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La justice française sort peu à peu du joug politique

23 mars 2013, 11:29

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La justice française sort peu à peu du joug politique

L'actualité politico-judiciaire de ces derniers jours, marquée par l'affaire Cahuzac et la mise en examen de Nicolas Sarkozy, témoigne d'un nouveau climat dans les relations entre l'exécutif et la justice après des années de vives tensions, selon des analystes.

 

Depuis l'arrivée au pouvoir de la gauche en mai 2012, des magistrats semblent s'affranchir plus facilement des pressions hiérarchiques ou politiques.

 

"Beaucoup de reproches sont faits à François Hollande aujourd'hui, mais pas celui d'empêcher les juges de faire leur travail, pas celui d'être suspecté d'être malhonnête ou de vouloir être hyperprésident ou de vouloir occuper des prérogratives qui ne sont pas les siennes", souligne Gaël Sliman de l'Institut BVA.

 

Nicolas Sarkozy a été mis en examen jeudi soir à Bordeaux pour "abus de faiblesse" dans un volet de l'affaire Bettencourt où pourraient apparaître d'éventuels financements illégaux de la campagne présidentielle de 2007.

 

Cette mise en examen survient deux jours après l'ouverture par le parquet de Paris d'une information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale qui a entraîné la démission de l'ex-ministre socialiste du Budget Jérôme Cahuzac, soupçonné d'avoir détenu illégalement en Suisse un compte bancaire.

 

Pour le politologue Stéphane Rozès, ces rebondissements montrent "très clairement que l'actuelle majorité laisse travailler les magistrats, à la fois sur l'affaire Cahuzac et sur l'affaire Sarkozy". "Dans les deux cas, la garde des Sceaux laisse faire les magistrats."

 

La ministre de la Justice Christiane Taubira a assuré vendredi les magistrats de son soutien face aux critiques des proches de Nicolas Sarkozy dont Henri Guaino qui a accusé le juge Gentil de "déshonorer la justice par ses "accusations grotesques" lancées contre Nicolas Sarkozy ( ).

 


RESPECTER LA JUSTICE

 

Pour Gaël Sliman, "le fait de respecter la justice quand on est un parti politique au pouvoir ou de donner ce sentiment là, c'est plutôt porté à votre crédit. "Le fait de se fâcher avec les juges ou de contester les résultats ça ne produit pas en général un bon effet sur le parti politique ou l'homme politique qui le fait", dit-il.

 

Ce nouveau climat a permis de tourner la page de plusieurs années de vives tensions entre le monde judiciaire et le gouvernement de Nicolas Sarkozy.

 

En 2009, la volonté de l'ex-président de la République de supprimer les juges d'instruction après l'affaire d'Outreau avait suscité l'indignation des syndicats de magistrats qui dénonçaient "la mort d'un système judiciaire indépendant".

 

Sous Nicolas Sarkozy, "il y avait à la fois une grande méfiance de ces politiques envers les juges d'instruction, en tout cas une volonté de leur confier le moins possible d'enquêtes", souligne une magistrate sous couvert de l'anonymat.

 

"Là on a une volonté contraire, notamment concernant l'affaire Cahuzac, il y a une volonté de la part du procureur d'une plus grande transparence."

 

Les récents développements dans l'affaire Bettencourt et l'affaire Cahuzac sont-ils pour autant le révélateur d'un changement profond des relations entre justice et politique ? "Il est trop tôt pour le dire", dit cette magistrate.

 

"On attend plus de choses à ce niveau là, une toujours plus grande transparence et le moins d'empiétement possible dans la marche de la justice."

 


ALLIANCE PRESSE MAGISTRATS

 

Cette succession de procédures judiciaires en l'espace de 48 heures illustre aussi l'alliance conclue entre la presse et les "petits magistrats" au début des années 1990 au nom de l'indépendance de la justice, note Stéphane Rozès.

 

Les deux affaires judiciaires ont été révélées par le site d'information en ligne Mediapart.

 

"Il y a eu une alliance des médias et des petits magistrats pour faire en sorte que la magistrature recouvre une indépendance par rapport à la tutelle historique du politique", souligne-t-il.

 

"Cette tendance remonte à la période des petits juges, à partir du début des années 1990 après les scandales de la fin de la Mitterrandie lorsque l'opinion publique commençait à être très critique à l'égard de la classe politique."

 

Les Français ont toujours soutenu les juges d'instruction, qui sont garants à leurs yeux de l'indépendance de la justice et garants "du fait qu'il y aura toujours des petits juges pour remettre les hommes politiques dans le droit chemin", note Gaël Sliman.

 

Pour Stéphane Rozès, les récentes affaires révélées par Mediapart ne devraient pas se traduire par une montée des populismes en France, ni d'un regain du refrain "tous pourris".

 

"C'est perçu positivement par les Français qui considèrent que les juges font leur travail. Je crois que quand chacun fait son travail en démocratie, c'est une matière antidote aux populismes", estime-t-il.