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Jean-François Dobelle : «Renforcer la coopération en matière d’énergies renouvelables»

14 juillet 2011, 10:22

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A l’occasion de la Fête nationale française aujourd’hui, l’ambassadeur de France, Jean-François Dobelle, revient sur les relations entre nos pays. Celles-ci se déclinent désormais à l’échelle régionale : les îles sœur.

Ce sera votre premier 14 juillet en tant qu’ambassadeur de France à Maurice. Quelle sera la teneur de votre message aux ressortissants français et partenaires mauriciens ?

Ce sera d’abord de souligner l’excellence des relations qui lient la France et Maurice, des relations de confiance, d’estime et d’amitié, dans tous les domaines, politique, économique et culturel. Quant à mes compatriotes, je leur dirai que nous sommes à leur service et qu’ils ont beaucoup de chance de résider à Maurice.

Comment le retour de l’Agence française de développement (AFD) a-t-il renforcé nos liens ?

Depuis son retour en 2007 à la demande des autorités mauriciennes, l’AFD joue un rôle majeur pour accompagner la transition et la modernisation de l’économie et appuyer les ressorts de croissance qui permettront à Maurice de franchir une nouvelle étape de son développement. Depuis 2007, l’AFD, son bras financier Proparco et le Fonds français pour l’environnement mondial, ont mobilisé plus de 460 millions d’euros (Rs 18,4 milliards) à Maurice, dont 306 millions d’euros pour le secteur public et 154 millions d’euros pour le secteur privé. S’agissant du secteur public, outre l’intégration régionale via la Commission de l’Océan Indien (COI), l’AFD joue un rôle majeur dans le secteur des infrastructures, tant l’assainissement, l’eau et les routes, dont Terre-Rouge-Verdun qui a bénéficié d’un prêt de 40 millions d’euros (Rs 1,6 milliard). Quant au soutien au secteur privé, l’agence octroie des prêts «verts» visant à financer des projets soucieux de l’environnement. Il y a un dénominateur commun qui imprègne l’ensemble de ces projets, c’est «Maurice, Ile Durable» (MID).

S’agissant des infrastructures, l’AFD participe-t-elle à la réflexion mauricienne pour désengorger les routes, au-delà des projets routiers ?

Absolument. L’AFD s’intéresse aux projets de transports publics qui pourraient émerger, tel le métro léger. Elle a déjà organisé plusieurs ateliers de réflexion sur l’importance de l’articulation, dans la planification, entre transports et aménagement du territoire. Pour ces ateliers, des urbanistes, des spécialistes du transport français, en provenance de métropole et de La Réunion, ont été mobilisés. L’AFD, c’est aussi un savoir-faire, une expertise, un accompagnement global et non pas seulement des financements.

Entre Etats, il y a surtout des intérêts, dit-on. C’est dans l’intérêt de Paris de renforcer la coopération entre les îles soeurs, d’autant que La Réunion souffre d’un taux de chômage alarmant ?

L’un des volets principaux de mon mandat est de renforcer les relations entre Maurice et La Réunion car elles sont au coeur de l’intégration régionale. A cet égard, je me félicite de la visite historique et fort réussie du Premier ministre (PM) mauricien, en janvier dernier, qui a permis de mettre sur pied des partenariats très importants.

Le développement durable est l’un des principaux axes de cette coopération inter-îles. Dans quels secteurs spécifiquement La Réunion apportera- t-elle son soutien ?

Dans le domaine énergétique d’abord. L’accord signé en janvier entre le ministère de l’Energie et des Services publics mauricien et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), vise à renforcer la coopération en matière d’énergies renouvelables. Il y a une complémentarité entre le projet GERRI (Grenelle de l’Environnement à La Réunion : Réussir l’Innovation, NdlR) et MID. L’AFD joue, du reste, un rôle clé dans la mise en oeuvre du projet MID. J’en profite pour mettre en avant la mise à disposition de Ghislain Gomart, un expert français de très haut niveau, qui appuie les autorités mauriciennes, en particulier Osman Mohamed et le ministère de l’Environnement, qui accompagne les six comités ad hoc associant la société civile mauricienne et le secteur privé à ce projet de société majeur.

L’habitat est une composante majeure du développement durable. Doit-on s’attendre à une expertise en la matière ou plus largement en urbanisme et aménagement du territoire ?

Tout à fait. L’habitat durable ou vert est également mentionné dans l’accord. Hier encore (jeudi 6 juillet, NdlR) quand le PM s’est rendu à l’Institut français de Maurice (IFM) pour le vernissage de l’exposition Albums de jeunes architectes et paysagistes, nous avons insisté sur ce que la France pouvait apporter à Maurice comme expertise en termes d’aménagement du territoire et d’urbanisme paysager. En outre, une formation à l’architecture bioclimatique à l’attention de tous les architectes du ministère des Infrastructures publiques sera organisée d’ici la fi n de l’année.

Concrètement, dans quels secteurs les hommes d’affaires réunionnais seraient susceptibles d’investir ici, et inversement ?

N’oublions pas qu’il y a déjà de nombreux partenariats : dans le domaine de la transformation des produits de la mer entre la SAPMER et IBL, ou de la commercialisation des fruits et légumes, avec l’entreprise Surat. En outre, les contacts entre la Chambre de commerce de Maurice et les chambres consulaires réunionnaises sont très réguliers. Le partenariat public-privé existe déjà. Mais il peut se renforcer, entre autres, dans la gestion des déchets, ou la sécurité et l’approvisionnement alimentaire. N’oublions pas le tourisme dans lequel il y a déjà des partenariats. Et je salue les efforts de part et d’autre pour matérialiser le concept des «îles Vanille». Aussi, à la demande de Maurice, nous avons assoupli, depuis le 1er juin, les procédures de délivrance de visas touristiques à La Réunion pour des ressortissants, passant par Maurice, en provenance d’Inde, de Chine, d’Afrique du Sud ou de Russie.

A propos des «îles Vanille», la presse réunionnaise et même Wilfried Bertile, ancien secrétaire général de la COI, ont dénoncé une fleur faite à Maurice…

Je ne partage pas du tout ce point de vue. Les touristes asiatiques n’ont pas les mêmes centres d’intérêt que les touristes européens. C’est une manne pour La Réunion qui a tout intérêt à accueillir ces touristes. Je ne crois pas que l’une en tirera profit plus que l’autre.

La ministre française de l’Outre-mer, Marie-Luce Penchard, disait que le couple Réunion-Maurice doit être à la région ce que le couple franco-allemand est à l’Europe. C’est dans la COI que doit s’exprimer ce couple…

Absolument. La COI accomplit une oeuvre utile dans des domaines techniques mais décisifs pour l’avenir de la région, comme la pêche durable, la protection de la biodiversité ou la lutte contre les grandes pandémies. Bien que disposant de peu de moyens, la COI doit mettre davantage en exergue ce qu’elle fait et jouer un rôle plus important dans l’intégration régionale. Nous l’aidons à travers l’AFD, qui lui a alloué plus de 9 millions d’euros (Rs 360 millions) en dons pour financer ses programmes.

La Lettre de l’Océan Indien parlait récemment d’un duel entre St Denis et Port-Louis pour le leadership de la Commission…

Je démens catégoriquement. Au contraire, il y a une synergie pour mobiliser les efforts. Le terme de duel ne me semble pas adéquat.

Après sa visite officielle à La Réunion en janvier, par deux fois Navin Ramgoolam a fait des allusions qui ont suscité l’indignation de nos voisins. Dérapage ou méconnaissance de l’île soeur ?

Il ne m’appartient pas de commenter ses propos. Je retiens surtout les déclarations du Premier ministre faites au même moment, quand il soulignait la nécessité de supprimer les barrières psychologiques entre les deux îles et de nouer le dialogue. Il y a encore trop de préjugés de part et d’autre. Précisément, le voyage du Premier ministre à La Réunion s’inscrivait dans cette volonté de renforcer le dialogue.

Signé en mai 2010, le traité de cogestion de Tromelin n’est pas effectif. Il faut qu’il soit ratifié par le Parlement français, disiez-vous dans nos colonnes il y a neuf mois. Alors, le dossier avance ?

(Rires) Je vous répondrai la même chose mais cela avance, oui. Je vous explique : lorsque nous déposons un projet de loi au Parlement pour autoriser la ratification d’un accord international, il faut l’accompagner d’une étude d’impact. Et puisque la solution de cogestion retenue est
tout à fait inédite en droit international, il fallait peaufiner cette étude pour faciliter les débats.

Alors, cette étude est terminée et validée au plan interministériel. Par conséquent, l’inscription du projet de loi autorisant la ratification de l’accord à l’ordre du jour du Conseil des ministres est, je pense, une question de semaines. Il faut encore, juste avant, un avis du Conseil d’Etat qui se prononce dans un délai d’un mois en moyenne. Dès l’avis rendu, on ira vers l’inscription. Lors de ma dernière réunion en France, la semaine dernière, j’ai encore insisté sur la nécessité de procéder à l’inscription, dès que possible, à l’ordre du jour du Conseil des ministres. Ensuite, le projet sera déposé sur le bureau de l’une des deux assemblées.

C’est pour quand donc ?

J’espère que si on se revoit à la même époque l’an prochain, cet accord sera en vigueur.

En attendant, les autorités mauriciennes participent- elles aux expéditions scientifiques à Tromelin ?

Nous avions invité Maurice à participer à la dernière campagne de fouilles archéologiques à l’automne dernier. Mais les experts mauriciens n’ont pas pu se rendre à Tromelin.

Et pour le droit de pêche dans ces eaux ?

La pêche est le domaine de l’accord le plus novateur puisque toutes les décisions concernant la gestion des ressources halieutiques seront prises par consensus, au sein d’un comité mixte paritaire qui se réunira au moins une fois l’an. Les navires de pêche battant pavillon d’un Etat tiers ne pourront exercer leurs activités dans les eaux entourant Tromelin que s’ils sont munis d’une double licence, française et mauricienne. Ce dispositif ne s’appliquera cependant qu’une fois l’accord entré en vigueur car nous ne pouvons pas, pour des raisons d’ordre constitutionnel, anticiper l’autorisation d’approbation que doit donner le Parlement. Dans l’intervalle, par courtoisie et dans un souci de transparence, nous informons systématiquement les autorités mauriciennes de toutes les activités ayant trait à la pêche, y compris les campagnes de recherche scientifique, qui seraient menées dans cette zone. Nous sommes prêts à examiner avec Maurice les modalités d’échange des données qui seraient recueillies à cette occasion.

Restons à l’eau. Qu’en est-il du soutien français dans la lutte contre la piraterie ?

C’est un dossier majeur dans lequel la France est très impliquée. Nous nous réjouissons que Maurice prenne sa part du fardeau dans cette lutte avec la signature prochaine d’un accord entre Maurice et l’Union européenne, que nous avons appuyé. Il permettra le transfert et le jugement à Maurice de certains de ces pirates.

Sur le plan culturel, l’IFM après un an d’opération est-il une réussite ?

Depuis son ouverture en mai 2010, la médiathèque de l’institut a prêté plus de 130 000 documents. L’IFM est fréquenté en moyenne par 300 personnes et 1 200 certains samedis, principalement des Mauriciens. Quant aux spectacles, ils ont accueilli 38 000 spectateurs. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Et je n’évoque pas les autres activités au sein de l’IFM. Le bilan est extrêmement satisfaisant.

Entretien réalisé par Gilles RIBOUET