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Jean-Claude Deojee : L’artiste qui s’occupe des immigrés

26 février 2009, 01:00

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Jean-Claude Deojee : L’artiste qui s’occupe des immigrés

C’est après 33 ans passés en France que Jean-Claude Deojee est revenu au pays natal. L’enfant des Casernes centrales – son père était policier - qui chantait dans la chorale de l’Immaculée Conception  après les classes au collège Bhujoharry, a redécouvert, avec émotion, son quartier du Ward IV. « C’est avec bonheur que j’ai retrouvé intact le Magasin Saint Patrick en face des Casernes, ainsi que la maison familiale, à Gravel Lane, après le décès de mon père », dit-il. 

Jusqu’à récemment, Jean-Claude Deojee s’occupait des immigrés en France. Employé comme conseiller au ministère des Affaires sociales, il avait la responsabilité d’effectuer des enquêtes dans le cadre des demandes de régularisation, de naturalisation ou de regroupement familial. 

Pourtant, c’est une situation paradoxale pour le jeune Mauricien, bien ancré dans son Port-Louis natal. « Quand j’étais jeune, je n’avais jamais pensé vivre ailleurs. Ma situation socio-économique ne me permettait même pas d’imaginer que je ferais des études supérieures».  Et ce sont justement les études universitaires qui l’amènent à franchir le pas.

Nous sommes en 1972, Jean-Claude est enseignant au collège Bhujoharry, son alma mater. Son collègue Melvin Ramasawmy lui fait part des cours données au Lycée La Bourdonnais par des professeurs du Centre Universitaire de la Réunion. L’institution vient d’être mise en place après la fermeture de l’Université de Tananarive dans la foulée des événements qui secouent la Grande Île.  Jean-Claude s’inscrit et deux ans plus tard avec Issa Asgarally et Jacky Vellin entre autres, il obtient une bourse pour faire sa licence en Lettres à La Réunion. Puis c’est encore une bourse pour se rendre à Paris. Le jeune Mauricien y décroche sa maîtrise avec mention « Très Bien », après avoir présenté un mémoire sur le séga. Ensuite, c’est mariage avec une Réunionnaise et Jean-Claude prend la nationalité française. Ce qui lui permet de postuler pour être fonctionnaire.

Durant la trentaine d’années qu’il a passées à travailler  avec les immigrés dans le département de Hauts-de-Seine, en région parisienne, Jean-Claude a témoigné des moments de bonheur comme des pires drames. Notre interlocuteur en a tellement vu qu’il relativise les anecdotes.  « J’ai vu des gens fondre en larmes et prêts au pire, quand je leur disais qu’ils n’avaient aucune chance d’être régularisés. En revanche, cela m’arrive d’être abordé dans la rue par des personnes qui me remercient parce qu’ils ont obtenu leurs permis de séjour ». Ses visites pour vérifier la qualité des logements de ceux accueillant des immigrés, étaient des moments délicats. Toutefois, notre compatriote dit ne pas avoir rencontré de gros problèmes. « Je n’étais pas craint. C’est peut-être parce que moi-même je suis un immigré ».  Jean-Claude confie que les Mauriciens ne sont pas confrontés à des difficultés extrêmes. « Nos compatriotes sont discrets, débrouillards et s’intègrent bien », dit-il.

Même si la tâche du fonctionnaire est de faire appliquer les règlements, Jean-Claude Deojee ne manque pas de poser un regard mesuré sur les nouvelles lois régissant l’immigration en France. « On ne pourra jamais empêcher à l’insulaire d’aller voir ailleurs », lâche-t-il, avant d’ajouter « la notion de la famille n’est pas la même en Europe et en Afrique ».  Une façon d’expédier toutes les polémiques autour des tests ADN préconisés dans le cadre d’un regroupement familial. Mais lucide, Jean-Claude Deojee déclare « La France aussi ne peut pas se passer des immigrés » et de conclure sur cette question qui interpelle « Comment feront certaines entreprises pour être rentables s’il n’y avait plus des immigrés dans les ateliers ? »

Parallèlement à sa carrière de fonctionnaire, Jean-Claude Deojee poursuit sa vie d’artiste. Il continue à peindre et participe à plusieurs expositions en France. En dépit de toutes ses activités notre interlocuteur trouve le temps pour continuer à faire de la musique. Avant de quitter Maurice, il animait des soirées dans les hôtels avec ses amis Bernard Manancourt, Laval Fabien et Régis Rose au sein du Groupe Vikings.

A Paris, il retrouve une bande de copains mauriciens. Avec Georges Corette, Eddie Rivet et Michel Baptiste, Jean-Claude anime de nombreuses soirées mauriciennes.

Plus tard avec la collaboration des frères Thomas et de Jean-Claude Pontoise, tous des musiciens mauriciens connus, c’est « Létemps margoze » qui est mis en scène, sous la houlette de Jean-Luc Copette, un artiste réunionnais.  Le spectacle raconte l’époque de l’esclavage à l’île Maurice. « Une fructueuse collaboration entre Mauriciens et Réunionnais, qui plus tard permettra au groupe de jouer en première partie des spectacles de Patricia Kaas, Yves, Duteil et Zouk Machine », raconte Jean-Claude Deojee.

Maintenant que Jean-Claude Deojee a retrouvé le pays natal, il n’a plus envie de s’en aller. Après un court séjour, il a pris un congé sans solde pour rester deux mois dans le quartier de sa jeunesse.