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Khalil Elahee : «Certains n’ont pas compris l’enjeu de MID»

21 juin 2013, 17:36

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Khalil Elahee : «Certains n’ont pas compris l’enjeu de MID»

Chargé de cours à l’université de Maurice, Khalil Elahee parle du «MID Policy and Strategy Action Plan». Ce plan a été avalisé le vendredi 14 juin par le Conseil des ministres. 

 
 
Que représente pour vous la finalisation du «MID Policy and Strategy Action Plan» avalisé vendredi 14 juin par le Conseil des ministres ?
C’est une étape critique après une longue attente. Justice est faite aux 360 représentants de la société civile, du secteur privé et des ministères qui ont collaboré de manière bénévole à l’élaboration de maintes recommandations au sein de six «Working Groups». Il faut espérer que le plan d’action respecte l’aspiration des participants et qu’ils s’y retrouvent. Mais il faut se dire que le plan d’action n’est pas une fin en soi. 
 
Quels sont les points saillants de ce document ?
Le document n’a pas encore été rendu public. Il faut attendre pour savoir concrètement ce qu’il contient. Lors des rencontres précédentes avec les consultants de Mott MacDonald, de nombreux «stakeholders» ont demandé l’élaboration d’une politique MID qui serait intégrée dans le processus de prise de décisions sur la question de la durabilité (sustainability). Il faudra donc que tout projet, que ce soit une centrale thermique ou une route, passe le test de «MID-compliance».
 
Au chapitre de l’énergie, nous nous attendons à des stratégies cohérentes afin d’atteindre un minimum de 35 % d’énergies renouvelables dans notre «mix» de production électrique d’ici 2025. Selon les dernières statistiques, nous nous éloignons de cette cible et il faudra renverser la tendance. Pour ce qui est de l’efficacité énergétique, il faut s’attendre à un budget dédié à ce secteur et à un accent sur la formation. Le communiqué du Conseil des ministres fait mention de l’économie océan et de l’économie verte. Autant que je sache, les «Working Groups» n’en avaient pas fait leur finalité en soi, mais des moyens parmi d’autres. Il faut veiller à ce qu’on ne dénature pas le projet MID à des fins «économiques» !
 
Jusqu’ici, ce sont les actions qui ont fait défaut à MID. Estimez-vous que ce document saura combler cette lacune ?
Je pense que certains, au ministère des Finances, n’ont pas compris l’enjeu de MID, encore moins la place des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Depuis le lancement du projet, il n’y a pas eu d’innovation au niveau du financement des projets MID. Au contraire, le Fonds MID a même servi à autre chose, comme le développement de logements sociaux. J’espère que la MID Commission sera renforcée avec des personnes compétentes et dotées de l’autorité requise à la mise en œuvre de politique MID. 
 
Outre le problème de soutien financier, il faudra un travail au niveau de la base, du «bottom-up», afin de permettre à tous de participer activement au projet MID. Par exemple, quel est le rôle des collectivités locales ? Comment faisons-nous pour sensibiliser les consommateurs ? Comment débloquer des projets comme celui du bioéthanol ou encore de la production décentralisée à petite échelle avec des panneaux photovoltaïques ? Il est temps d’aborder ces défis de manière holistique. C’est là que le document doit sortir des tiroirs pour devenir une réalité…
 
Le «MID compliance» est un aspect important du «MID Policy and Strategy Action Plan». Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Je souhaite que le «MID compliance» s’applique à tous les projets qui n’ont pas encore démarré. Que ce soit pour un hôtel, une centrale thermique ou un parc éolien, il faudra évaluer le projet en termes, non seulement économiques, mais aussi sociaux et environnementaux. C’est cela, le «MID compliance», sans lequel la décision du Conseil des ministres demeura lettre morte. Dans plusieurs pays, cela se fait à travers un «Sustainability Assessment». Il faudra faire l’effort de développer une culture différente dans la prise des décisions, avec comme facteurs déterminants des éléments comme le principe de précaution, l’approche systémique ou la prise en compte du changement climatique.
 
L’enveloppe qui sera accordée au projet ne fait pas l’unanimité. Combien d’argent faudra-t-il pour donner une impulsion au projet ?
Je ne connais pas le montant exact, mais il est question de milliards de roupies qu’il faudra gérer avec transparence et obligation de rendre des comptes. Toutefois, il faut aussi évaluer les bénéfices de nouveaux projets en termes d’économies d’énergie, de réduction de notre facture à l’importation, de création d’emplois verts, de protection de la biodiversité, etc. Nous parlons de l’être humain et de son environnement : de ressources qui n’ont pas de prix, mais qui ont une valeur. Soyons conscients que nous ne mesurons pas notre santé, notre formation ou notre changement de «mindset» en termes de retour sur investissement. Je pense que la «MID Policy» ou les stratégies  MID sont en soi plus importantes que le budget alloué au plan d’action.
 
Il était initialement question d’un système de financement sur un «project-by-project basis». Quel système préférez-vous ?  
C’est une approche à éviter car nous risquons d’inclure des «unsollicited bids» fort douteux. Il faut un programme intégré qui prend en compte toutes les dimensions. Par exemple, pour la question énergétique, nous ne pouvons séparer la production de la demande de manière absolue. Tout est lié. C’est aussi une question de bonne gouvernance et de prise de décision sur la base de «scientific evidence».
 
En tant que «projet de société», la dissémination du «Policy and Strategy Action Plan» est d’une importance capitale. Comment faut-il procéder selon vous ?
Il faut rappeler tous ceux qui ont contribué au succès des six «Working Groups» et ont fait valider les grandes lignes du plan d’action. Ce sera aussi un moyen de leur donner un feedback sur le progrès de MID. Il faut impliquer les autres partenaires que nous avons peut-être oubliés. Ce grand rassemblement de tous les acteurs du projet MID est aussi essentiel pour une autre raison: il faut que chacun s’engage et sache d’abord ce qu’il doit faire dans le cadre du plan d’action. Je pense que la MBC aurait dû avoir une chaîne télé allouée au projet MID pour informer, sensibiliser, communiquer et éduquer. C’est incroyable, par exemple, que la télévision nationale n’ait jusqu’ici organisé aucun débat sur la politique énergétique durant les dix dernières années, alors qu’ailleurs partout on en discute !