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Il n’y a pas photo !

22 juillet 2012, 00:00

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Aucun journaliste attaché aux valeurs de sa profession ne pourrait manquer d’être révulsé par cette publication, dimanche dernier, des photos de police du crime du Legends. Ceux qui ont pris la décision de publier ces documents policiers auront quelque mal à nous convaincre qu’ils ont été frottés ne serait-ce qu’à un minimum de la culture des salles de rédaction. Fallait-il néanmoins que le directeur de cette publication soit arrêté et détenu à Alcatraz ? On peut sincèrement en douter.

Il apparaît que Imraan Hosany et ses collaborateurs sont de l’espèce d’imprimeurs-diffuseurs qui prennent conscience après coup de la portée de leurs choix. Or, être responsable de publication, c’est précisément disposer du niveau de conscience et de perception requis pour entrevoir les possibles conséquences de tout article, de toute photo. De toute évidence, Hosany, du moins jusqu’à dimanche dernier, n’avait pas été touché par cette grâce. Mais méritait-il, pour autant, d’être privé de sa liberté ? Difficile à admettre.

Nul ne peut faire valoir l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme ou l’article 3(2)(b) de notre Constitution pour réclamer un quelconque droit de publier des photos du cadavre d’une jeune femme, photos prises quelques heures après sa mort violente. Il n’y a rien, là, dans cette indécence, dans cette intrusion déplacée dans l’intimité d’une morte et de sa famille, rien qui puisse relever du droit à la liberté d’expression. Bien au contraire, ce mauvais goût, cette incapacité d’imaginer les sentiments des proches et des compatriotes solidaires de la victime, cette insensibilité seraient susceptibles de planter un doute dans l’esprit le plus libéral, un doute quant au bien-fondé, dans certains cas, d’une liberté d’expression sans réserves. On ne va pas soumettre le droit à la parole à une sorte de permis à points mais quand il suffit d’un ordinateur et trois logiciels de PAO pour devenir directeur de publication, on peut être perplexe. Mais de là à envoyer un citoyen en prison pour défaut de jugement éditorial, c’est peut-être un peu excessif.

Plutôt que d’être uniquement un coupe-file, un pass pour être admis à l’un ou l’autre lieu sécurisé, la carte de presse de la République de Maurice pourrait-elle être, aussi, une carte professionnelle, obtenue à certaines conditions ? Il faudrait que la majorité amende la Media Trust Act de 1994, confiant au board – que le Premier ministre voudra bien réactiver ! – la responsabilité de constituer une commission d’attribution de la carte de presse. Dans certains pays, un jeune a d’abord une carte de journaliste stagiaire, avant d’obtenir celle de journaliste confirmé. En cas de défaut d’éthique ou de faute professionnelle, l’organisme responsable de la carte de presse peut décider de la retirer à un quelconque titulaire. Dans le cas de la publication des photos post-mortem de Michaela Harte, la gravité de la pratique aurait certes suggéré une radiation du registre confraternel, tout au moins une sérieuse mise en garde, avec menace de retrait de la reconnaissance professionnelle en cas de récidive. Qu’est-ce qui autorise un corps professionnel à infliger des peines ? Question pertinente. Mais préfère-t-on voir un directeur de publication se retrouver en prison à Alcatraz ?

La liberté est trop précieuse pour faire des compromis avec celle des autres. Mais nous mesurons combien, entre les droits d ’une victime et de sa famille, la requête de décence de l’espace public et la liberté d’un directeur de publication, même peu préparé à ce métier, trouver la ligne la plus juste n’est guère aisé. Mais d’où viennent les photos ? A qui profite le crime ? Qui a manipulé ce pauvre homme ? Au prix de sa liberté.