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Jean Jacques Vallet : «Sans un accès aérien plus élargi, l’hôtellerie ne sortira pas de la crise »

13 juillet 2011, 12:35

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Le président de l’Association des hôteliers et des restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim) commente la situation dans le secteur touristique.

Comment se présente le second semestre 2011 ?

Nous sommes en pleine basse saison, avec un taux d’occupation très faible depuis mai. Il est encore trop tôt pour prévoir le taux de remplissage pour la fi n de l’année, et nous n’avons pas beaucoup de visibilité avec le phénomène de réservations de dernière minute, mais nous n’entrevoyons aucun rattrapage. A voir le forward booking, une tendance à la baisse pour les mois de juillet à septembre se dessine déjà. Ce qui fait penser que 2011 ne sera pas une bonne année pour les hôtels.

Au niveau national, nous espérons atteindre des chiffres raisonnables avec une légère croissance. Mais étant donné que le secteur informel ou para-hôtelier est en hausse constante depuis 2007, le taux d’occupation sera très probablement à la baisse dans tous les hôtels pour le second semestre. Nous sommes encore sous les effets de la crise, qui se conjuguent avec d’autres facteurs.

Sur le plan financier, donc, cela risque d’être difficile encore une fois ?

L’année 2011 s’annonce aussi difficile que 2010, sinon plus, sur le plan financier. Le second trimestre a été plus mauvais que pour les années précédentes. Nous souhaitons et espérons une reprise rapide, mais cela ne se fera pas sans un accroissement de notre capacité aérienne.

A un certain moment, il était pourtant question d’embellie…

La situation pour les hôtels est toujours difficile et fragile, mais l’embellie est peut-être au niveau macroéconomique. En d’autres mots, cela concerne principalement le nombre d’arrivées et les recettes touristiques qui, si l’on analyse les chiffres aujourd’hui, donnent à penser que la crise est déjà derrière nous et que nous sommes repartis sur une trajectoire de croissance et de profitabilité raisonnables. Hélas, la réalité de la plupart des opérateurs est différente et se traduit par une profitabilité réduite ou inexistante, si ce n’est des pertes chez certains. Deux principaux facteurs ont un impact négatif sur nos revenus : l’accès aérien et la valeur de la roupie. Seul l’accroissement en capacité des sièges, avec des prix de billets comparables aux destinations concurrentes, pourra nous aider à sortir de la crise. Si embellie il y a, je la trouve très fragile. Il nous faut nous battre sur de nombreux fronts pour qu’elle soit réelle.

L’accès aérien est donc le problème numéro un ?

Oui. Les avions sont remplis pendant une bonne partie de l’année, alors que les hôtels ne le sont pas. En 2011, on dénombre 12 736 chambres. Pour 2012, on prévoit 13 400 alors que ce chiffre passe à 14 100 pour 2013.

Il est toutefois plus difficile de venir à Maurice que d’aller ailleurs en raison du coût du billet d’avion qui est beaucoup plus cher. C’est plus facile, par exemple, de se rendre aux Seychelles, aux Maldives, au Sri Lanka ou ailleurs. Si on ne s’en donne pas les moyens, on ne pourra pas se battre contre certaines destinations. C’est sur ce point qu’il faut faire attention. Depuis 2008, le nombre de chambres d’hôtels a augmenté de 18 % tandis que celles disponibles en dehors des structures hôtelières a également augmenté de manière significative. Mais, le nombre de sièges d’avion pour 2010-2011 est encore très proche des chiffres de 2008. D’où un déséquilibre important entre l’offre et la demande. Nous voulons créer la croissance mais les moyens font défaut. Avec la baisse du taux d’occupation individuelle des hôtels, le manque de sièges d’avion et les prix des billets plus élevés, les hôtels sont obligés de baisser les prix pour que leur package reste compétitif au niveau international.

Le Bureau central des statistiques prévoit pourtant 980 000 touristes pour cette année…

On visait deux millions de touristes en 2015. Nous sommes loin du compte. Peut-on doubler ce chiffre en trois ans ? J’en doute.

Comment concevez-vous le rôle d’ «Air Mauritius» dans cette situation ?

Il nous faut avoir un transporteur aérien national fort et compétitif qui propose plus de sièges. La compétition dans ce secteur est également souhaitable, de même qu’une augmentation des lignes aériennes afin de stimuler les marchés, notamment les marchés émergents et ceux périphériques à nos principaux marchés européens, à savoir les pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. Qu’Air Mauritius se donne les moyens pour faire face à la concurrence.

Nous sommes aussi d’accord avec la stratégie de diversification vers des pays comme l’Inde et la Chine. Cela ne devrait cependant pas se faire au détriment de nos cibles traditionnelles ou des nouveaux marchés que nous voulons pénétrer.

Nous ne disons pas qu’il faut baisser les prix des billets. C’est la loi de l’offre et de la demande qui va les dicter. Si on ouvre plus notre espace aérien, les prix des billets d’avion vont automatiquement baisser avec la concurrence, c’est le mécanisme du marché. Si Maurice veut sortir de la crise, il faut arriver à rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande, c’est-à-dire au niveau du nombre de chambres d’hôtels et du nombre de sièges d’avion. Cela nous aidera à rester une destination haut de gamme et à faire face à la concurrence des Maldives et des Seychelles à armes égales.

La roupie forte, disiez-vous, pose toujours problème ?

La valeur de la roupie, comme soulignée plus haut et de l’avis de certaines institutions internationales, est surévaluée d’environ 10 %. Nous comprenons que cette question soit sensible mais les autorités peuvent influer sur certains facteurs. Il faut voir l’impact possible de cette roupie forte sur l’investissement, la croissance, l’emploi, et la capacité d’améliorer les conditions d’emploi du personnel.

Il est de notoriété publique que la plupart des économies à travers le monde utilisent leur monnaie comme instrument de compétitivité. Nous ne pouvons rester insensibles et fermés à cette tendance qui peut nous ramener à une trajectoire de croissance et de rétablissement de notre secteur à long terme.

Comment gérez-vous la concurrence des paquebots de croisière ?

Les paquebots sont des compétiteurs plutôt au niveau de la main-d’oeuvre. C’est vrai que nous éprouvons des difficultés à trouver des employés qualifiée en raison du nombre croissant d’hôtels et de villas qui ont été construits ces cinq dernières années. Il faudra donc former encore plus de gens. Peut-être que, pour certains secteurs de l’hôtellerie, il faudra recourir aux travailleurs étrangers. Pour une période limitée, en attendant que les locaux soient formés. En fonction de l’offre et de la demande, on régule, avec des contrats à durée déterminée. Il ne faudra pas avoir peur de le faire. Les Seychelles, les Maldives importent parfois jusqu’à 50 % de leurs effectifs si besoin est. Ils régulent en fonction de la population active.

Propos recueillis par Alain BARBÉ
(Rubrique Economie, l’express du mercredi 13 juillet)