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Esclavage: retour sur la vente au plus offrant

1 février 2013, 00:00

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Esclavage: retour sur la vente au plus offrant

Des humains vendus contre des piastres, à la Place d’Armes ou dans les environs du marché de La Butte. Alors que nous commémorons aujourd’hui le 178e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, les historiens nous expliquent l’organisation de ce commerce.

Une fois les esclaves débarqués des négriers, «les ventes se faisaient à l’encan devant notaire», indique Vijaya Teelock, historienne. Pratique établie pour les particuliers, alors que pour les esclaves du gouvernement, «devant travailler pour le compte du roi de France, des représentants du gouvernement allaient les acheter à Madagascar, au Mozambique et en Inde».

Benjamin Moutou, historien, précise, pour sa part, que les esclaves étaient vendus deux fois. D’abord sur les côtes est et ouest africaines, où «il y avait des commerçants arabes qui faisaient office d’intermédiaires avec les chefs de tribus». La seconde vente avait lieu à Port-Louis.

«C’était des ventes au plus offrant dans les environs du marché de La Butte. Ces ventes, qui dépendaient de l’arrivée des négriers, étaient annoncées dans les journaux de l’époque». A leur arrivée, ajoute l’historien, les esclaves étaient classés par âge, sexe et état de santé. «Ils étaient en général âgés entre 13 et 35 ans et on parlait d’esclaves de première force, de deuxième force, puis des femmes et des enfants en bas âge.»

Qui étaient les acheteurs ? «Une compensation a été payée par les autorités britanniques aux propriétaires d’esclaves. La majorité d’entre eux étaient de petits propriétaires possédant un à cinq esclaves, parfois jusqu’à huit», souligne Vijaya Teelock.

Elle convient que ce qui est, «ancré dans la mémoire, ce sont les grands propriétaires sucriers d’ascendance européenne. Les petits propriétaires étaient des hommes de couleur, des Indiens». Selon l’historienne, chez les petits propriétaires, les esclaves étaient en famille.

Benjamin Moutou va plus loin en citant des noms. «Au moment de la compensation, on a recensé, par exemple, les familles Nayna et Moutou qui avaient reçu une concession du côté de Rivière-du-Rempart. Elles avaient environ 170 esclaves» L’historien ajoute: «A l’époque, il n’y avait que les esclaves pour travailler. On reproche aux prêtres catholiques le fait qu’ils possédaient des esclaves, mais c’était la seule main-d’oeuvre disponible.»

L’abolition de l’esclavage en 1835 par les Anglais a-t-elle stoppé net ce commerce ? Non, il s’est poursuivi dans l’illégalité, à travers des «ventes privées entre les capitaines des négriers et les acheteurs».

Vijaya Teelock poursuit: «Après l’abolition, de temps en temps, des esclaves étaient libérés des négriers qui faisaient de la traite illégale. Mais même si l’esclavage avait été aboli, les autorités britanniques les plaçaient comme apprentis pour de longues périodes. Ce qui signifie qu’ils n’étaient, en réalité, pas du tout libres.»

Les historiens utilisent le terme recaptive pour décrire leur sort.

Selon Carter, Govinden et Peerthum dans The last slaves Liberated Africans in 19th century Mauritius, les salaires de ces «apprentis du gouvernement» étaient perçus par des officiels spécialement nommés. Ils retenaient alors une certaine somme, devant être payée aux apprentis à la fin de la période d’apprentissage qui pouvait aller jusqu’à 14 ans.

«On a dit qu’au lendemain de l’abolition, les esclaves ont été mis dehors. Oui et non. Ceux des plantations oui, mais ceux qui travaillaient à l’usine, non. A l’époque, il y avait environ 300 usines sucrières», précise Benjamin Moutou.