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Jean Claude Lau Thi Keng : «Notre identité : un symbole qu’on affiche»
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Jean Claude Lau Thi Keng : «Notre identité : un symbole qu’on affiche»
Le sociologue regrette que les jeunes « n’aient pas eu droit à des classes de civisme, n’ont pas eu les notions de la République, ses valeurs, en tant que citoyens de celle-ci ».
L’éditorial qui a fait polémique la semaine dernière est-il une nouvelle illustration des préjugés et de l’incompréhension entre les «communautés »?
Ces préjugés existent. Le problème, c’est que des différences, autrefois marquées, ont commencé à s’estomper. Auparavant, ces différences pouvaient être physiques ou se traduire dans le mode de vie. Par exemple, auparavant les différences dans le mode de vie des gens vivant dans les zones urbaines et rurales étaient très marquées. Ce n’est plus autant le cas maintenant. Si les différences ont changé, les préjugés et les stéréotypes, voire l’interculturel, n’ont pas évolué.
Pourquoi ?
La faute à la recherche. A Maurice, nous sommes tous porteurs d’identités multiples. Le problème, c’est que la communauté scientifique ne se penche pas suffisamment sur la question. Il faut faire un état des lieux pour aplanir certains préjugés. Par exemple, on impute souvent les phénomènes d’échec scolaire ou de pauvreté aux créoles, mais ce n’est pas exact, ils ne sont pas les seuls à en souffrir. Il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu, comme les disparités géographiques.
Pourtant, certaines de ces perceptions découlent d’études montrant que vos exemples ont, statistiquement, des fondements de vérité…
On constate effectivement qu’il y a un gros besoin de redonner confiance aux créoles, notamment. Après une étude que j’ai faite sur l’échec scolaire à Roche-Bois, en approfondissant l’analyse, j’ai remarqué que bon nombre de structures, de facilités sont délaissées par eux, comme l’éducation ou les services de santé, pourtant gratuits. Cette non-utilisation devient problématique. Pour les écoles, par exemple, dès le départ, les enfants développent un sentiment de stigmatisation entretenu par les parents.
On montre souvent du doigt les politiciens comme ceux qui véhiculent et alimentent ces stigmates et idées reçues. Quels sont leurs torts effectivement ?
Ils perpétuent souvent ces perceptions, en liant la religion et les groupes ethniques. La religion, ici, et contrairement à des pays républicains comme la France, fait partie du jeu politique, alors qu’elle ne devrait pas. Les politiques lient beaucoup de choses. La langue, la religion, le groupe ethnique entre autres, de sorte que l’identité n’est pas interne, mais se résume à un symbole qu’on affiche. Or, les religions traversent les frontières de communauté. Un exemple de syncrétisme local, c’est la fête du Père Laval, où on voit converger les Mauriciens de foi autre que le christianisme.
Le cas de Krishnee Bunwaree vient montrer que les jeunes perpétuent les préjugés…
Si les jeunes souffrent d’un problème identitaire aujourd’hui, c’est que nous, la génération précédente, avons mal fait notre travail. Ils n’ont pas eu droit à des classes de civisme, n’ont pas eu les notions de la République, ses valeurs, en tant que citoyens de celle-ci.
 
Même si, dans la réalité, le tableau aux couleurs qui ne se mélangent pas a changé avec le temps ?
Les frontières entre les groupes de référence, ou du moins les représentations qui en sont faites, ne sont que des constructions sur des fondements socioethniques et socioreligieux. Il y a certes des bases historiques à cela, mais quand on les regarde de l’extérieur, ces frontières n’existent pas, les communautés sont dynamiques de sorte qu’on peut aussi en voir émerger de nouvelles.
En fin de compte, quelles sont ces différences qui ont toujours cours dans l’imaginaire collectif ?
La couleur de peau, la religion, l’apparence physique, les vêtements ou encore la provenance géographique. Mais, comme je l’ai dit, elles sont de moins en mois marquées. Paradoxalement, la seule différence entre nous, c’est que nous sommes tous des individus uniques.
Propos recueillis par Ludovic AGATHE
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