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Jeet Golam: «Le public attend des sanctions en cas de scandale»

28 avril 2011, 10:35

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Selon vous, que signifie le vocable «scandale» ?

Un scandale est avant tout une maldonne très médiatisée. On peut prendre l’exemple de Watergate, aux Etats-Unis, médiatisé sur fond d’espionnage politique et de tentative d’étouffement de l’histoire par le président Nixon. Les hautes instances comme le Federal Bureau of Investigation (FIB) et la Central Intelligence Agency (CIA) ayant refusé d’enquêter dessus, c’est la presse qui a fait éclater le scandale.

Doit-on en conclure que c’est la presse qui colle l’étiquette «scandale» ?

Cette presse, agissant comme le quatrième pouvoir, porte son regard sur une affaire quelconque. Mais le fait est que les journaux se vendent, que les gens les achètent par ce que, dans une certaine mesure, ce qu’ils disent les interpelle.

Si on doit parler d’un seuil de ce qui est ou n’est pas scandaleux, les critères mauriciens diffèrent-ils de ceux qui sont pratiqués ailleurs dans le monde ?

Je dirais qu’ils sont les mêmes.

Déjà, les gens lisent beaucoup, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Ce même intérêt pour la presse se voit également à Maurice et peut servir d’indication.

Et pourtant, on pourrait croire que le public se montre tolérant face aux affaires douteuses, surtout quand l’Etat est impliqué…

Je ne dirais pas tolérant. Il attend des sanctions. Il est vrai que celles-ci tombent plus vite à l’étranger. Pour faire un parallèle, je mentionnerai le cas de l’ancienne ministre française de la Santé Georgina Dufoix.

Sa formule «responsable mais pas coupable» est restée célèbre quand elle a été impliquée dans l’affaire du sang contaminé au début des années 90.

Qu’on soit coupable ou pas, le peuple attend que la procédure judiciaire soit suivie et que ce soit la justice qui tranche.

Si on dressait une frontière entre Etat corrompu et Etat pleinement démocratique, de quel côté de la ligne se situerait Maurice ?

Il faut dire que le tableau n’est pas tout noir pour nous. En quarante ans d’indépendance, nous n’avons pas connu de guerres ou autres catastrophes civiles. Selon moi, au niveau de l’indice de corruption Transparency International, nous sommes 39e au niveau mondial, en termes de transparence. Cependant, si nous regardons le score, qui est de 5,4 sur 10 et que nous nous comparons à l’Europe, cette note est très basse.

Or, l’Independent Commission against Corruption (ICAC), ici, existe depuis dix ans. Ce n’est plus un bébé. De même, le public sait à quoi s’attendre s’il se fait attraper pour corruption.

Où se situent nos lacunes ?

Déjà, avant les élections, les partis ont des projets qui se voient relégués à mesure que se forment les coalitions.

L’exemple doit venir d’en haut. Et puis, il faut tenir compte de notre nature insulaire, où tout le monde connaît tout le monde. Cela peut facilement engendrer des conflits d’intérêts. Et nous n’avons pas encore cette culture de déclarer si en effet nous pouvons nous retrouver dans cette situation. L’autre problème, c’est le trafic d’influence, où la fonction est utilisée à des fi ns personnelles.

Doit-on craindre, de par la nature opaque des institutions et de la société en général, que ce que nous voyons comme scandales ces temps-ci ne soit que le sommet de l’iceberg ?

Sans doute, oui. C’est une des raisons pour lesquelles Transparency International a introduit les Centres d’action juridique anti-corruption (CAJAC), assistance gratuite qui vise à aider les victimes ou témoins de corruption à dénoncer celle-ci. Nous n’entendons pas nous substituer à l’ICAC. Simplement, nous voulons promouvoir l’autonomisation du public et dégager les méfaits de cette gangrène qu’est la corruption, dont la pauvreté.

Peut-on dire qu’il y a connivence entre l’administration publique, le secteur privé et la classe politique ?

La connivence commence avec le financement des partis politiques et tout le monde a son compte après les élections à travers l’allocation des marchés/contrats. Transparency Mauritius a toujours eu cet aspect comme cheval de bataille. Connivence il y a, et c’est pourquoi nous avons demandé à faire enregistrer les partis comme des sociétés ou des associations, afin que leurs revenus soient audités.

 

Ludovic AGATHE