une baisse de 50 points de base (NdlR, 0,50 % en valeur absolue, ) du taux repo le 22 juin ne ferait pas de mal à l’économie dans son ensemble. Mais il faut être très vigilants sur le taux de change. Il ne faut pas qu’il y ait à la fois une baisse du taux et une dépréciation de la roupie. Moi, je préfère une roupie stable et une baisse du taux d’intérêt plutôt qu’un statu quo sur les taux et une dépréciation brutale de la roupie.

Pourquoi faut-il baisser les taux ?

Car c’est la mesure plus douce. L’effet de transmission d’une dépréciation de la roupie aurait un impact beaucoup plus important sur l’économie qu’une baisse du taux d’intérêt. Le marché monétaire lui-même demande une baisse de taux. Le taux de rendement des bons du Trésor sont inférieurs au
taux de rémunération des comptes épargne. Et il ne faut pas aller à l’encontre des signaux du marché.

Et pour les importateurs, quelle est la problématique ?

Il est clair qu’une dépréciation de la roupie, notamment face au dollar, aura un impact positif sur les prix à l’importation, et par conséquent sur l’inflation. Or, l’essentiel de l’inflation est importé à Maurice. Nous importons 75 % de ce que nous consommons, qu’il s’agisse de produits alimentaires ou non-alimentaires. Rappelons que les importations dynamisent aussi l’économie, car des secteurs entiers en dépendent. La distribution ou la construction dépendent des importations pour contribuer à la croissance du pays. Les Petites et moyennes entreprises, qui représentent 45 % des emlois, aussi. De même que les Technologies de l’information et de la communication.

C’est d’ailleurs pourquoi les nouveaux comités techniques conjoints mis en place avec le ministère des Finances, la Banque centrale et le Joint Economic Council étudient l’impact net de l’appréciation de la roupie face à l’euro. L’idéal est d’avoir une roupie stable. Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit fixe. Elle devrait évoluer en fonction du taux d’inflation.

On parle beaucoup de la nécessité de réorienter les débouchés pour Maurice. Qu’est que cela veut dire ?

La diversification a commencé, mais cela prendra du temps. Les grands groupes mauricien ont d’abord développé des réseaux marketing et commerciaux avec l’Europe. Mais ils commencent à se tourner vers l’Inde et la Chine. Nous devons nous servir de la diplommatie économique à travers le Board of Investment, Entreprise Mauritius et du ministère des Affaires Etrangères et du Commerce international.

Il faut continuer à faire des road shows en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique du Sud. Aujourd’hui, la Chine est présente à Maurice pour les affaires économiques, alors qu’il y a une trentaine d’années, elle n’était présente que pour des questions culturelles. Nos deux premiers fournisseurs sont l’Inde et la Chine, mais c’est relativement récent. Le commerce international est un phénomène dynamique qui va dans les deux sens : importation et exportation. Il ne faut pas avoir un point de vue mercantiliste qui ne mettrait l’accent que sur les exportations.

Il faut se servir de nos relations avec les pays amis pour ouvrir de nouveaux marchés et établir de nouveaux réseaux. Nous avons, par exemple, ouvert une ambassade en Egypte, il faut en profiter.