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Khalil Elahee: «Le projet MID n’est pas destiné qu''à l’environnement»

20 mars 2009, 14:01

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Le chargé de cours à l’université de Maurice et spécialiste de la question énergétique estime que la production d’électricité à partir des déchets, l’incinération, est un principe acceptable dans le projet Maurice Ile Durable.

 La semaine consacrée à Maurice Ile Durable (MID) n’est-elle qu’un événement ponctuel ou un nouvel élan donné à ce projet?

Je dois d’abord dire que la semaine MID est une initiative du gouvernement. Une initiative qui est bien accueillie. Car il était temps de vulgariser le concept. Au niveau de l’université de Maurice, j’interviens comme coordonnateur pour le projet MID. C’est à ce titre que nous avons organisé un séminaire pour mieux cerner le concept, ses enjeux, les paramètres de sa mise en place, les ressources nécessaires et les acteurs à engager dans le processus. Pour cela, nous avons obtenu le soutien de certains partenaires du privé et du secteur public aussi bien que de l’université de technologie de Compiègne. A cet effet, début mai, nous aurons un atelier de travail avec des professionnels de cette université. Notre séminaire s’inscrit dans le cadre d’un travail continu. Pour répondre à votre question, je dirai que le MID est un travail de longue haleine qui repose sur une logique participative et un processus de consultations. Que ce soit pour la recherche ou pour l’établissement des politiques générales. Le MID, c’est donc une dynamique où on procède par phases. La semaine MID n’est, en ce sens, qu’une parenthèse.

Alors qu’on organise la semaine MID, c’est tout le débat autour du projet d’incinérateur de Gamma-Coventa qui retient l’attention. Quelle réconciliation possible entre ces deux projets?

Il faut d’abord bien comprendre que la production d’électricité à partir des déchets, c’est un principe acceptable dans le projet MID. Mais il y a des procédures et des règles à respecter. C’est un projet de post-recyclage et, en tant que tel, il est admissible. Une certaine quantité de déchets va être recyclés pour produire de l’énergie.

Il y a un autre volet dans ce projet dont on ne parle pas assez. Il s’agit de la réduction des déchets. Il faut une réflexion et une action continues en ce sens. Et comprendre également, pourquoi on produit autant de déchets?

Vous êtes en train, dans une certaine mesure, de prendre à contre-pied ceux qui s’opposent au projet d’incinérateur de Gamma-Covanta. Qu’est-ce qui explique cette posture?

A la lumière des connaissances qu’on a actuellement, on dispose des technologies pour réduire le risque à la santé à un seuil minimal, surtout en ce qui concerne la dioxine. Si on respecte les normes européennes en la matière, dont la MACT, Maximum Achievable Control Technology, on réduit les risques de façon définitive. Mais, il est aussi vrai que, dans les années à venir, on aura de nouvelles découvertes, de nouvelles exigences et de nouvelles règles. Donc, on aura à s’adapter et se préparer en conséquence.

Est-ce suffisant pour réduire les risques?

Il faut comprendre qu’avoir les normes, c’est une chose. Mais le suivi, c’en est une autre. C’est la raison pour laquelle, il est essentiel d’avoir un mécanisme de suivi et de contrôle indépendant. Enfin, il faut aussi savoir que le projet MID n’est pas destiné uniquement à l’environnement. C’est un projet social. A ce titre, il doit se mettre en place avec la participation de la société civile. Comme il faut, par exemple, engager les gens qui vivent aux alentours du projet d’incinérateur de Gamma-Covanta dans le projet global.

N’y a-t-il pas le risque que vous déclenchiez la colère de ceux qui militent contre le projet de Gamma-Covanta?

Je comprends les positions exprimées par les uns et les autres. Certains ont parlé de bio-méthanisation où les déchets sont convertis en biogaz. Moi, je suis pour l’incinération. Soit on brûle des déchets pour produire de l’énergie. Cependant, il y a des gens qui sont carrément contre. Je respecte leur point de vue.

J’ajoute qu’il y a une dimension dans le projet d’incinération qu’on n’est pas en train de prendre en compte. C’est un projet qui vise le remplacement du centre d’enfouissement de Mare Chicose. On a tendance à l’oublier. Cela dit, en termes de choix énergétiques, le choix évident pour Maurice, c’est la bagasse. Mais il implique un réagencement du secteur de la canne. Ça, c’est un autre débat.

Qu’est-ce que l’Etat doit faire pour ne pas être piégé par ce projet?

Effectivement, si on ne joue pas la transparence, on risque d’être piégé. Par exemple, le gouvernement s’engage à fournir 300 000 tonnes de déchets. Que se passera-t-il s’il n’y parvient pas et si la qualité des déchets fournis n’est pas appropriée pour l’incinération. Car il faut savoir que la qualité de nos déchets varie en fonction des saisons. D’autre part, Gamma-Covanta s’engage à fournir de l’électricité. Est-ce que cette production d’électricité sera continue? Quelles sont les conditions de vente de cette électricité au Central Electricity Board? Si dans quelques années, on adopte un système de contrôle plus strict nécessitant de nouveaux investissements, qui en prendra la charge? Tout cela doit se faire dans la transparence. Or je constate, qu’au niveau de ces aléas et de la gestion des risques, on n’est pas encore en présence des données. Je le répète: en termes de technologies, il n’y a pas de problèmes. C’est le contrat qu’il faut bien étudier.