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La réforme électorale post-Carcassonne

23 janvier 2012, 00:00

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Rama Sithanen a pris le relais de Carcassonne tout comme avant lui, Yvan Collendaveloo et le Comité d’élite de l’Assemblée nationale l’avaient fait après le dépôt du rapport Sachs sur la réforme électorale. Avec le rapport Carcassonne rangé dans le tiroir en compagnie de ceux de Sachs et de Collendavelloo, cela fait déjà dix ans que dure cet épisode pour dire le moins, rocambolesque et chèrement payé de notre histoire politique. Il est temps que les politiques, les dirigeants des grands partis en particulier, mettent fin à cette indécision caractérisée et s’entendent enfin sur la formule ‘magique’ et appropriée qui ferait de notre système électoral un outil pour la promotion de la démocratie inclusive, avec une plus grande participation populaire et la représentation de tous les courants d’opinion du pays y compris la représentation féminine au Parlement. Autrement, ils courent le risque de tomber dans le ridicule et perdre toute crédibilité.

Détenteur d’un doctorat en matière de modèles de systèmes électoraux, Rama  Sithanen, avec l’approche consensuelle qu’il a choisie, se présente en expert mauricien et politique plus à même de trouver la solution ‘miracle’ qui viendrait remplacer le système électoral inique hérité des colonisateurs britanniques. Sa proposition rejoindrait celle du modèle 3 contenu dans le rapport Sachs qui maintient le système «First Past the Post» (FPTP) actuel tel quel en y ajoutant 30 ‘élus’ sur la base de la représentation proportionnelle/«Party list». Cette proposition, selon ses auteurs Sachs, Ahnee et Tandon, rendrait caduc le système des «Best Losers» (BLS). Rama Sithanen va plus loin en affirmant que le BLS est incompatible avec la représentation proportionnelle/«Party list» qu’il vient lui aussi proposer en réduisant à 20 le nombre d’élus selon ce système et en modifiant le calcul des voix pour l’allocation des sièges à l’Assemblée nationale. Cet argument est repris par le Premier ministre, qui ne prend même pas la peine d’expliquer pourquoi et comment le BLS serait incompatible avec la proportionnelle.

Dans le fascicule, intitulé «Electoral Reform in Mauritius», publié en février 2008 aux «Editions Le Printemps», j’avance les raisons pour lesquelles la réforme électorale était devenue une nécessité urgente. A mon avis, Il était grand temps de mettre fi n à la perversion de la démocratie que représentait notre système électoral actuel de FPTP afi n de faire progresser notre démocratie participative.

Election après élection, nous nous retrouvons avec un Parlement ou l’opposition, quelle qu’elle soit, sous-représenté. Des fois, avec une majorité de 4 ou 5 % de voix exprimées, un parti ou une alliance de deux partis contrôle la quasi-totalité des sièges parlementaires.

C’est une situation non seulement injuste mais dangereuse dans la mesure où cette majorité parlementaire, avec plus de 2/3 de sièges et donc de voix, serait en mesure d’amender les clauses fondamentales de notre Constitution, allant même jusqu’à la légalisation d’une dictature – postulat absurde, mais sait-on jamais ? La réalisation de l’iniquité et du danger de notre système électoral suffirait, je pense, à décider de la conduite de nos dirigeants politiques. Cependant, on continue toujours à tergiverser et, comme l’autre,à remettre au lendemain ce que l’on puisse faire le jour même. J’espère que la mission bénévole et patriotique de Rama Sithanen soit fructueuse, dans l’intérêt du pays. Il nous resterait alors, à nous attaquer à d’autres facteurs qui entravent la bonne marche de notre démocratie dont le fi nancement public ou non des partis politiques et la nature souvent autocratique et patriarcale de ces partis.

Venons-en à l’épineuse question du BLS.

Dans leur rapport, Sachs et les commissaires Ahnee et Tandon soulignent que «no issue before us aroused more intense comment».

La majorité des témoignages étaient très critiques à l’égard du BLS qu’ils considéraient comme un obstacle à l’émergence de la citoyenneté mauricienne. Cependant l’approche recommandée dans le rapport Sachs fut de trouver les moyens de rassurer les communautés les plus attachées au BLS et les convaincre qu’avec la réforme préconisée, que les «Best Losers will be subsumed into the new electoral arrangements».

Puisque dans le débat en cours sur la Réforme électorale mon nom a été cité, notamment par le leader de l’opposition, Paul Bérenger, lors de sa conférence hebdomadaire de samedi dernier, comme étant de ceux qui sont contre l’abolition du BLS, je voudrais revenir sur la position que j’ai toujours adoptée sur la question, et cela publiquement depuis février 2004 dans un article publié dans «l’express» et repris dans le fascicule susmentionné en 2008.

Aucun citoyen responsable ne souhaiterait aujourd’hui la perpétuation du BLS. On devrait tous ensemble trouver le moyen de s’en dé faire mais de grâce, ne faites pas porter au BSL toute la charge de la pratique du communalisme, du communautarisme et du divisionnisme ouvertement et impunément, depuis l’indépendance, et qui continue aujourd’hui encore à ronger notre société. Ce n’est certainement pas le BLS qui dicte la conduite bassement communale de certains dirigeants politiques et leurs acolytes au sein des ONG’s dites socioculturelles, toutes communautés confondues. Ni non plus la nomination sur la base de l’appartenance communale à certains postes de responsabilité tant dans le secteur public et parapublic que dans le secteur privé.

Le communalisme scientifique n’est l’apanage d’aucun parti politique mais de tous les partis politiques. Est-ce par accident ou une coïncidence que le cabinet ministériel se trouve être le reflet exact, ou presque, des différents groupes et sous-groupes de notre société multiculturelle et multi religieuse? Peut-on honnêtement attribuer au BSL la raison du choix aux élections des candidats au profil sociologique qui convient aux différentes circonscriptions du pays ? Permettez-moi d’en douter !

Le BLS continue pour certains, de moins en moins nombreux, d’agir comme une sorte d’assurance à une représentativité parlementaire raisonnable sinon adéquate des communautés dites minoritaires suite aux élections générales mais comme le disait le rapport Sachs, cette réassurance «is more of a psychological and emotional nature than a practical one».

Je renouvelle ici mon souhait que la controverse autour du BLS ne vienne pas remettre en question la réforme électorale nécessaire et vitale pour notre démocratie et comme je le disais en conclusion du Chapitre 1 de mon fascicule sur la réforme électorale, ce qui est aujourd’hui encore ma position sur la question : «If wisdom prevails, the BLS would be left untouched until the next general elections are over when, on the basis of the functioning of the new electoral system, an informed decision would be taken on its relevance or non-relevance in present-day Mauritius.»

 

Cassam UTEEM