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Kee Chong Li Kwong Wing: «Pour détourner Rs 1 milliard, il faut que les institutions soient vulnérables»

16 janvier 2009, 16:49

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Kee Chong Li Kwong Wing, président de l’Association of Trust and Management Companies, ne ménage pas ses propos sur ceux qui tentent de contourner les règles et les mécanismes de contrôle de l’offshore. Compte-rendu.

Reconnaissons-le, à chaque fois que la presse parle de l’offshore mauricien, il s’agit principalement de fraudes. Et la perception du public face à ce secteur en est grandement influencée. Comment réagissez-vous au dernier épisode en date: l’affaire Satyam Computers?

Il faut croire que c’est le résultat d’une grande incompréhension. Et quand on ne comprend pas, cela mène à une mauvaise interprétation des mécanismes. Il faut d’abord revenir à la source: pourquoi une personne investirait-elle dans une compagnie hors de sa juridiction? Les réponses peuvent être un gouvernement qui taxe cette personne abusivement, ou un gouvernement tyrannique qui l’empêche de conduire convenablement son business et qui le saigne à blanc. Ou alors un manque de confiance dans l’économie de son pays, rongée par des incertitudes. Implanter son business dans un autre pays s’explique par des raisons légitimes. Mais comme partout ailleurs, monter son entreprise dans un autre pays peut aussi relever de buts inavouables.

Et des abus il y en a, à en croire la presse. Pourtant l’offshore mauricien est équipé de règles et de contrôles…

Comme je l’ai dit, investir dans une société offshore peut être motivé par des raisons totalement valables et légitimes. Mais il incombe au pays qui reçoit l’investissement de s’assurer qu’il y a des règles, des contrôles, et surtout une vigilance pour parer à des abus. Maurice est une destination sûre, où prévaut un marché quasiment libre et un faible taux d’impôts. Aussi, nous avons le Financial Services Commission (FSC), la Financial Intelligence Unit (FIU) et la Banque de Maurice qui ont mis sur pied un cadre juridique dans lequel les compagnies doivent opérer. Mais, il est vrai qu’on n’est pas à l’abri des possibilités d’abus. Et ces personnes malintentionnées ne sont pas des amateurs. Pour pouvoir passer entre les mailles du filet, il faut avoir certaines assises dans les deux pays pour que la transaction puisse être effectuée.

A vous entendre, ce n’est pas simple de contourner les règles dans l’offshore. Comment expliquer un détournement de fonds allégué alors?

Justement, je me pose la question, comment cela peut-il se passer? Déjà pour faire sortir Rs 1 milliard d’un pays, ce n’est pas simple. Pour qu’une somme pareille puisse sortir d’un pays sans qu’on ne pose des questions, il faut que les institutions locales, comme les banques, la douane, les agences fiscales, même la banque centrale, soient vulnérables. Il faut aussi que des institutions financières internationales aident dans la transition de la somme. C’est une énorme démarche qui mobilise aussi des ressources légales et politiques. Concernant le pays récipient, comment expliquer qu’une somme de Rs 1 milliard arrive sans que personne ne pose de questions? Nous avons des institutions qui surveillent le secteur offshore, comment alors expliquer que personne, des operateurs aux régulateurs, n’a remarqué la transition de Rs 1 milliard? Je trouve que c’est une grosse affaire et que ce n’est pas si simple qu’on veuille le faire croire.

Et le Double Taxation Agreement (DTA) dans tout ça? Quel avenir pour cet accord entre l’Inde et Maurice?

A la base, le DTA n’a rien à voir avec l’offshore. Les deux buts principaux d’un tel accord sont d’attirer l’investissement et de faciliter le business entre les deux pays. Une entreprise française, par exemple, qui s’implante à Maurice doit s’acquitter d’impôts en France et de 15% d’impôts à Maurice. Pour faciliter et encourager le business, Maurice décide de ne pas lui prélever les 15%. Et les départements du fisc des deux pays sont en constantes discussions et échangent des informations pour parer à des cas d’évasion fiscale. Ce traité, qui n’a a priori rien à voir avec l’offshore, fait provision pour ces échanges d’informations. Dans le cas de Satyam, pourquoi avoir recours à la presse pour faire circuler des rumeurs sur un détournement quelconque? Il suffit que les autorités indiennes demandent en toute connaissance de cause des informations à la FSC, le FIU et la Banque de Maurice, et les faits seront immédiatement établis.

Amrish BUCKTOWARSING