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Le professeur Narbonne: «Incinérateur. Je n’ai pas retourné ma veste»

29 juillet 2009, 14:15

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Le professeur français explique sa position en faveur des incinérateurs.
Le professeur Jean François Narbonne répond aux questions de Finlay Salesse à l’émission Controverses de Radio One sur le recours aux incinérateurs.

Le professeur Narbonne est biochimiste et spécialiste des problèmes d’environnement, en particulier des pollutions de l’environnement par l’homme. Il a un laboratoire Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui travaille sur ces problèmes particuliers de dioxydes, PVC et métaux. Il a aussi plus de vingt ans d’expérience dans les agences de sécurité sanitaire en France et en Europe. Il a été à l’origine des premières règlementations sur les dioxydes en particulier dans les aliments.


Vous avez mené une croisade à l’époque contre les incinérateurs. Comment expliquez vous donc votre retournement de veste?

En 1988, je me suis opposé à la construction des incinérateurs et surtout j’ai demandé leur mise aux normes. Car à l’époque, les incinérateurs n’étaient pas filtrés. Je n’ai pas retourné ma veste. C’est simplement les incinérateurs qui ont changé. Et cela après plus de quinze ans de lutte pour arriver à forcer les administrations et les opérateurs à se mettre aux normes européennes. Surtout qu’en France, on a un problème particulier qui fait que ce pays est toujours réticent à appliquer les normes européennes que ce soit en agriculture ou en industrie. Il a fallu, je le rappelle, pratiquement plus de quinze ans de lutte pour que les incinérateurs soient aux normes européennes. C’est pour cela qu’il y a un débat franco-français qui ne se passe pas dans d’autres pays et qui est lié à ce retard inadmissible qu’il y a eu à l’application des normes européennes.

Est-ce que cela ne vous gène pas que d’autres experts, non moins éminents que vous, soit venus à Maurice pour dire exactement le contraire de ce que vous dîtes en ce moment. Ils sont dans l’erreur, selon vous?

Il y a toujours eu des débats de professeurs sur ce dossier. Si l’un dit quelque chose, l’autre dira le contraire en fonction de la vision qu’il peut avoir ou des techniques employées. Quand j’étais opposé aux incinérateurs non filtrés, j’avais démontré que le dioxyde était cancérigène. On me mettait alors en face d’un épidémiologiste qui disait le contraire parce qu’à l’époque on ne voyait pas d’augmentation de cancer autour des incinérateurs. Il a fallu une étude sanitaire sur deux millions cinq cent mille personnes pour arriver à démontrer une faible augmentation des taux de cancer. Donc, on voit que le débat est ainsi construit. Moi, je ne suis pas le porte-parole de qui ce soit. Je suis dans les agences sanitaires et il faut savoir que, fait exceptionnel, les trois comités d’experts, du commissaire de l’environnement, au commissaire de l’agriculture en passant par le commissaire de santé, sont pour une fois d’accord sur cette question en France. Et tous les rapports et les études sont unanimes en disant qu’il n’y a plus aucun problème sanitaire ni environnemental autour des incinérateurs. Il faut savoir que cette unanimité entre les trois agences du ministère est quand même tout à fait exceptionnelle.

Est-ce que vous avez le sentiment que le débat a été mal enclenché, que les prémisses ont été mal posées, et pensez-vous qu’on peut avancer dans ce débat?

Je pense qu’il y a deux formes de débat. Il y a un débat sur la santé publique. C''''est-à-dire toute activité industrielle, que ce soit du recyclage, composte ou de l’incinération, a une part de sécurité sanitaire et aussi bien d’environnement. Deuxièmement, si on choisi un incinérateur, il n’y a pas une solution unique. Par exemple, en Europe, il y a l’incinération de 50% des déchets pour laisser des alternatives possibles. On s’est donc battu pour qu’il n’y ait pas une incinération totale. Le débat sanitaire autour des incinérateurs est aujourd’hui terminé. Car, on sait faire un incinérateur qui ne pollue pas. Mais ce n’est pas pour ces raisons qu’il faut adopter l’incinérateur. Ensuite, il y a un problème de nature des déchets, de possibilités locales de l’utilisation de ces déchets. Je crois qu’il n’y a pas de solution à importer à Maurice mais il faut trouver une solution locale à ce problème.
 
Faut-il incinérer?

Dans plusieurs pays où on a fait des expériences d’autres alternatives, on a vu, sur le papier, que c’était bien. Mais des problèmes ont surgi par la suite. Et on a dû revenir à l’incinérateur. Quand on parle du compost par exemple, il y a des normes très strictes à respecter pour la valorisation du compost. C’est pourquoi on doit prendre en compte toutes les conditions locales avant de prendre une décision.
 
Peut-on trouver un compromis entre les contre et pour incinérateur?

En France, le contrôle est fait par les associations. Il y a le contrôle fait par les operateurs et ensuite il y a un contrôle indépendant fait par les associations. Moi, ce que je propose donc, c’est qu’il y ait un double contrôle pour que les citoyens sachent qu’il n’y a pas de retombées négatives. Cela peut être fait de nos jours, car on peut se servir de technique simple. Donc, il y aurait un contrôle indépendant des citoyens en finançant certaines associations pour le faire et demandant à certains médecins d’effectuer un suivi.