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Foyer Namasté : «Où on reconstruit la confiance de l’enfant»

4 juin 2012, 00:00

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Foyer Namasté : «Où on reconstruit la confiance de l’enfant»

Un visiteur qui ne serait pas averti pourrait être choqué. Choqué d’entendre des hurlements d’enfants. Choqué d’entendre ces hurlements durer. Choqué encore d’entendre qu’une voix solitaire est rejointe par une autre, puis une autre. Non, ces enfants ne sont pas maltraités.  Ils l’ont peut-être été auparavant. Mais pas au Foyer. Là, ils ne font que s’exprimer à leur manière. Pour ceux souffrant d’autisme sévère, surtout, les cris sont leur façon à eux d’interagir avec le monde.

«Certains arrivent ici en disant pa batt mwa», raconte Jean Alain Antoine, responsable et initiateur du projet Foyer Namasté. Des enfants issus de familles diffi ciles (parents alcooliques, drogués ou autres), certains étant même référés aux centre par la Child Development Unit (CDU), aussi bien que par d’autres associations. Des enfants victimes de l’ignorance, de l’indifférence ou de l’absence de leurs parents face à leur handicap. Victimes surtout de la violence que ces derniers, exaspérés par l’attention qu’ils demandent, répercutent sur eux.

Au-delà de l’horreur de faire subir des sévices à des enfants qui partent déjà avec un handicap, le rejet ne leur laisse pas beaucoup d’options. Ces enfants, dont personne ne veut finalement, se retrouveraient autrement à l’hôpital Brown Séquard. Mais arrivés au Foyer, souvent déboussolés, ils sont pris en soin par le personnel, composé d’éducateurs spécialisés, d’un psychologue, d’un psychiatre, d’un médecin généraliste, d’un physiothérapeute et d’un ergothérapeute.

QUATRE CENTRES, 50 BÉNÉFICIAIRES

La tâche de ces éducateurs consiste à reconstruire la confiance de l’enfant. «Nous leur offrons un encadrement proche de celui de la famille. Nous nous efforçons de reconstruire l’image du père et de la mère», explique Jean Alain Antoine. Souffrant d’autisme, de trisomie 21 ou d’autres troubles ne leur rend pas la tâche facile. Pourtant, certains arrivent à faire suffisamment de progrès pour intégrer une institution spécialisée, comme l’Association de Parents d’Enfants Inadaptés de Maurice (APEIM) ou la Fondation Georges Charles.

Tout commence au retour de Jean Alain Antoine de France, après des années d’études en psychologie médicale et sociale. Revenu à Maurice en 2007, il s’inspire de ses modèles de choix que sont mère Theresa, l’Abbé Pierre et Mahatma Gandhi. Il veut aider les personnes souffrant de handicaps mentaux sévères ou les polyhandicapés (personnes souffrant de plusieurs types de handicaps, aussi bien mentaux que physiques), mais aussi de jeunes souffrant de troubles du comportement.

Ayant travaillé dans une institution appelée Namasté en France, il importe le nom pour son projet, cette fois bien mauricien. Cinq ans plus tard, un quatrième Foyer a vu le jour. C’était vendredi dernier, à Curepipe, en plus de ceux de Roches-Brunes, de Accueillant aussi bien les garçons comme les filles, les antennes du Foyer se répartissent la cinquantaine de bénéficiaires, dépendant de leur âge et de leur handicap. A noter que la majorité bénéficie d’un service sur une base résidentielle, c’est-à-dire qu’ils sont en permanence dans les centres. Ils sont aussi bien des nourrissons que des adultes.

BUDGET CONSÉQUENT

De longue haleine, surtout, car qui dit reconstruire leur relation de confiance, dit aussi prendre du temps pour les connaître. Pourtant, ces efforts se font au prix de dépenses importantes. «Nous n’arriverions pas à survivre sans la Corporate Social Responsibility (CSR)», explique Jean-Alain Antoine.

«L’Etat n’est pas conscient de ce que coûte la prise en charge d’un de ces enfants», ajoute notre interlocuteur. S’il estime la prise en charge quotidienne à Rs 450 à Rs 500 par enfant par jour, les allocations de l’Etat pour les enfants placés par la CDU n’atteignent que Rs 161 par enfant par jour. Le fossé est flagrant ! L’association arrive pourtant à garder la tête hors de l’eau, même si Jean Alain Antoine déplore qu’il n’est pas facile de prodiguer leur approche, 24 heures sur 24, en continuant à chercher des sous.

Heureusement, le Foyer Namasté peut aussi compter sur la Mauritius Round Table No.1 (MRT1). Une des quatre branches locales de cette organisation internationale de professionnels oeuvre, depuis 1965, pour soutenir différentes associations et projets sociaux. Les membres de l’organisation suivent ainsi le foyer Namasté depuis quatre ans maintenant. «MRT1 voulait se différencier et participer à l’amélioration du sort de ces enfants vivant en marge de la société», affirme Allan Brelu Brelu, président de MRT1 pour l’année 2012-2013. La collaboration va bientôt se concrétiser sous la forme d’un centre aux normes, à Chebel. Après avoir fait jouer leurs contacts, les membres de la Table Ronde ont ainsi obtenu un terrain, donation de Médine. Ils sont parvenus à réunir, à ce jour, Rs 6 millions, nécessaires pour la construction de ce centre. Il leur manque encore Rs 4 millions, la construction de celui-ci nécessitant Rs 10 millions. Ces fonds proviennent, entre autres, d’entreprises, mais aussi d’autres Tables Rondes à travers le monde, surtout celle du Luxembourg. Les membres de
la MRT 1 continuent leurs efforts, allant de firme en fi rme en équipes de trois pour recueillir des dons.

Jean Alain Antoine explique aussi combien il est difficile pour les enfants de se débrouiller par eux.

Ils ne peuvent pas évoluer seuls en société, ils sont souvent sujets à des crises. C’est pourquoi le Foyer ouvre ses portes à certains enfants pendant la journée, dont les parents travaillent, fonctionnant comme un centre de jour. «Il y a même une maman, habitant Pamplemousses, qui loue une maison tout près de nous pour pouvoir déposer son enfant au centre», dit-il.

L’association connaît aussi ses «success stories», comme le fait que l’un de ses bénéficiaires arrête de porter des couches, ou qu’un autre arrive à manger sans assistance, et autant de petits gestes simples, en apparence, qui prennent parfois des années avant d’être exécutés convenablement par ces enfants. Une valorisation en soi pour eux, comme pour le personnel du centre qui les suit. «Si on leur donne les moyens nécessaires, ils vont défi nitivement progresser», résume Jean Alain Antoine.

Une satisfaction qui n’a d’égal que la sincérité des enfants, une fois qu’ils se sont attachés à leurs bienfaiteurs.

Ludovic AGATHE