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Hommage : Cela fait dix ans que Kaya a disparu

23 février 2009, 13:00

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Hommage :  Cela fait dix ans que Kaya a disparu

Mort dans des circonstances tragiques, cela fait dix ans que Kaya a disparu, mais sa musique résonne toujours dans le cœur de nombre de Mauriciens. Retour sur le parcours de cet enfant de Roche-Bois, devenu une légende de la musique de l’océan Indien.

De Joseph Réginald Topize à Kaya

Joseph Réginald Topize voit le jour le 10 août 1960 à Roche-Bois dans une famille modeste et nombreuse. Il n’a pas une enfance heureuse et se retrouve livré à lui-même, et dans l’obligation de trouver des petits boulot ici et là pour subvenir à ses besoins. La vie ne lui sourit pas et le racisme dont il est victime n’arrange guère les choses. Etre métis dans les années 60-70 ne garantissait pas une vie facile.

En 1976, il découvre la musique et décide de se mettre à la guitare, instrument qu’il emprunte à des amis. Car, il est trop pauvre pour en acheter une. Avec sa guitare d’emprunt, il reprend les tubes de Mike Brant, de Santana… Il trouve des boulots dans des bals et des mariages au sein du groupe Wind and Fire. Mais cette aventure ne durera pas longtemps. Fini les «laisse-moi t’aimer», Joseph Réginald Topize découvre Bob Marley et le reggae.

Bob Marley devient son idole et Joseph Réginald Topize prend le surnom Kaya en hommage à l’album éponyme. Kaya se met au reggae et commence à jouer dans de petits groupes. Puis, il décide de réunir quelques amis de Roche-Bois pour fonder le groupe Racinetatane, inspiré de Ratsitattane, nom du prince malgache qui s’était exilé à Maurice. Racinetatane joue principalement du reggae.

Kaya aurait pu tout plaquer…

Loin de la vague disco qui déferle sur Maurice, Kaya continue son pèlerinage du reggae. Il continue à interpréter des tubes de Marley, mais aussi quelques-unes de ses compositions, dont le mythique «Fam dan zil». Le seggae était né, mais le public préférait encore le reggae.

En 1986, après avoir passé plus de 8 ans en France, Percy Yip-Tong est de retour à Maurice. «Je n’avais jamais entendu parler de Kaya. Mais j’ai ressenti comme une claque quand j’ai écouté Fam dan zil», se souvient Percy Yip-Tong. Mais Kaya est démotivé. Certains de ses proches lui conseillent de stopper le seggae et ses compositions et de se consacrer au reggae.

C’est la rencontre avec Percy Yip-Tong qui l’encourage à poursuivre l’aventure du seggae. «Kaya avait perdu toute confiance en lui. Et cela n’a pas été facile de le faire reprendre confiance. D’autant plus que ce n’était pas facile d’être rasta à cette époque. Les gens vous dévisageaient et il y a beaucoup de mes amis qui ont arrêté de me parler parce que je fréquentais des rastas», raconte Percy Yip-Tong.

Les tabous et les préjugés à l’île Maurice forcent Percy Yip-Tong à adopter une toute autre stratégie. Il veut faire de Racinetatane et de Kaya des stars et compte bien y arriver. «On ne voulait pas un rasta chantant du seggae à la télévision mauricienne et on a dû partir à la Réunion pour se faire connaître», explique Percy Yip-Tong qui devient au passage directeur artistique du groupe et organise une tournée à l’île de la Réunion.

«Un chanteur avec un nid de guêpe sur la tête»

La tournée réunionnaise est un succès et les concerts sont retransmis sur la chaîne télé de Radio France Outre-mer (RFO). Une chaîne qui est captée à Maurice. Plusieurs Mauriciens découvrent Kaya et son seggae à travers ces émissions. «Mais le succès de Kaya n’a pas suffi à faire taire les détracteurs de Kaya à Maurice. Un hebdomadaire avait décrit Kaya comme un chanteur avec un nid de guêpe sur la tête», s’indigne Percy Yip-Tong.

De retour à Maurice, Percy Yip-Tong essaye de trouver un producteur pour enregistrer l’album de Kaya et Racinetatane. Mais, il se heurte à de nombreux refus. Et c’est pour cette raison qu’il décide, à la fin des années 80, de devenir leur producteur. Ce sera le début de la déferlante Kaya. La cassette Seggae Nu Lamizik fait un tabac. Maurice, a enfin adopté le seggae et son prophète. Le 14 mars 1990, Racinetatane reçoit l''''''ovation de 42 000 spectateurs au stade de Rose Hill. Entre 1989 et 1997, six albums cassettes et un CD de trois titres verront le jour. Des opus sur lesquels Kaya délivre un message de paix, d’amour et d’unité. Kaya devient une idole et ses concerts attirent des milliers de personnes. Le seggae est à son paroxysme.

Kaya, l’autre visage…

Les rythmes accrochent et Kaya a enfin trouvé le chemin de la lumière. Lui, l’enfant «misère» de Roche-Bois est aujourd’hui une star dans ce pays qui l’a si souvent rejeté. Mais cette gloire ne sera qu’éphémère. Percy Yip-Tong se sépare de son ami et emprunte un autre chemin. Les raisons de cette séparation sont taboues dans le milieu. Ce sera aussi le début de la dégringolade pour Kaya qui suit des voies très obscures, loin du «Simin la lumier» qu’il a si souvent chanté. Kaya perd de son charisme, ses concerts n’attirent plus le public. Kaya change… et pénètrent dans un autre univers.

Le 19 février 1999, Kaya se voit donnée l’opportunité de chanter à nouveau devant un public massif lors d’un concert en faveur de la dépénalisation de la marijuana. Il fume un joint devant les forces de l’ordre qui n’hésitent pas à l’embarquer. Il est conduit en cellule policière où il décède le 21 février. Sa mort attriste le peuple qui se souvient de lui comme un chanteur d’amour, de paix et d’unité. Ce sentiment de haine laisse vite place à de la colère qui est à la base des émeutes de février 99.
Kaya est mort en martyr, et c’est cela qui a contribué à sa légende.

(Photos : ilemauricekaya.free.fr)