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Jano Couacaud nous mène à bon port

16 juin 2010, 00:00

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Jano Couacaud nous mène à bon port

Trois décennies de marées n’ont rien lavé du regard photograhique de Jano Couacaud sur les dockers, sur cette vie du port. Celle-ci est à jamais cristallisée dans le sel des souvenirs. Alors que le vrac tire sa révérence, c’est l’occasion de retrouver les visages des dockers, ces forçats du port. Bor la mer, exposition de photos-souvenirs, s’ouvre au public le jeudi 17 juin. Elle restera visible jusqu’au 26 juin prochain, à la galerie IBL, à Port-Louis.

C’était il y a trente ans. Jano Couacaud immortalisait les dockers et leur quotidien fait de sueurs, de sacs à charger et à décharger. Effectivement, le vrac entrait en opération. Environ 2 000 dockers allaient perdre leur emploi. Ces photos ont été publiées dans Bor la mer, assorties de textes signés Lindsey Collen et Henry Favory.

Le photographe ressort ses photos «pour faire revivre la mémoire», celle des travailleurs. Ils avaient leurs bras et leur dos pour outil de travail. D’ailleurs, à l’époque, ils avaient contribué chacun Rs 50 pour que le livre puisse voir le jour. Les photos, elles, n’ont rien perdu de ce qui les rend poignantes, humaines et belles. Ici, pas de mise en scène. Les hommes sont pris sur le vif. En plein effort. La vérité est dans les regards, dans les muscles saillants du dos, dans le sucre et la sueur mélangés, comme des invites aux abeilles.

La vérité justement, il n’y a qu’à la lire dans Ki travay nu fer. Cet homme perché sur des jambes maigres et concentré sur le poids beaucoup trop lourd pour lui. Beaucoup trop lourd pour un humain. Et pourtant, il le soulève. On imagine qu’il l’a fait sans se plaindre. Et c’est là qu’on comprend : ce ne sont pas que ses épaules qui travaillent mais surtout sa volonté. Sa famille à nourrir.

C’est ce que traduit, par exemple, le texte accompagnant la photo Rul lakwizinn. Des textes à l’origine en créole, traduits en français pour l’exposition. «Parfwa sa travay la pa areté enn semenn 6 zur lor 6 zur. Akoz enn busé manzé pu bann zanfan bizin fer li. Pu rul lakwizinn. Ki manier rul lakwizinn ?»

Dans les textes, comme dans les photos, on entend la voix des dockers. Surtout les conditions de travail. «Ler nu’nn blese, lanbilans la, letan u telefone, dimunn la gayn letan mor, pu li vinn la.» La chaleur, les accidents de travail, les morts. «Quelqu’un qui a 40 ans aujourd’hui n’a aucune idée de comment ces dockers vivaient », insiste Jano Couacaud.

Aline GROËME-HARMON