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Georges Ah-Yan, président du Forum Citoyens Libres
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Georges Ah-Yan, président du Forum Citoyens Libres
Vous êtes l’un des fers de lance de l’engagement écologique. Quel constat faites- vous de l’état de santé de cette mouvance ?
Après 13 ans passés sur le terrain, je suis arrivé à la conclusion que les gens agissent uniquement lorsqu’ils pensent avoir quelque chose en retour. J’essaie de leur expliquer que protéger l’environnement, la planète, c’est une question de convictions soit on les a, soit on ne les a pas. Et puis il y a la question de l’éducation. Il y a 20 ans de cela je ne savais pas à quel point les arbres par exemple sont importants, qu’ils absorbent la chaleur, fi xent le CO 2 dans l’atmosphère, capturent la pluie et contribuent positivement au bien- être des gens en les aidant à se déstresser. Quand j’étais plus jeune je ne connaissais pas tout cela.
L’ignorance n’est plus vraiment une excuse aujourd’hui. Comment expliquez- vous le faible taux d’engagement de la société civile ?
J’ai animé environ 325 meetings dans les quatre coins de l’île et partout le sentiment par rapport à l’engagement citoyen : tout le monde s’attend à avoir quelque chose en retour que ce soit directement ou indirectement.
Le Forum citoyens libres ( FCL) est probablement la seule organisation à Maurice qui se fait un point d’honneur de s’autofi nancer. Ce sacrifice nous permet d’exprimer nos convictions sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. A titre personnel l’engagement citoyen me donne le sentiment d’avoir accompli des choses incroyables comme d’avoir aidé à sauver la vallée de Ferney en 2005. On ne peut pas toujours se contenter de dire que c’est aux autres de faire quelque chose ou que c’est à l’État d’assumer ses responsabilités nous nous devons d’agir.
Quels sont les combats que vous menez actuellement ?
Il y en a plusieurs. On se bat pour que les Mauriciens aient accès au domaine public à Gris- Gris et contre la construction d’un centre commercial sur les wetlands à Cap- Malheureux. Saviez- vous que les zones humides absorbent deux fois plus de CO 2 que les arbres ? De plus, nous sommes en train de militer contre la déviation de la route de Mon- Choisy ce qui constituera une forme de privatisation de la plage.
Notre dernier combat en date est pour la démission du conseil d’administration du jardin botanique SSR à Pamplemousses. En à peine quelques années, le jardin a brassé près de Rs 400 millions mais le conseil n’a pas pensé bon d’employer un seul botaniste.
Où cet argent est- il passé ? Nous pensons que les habitants de la région devraient jouer un rôle sur le conseil d’administration.
Pour faire passer notre message nous animons des meetings dans le nord tous les vendredis.
Le prochain aura lieu ce vendredi à 16 h 15 devant la boutique Wong à Calebasses. Nous voulons sensibiliser les Mauriciens sur le fait que ce jardin nous appartient tous et qu’il y a eu maldonne au niveau du conseil. Je suis très encouragé par le fait que deux étudiants de l’Université de Maurice ont rejoint le FCL pour nous aider dans notre engagement.
Une technique éprouvée pour tenter de décrédibiliser les combats citoyens consiste à faire croire qu’ils représentent des « vested interests » . Avezvous déjà fait l’objet de ce genre d’accusations ?
Tout à fait. On tentera toujours de vous décourager, il est donc important de savoir dans votre fort intérieur que ces accusations sont infondées. En particulier, l’exemple de l’îlot- Gabriel me vient à l’esprit. Certaines personnes insinuaient que j’avais « hidden agenda » du fait que je me battais contre la privatisation de cet îlot alors que je n’avais rien fait en ce qui s’agit de l’île- aux- Cerfs.
J’avais quatre ans quand le bail de l’île- aux- Cerfs avait été alloué ! Il n’en reste pas moins que nos îlots appartiennent à tous les Mauriciens et il n’est pas acceptable de nous y refuser l’accès. Il y aura toujours des gens qui chercheront soit à communaliser soit à politiser les combats.
Êtes- vous optimiste ou pessimiste quant à l’avenir de l’engagement citoyen à Maurice ?
Il y a quelques mois de cela on a gagné une manche dans le combat pour l’accès au domaine publique à Gris-Gris avec l’aménagement d’une route piétonne accessible à tous. Ceci dit, j’ai froid dans le dos quand j’entends dire que 84 % des jeunes souhaitent émigrer en raison du manque d’opportunités ici. Que pourra- t- on faire avec les 16 % restants ? Le fait est qu’une grande majorité de Mauriciens, je dirai même 99 %, sont des « roder bout » . Dans les meetings la première question que j’entends toujours c’est : « Qu’est ce qu’on aura en retour ? » Et même quand les gens sont d’accord avec le combat, ils ont peur d’y participer parce qu’ils espèrent avoir du travail pour leurs enfants ou un bout de « crown land » grâce aux politiciens. Et puis il y a les problèmes du jeu, de la drogue et du matérialisme.
Aussi longtemps que les gens tomberont dans ces pièges qui les condamnent à l’endettement ils ne seront pas intéressés par l’engagement citoyen.
Quelle est la plus grande menace pour l’épanouissement de la société civile ?
C’est évidemment le système éducatif. Celui- ci n’encourage pas nos jeunes à réfl échir pour eux- mêmes et à revendiquer leurs droits. Pire encore, il les rend passifs. C’est en partie pour cela que les Mauriciens ont tendance à s’apitoyer sur leur sort plutôt que de revendiquer ce qui leur revient de droit. Que font les milliers étudiants à l’Université de Maurice ? Où sont- ils ? Que font- ils pour s’engager ? S’ils ne font pas dès aujourd’hui, demain il sera déjà trop tard. Finalement, il ne faut pas oublier que l’humilité est un des ingrédients les plus importants en ce qui s’agit d’engagement citoyen.
Comme le dit l’adage, l’union fait la force. Pensez- vous que le communalisme reste un obstacle à plus de solidarité entre les Mauriciens ?
Malheureusement la réponse est oui. En 2002 lorsque j’ai interpellé un ministre sur la fermeture de l’hôpital de Mahebourg il a tenté de m’humilier en intimant que ma place était dans une boutique et pas dans le social. Ce qui n’a pas empêché les principaux partis politiques de tenter de me débaucher en 2005 et 2010. Il y a également eu des tentatives de communaliser les combats contre la privatisation des plages de l’îlot- Gabriel et Mon- Choisy. Et puis il y a tentatives d’intimidation, les menaces…
Comment décririez- vous les rapports entre les Mauriciens et leur environnement naturel ?
La réaction première des Mauriciens : « Pourquoi est- ce moi qui devrais faire des efforts si les autres n’en font pas ? » Entretemps nous plages sont en train de disparaître et les constructions sur les pas géométriques se multiplient.
On ne pourra pas sauver la planète mais il faut à tout prix essayer de préserver ce qu’on a.
C’est une question de convictions soit on les a, soit on ne les a pas.
 
 
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