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Le Professeur Paul Romer : « L’Afrique présente d’énormes promesses »
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Le Professeur Paul Romer : « L’Afrique présente d’énormes promesses »
Lors de votre dernière visite à Maurice, il était question de promouvoir l’idée d’une ville sophistiquée. C’était avant la crise de 2008. Pensez-vous que l’argent sera toujours disponible pour un tel projet, que ce soit à Highlands ou ailleurs?
Dans un sens, les opportunités sont à présent plus grandes qu’elles ne l’étaient en 2008. Parce que le problème des pays riches, des pays en développement rapide, en prenant pour exemple les Etats-Unis et la Chine, c’est l’insuffisance des investissements. Ces pays, en tant que groupe, ont besoin d’accroître leur épargne. Ce qui signifie qu’ils doivent réduire leur taux de consommation par rapport au produit intérieur brut.
Ces pays riches et en développement rapide doivent identifi er de nouveaux pays et de nouvelles opportunités d’investissement. En contrepartie, les pays en développement, en tant que groupe, ont d’énormes opportunités d’investissement, notamment en infrastructures. Donc, il y a un marché possible et qui pourrait être bénéfique aux deux groupes. En ce sens, les opportunités sont, aujourd’hui, plus grandes qu’avant. La principale difficulté, c’est de trouver des arrangements entre les deux, arrangements politiques et entre gouvernements. Des accords qui permettront aux pays riches de trouver des lieux pour investir et aux pays en développement d’en profi ter.
S’il fallait apporter une aide financière à des chaires et des départements de l’université de Maurice, ou toute autre université, quelles sont les disciplines que vous considéreriez essentielles afin d’atteindre un potentiel d’innovation susceptible de soutenir la croissance nécessaire au pays?
Une bonne partie de la croissance dans les pays en développement proviendra du secteur des services, tels les services en affaires, les services financiers, la loi, l’administration du personnel… Ce sont les services qui facilitent des coopérations à échelle élargie. Si un investisseur d’un pays donné veut investir dans une compagnie d’un autre pays, il s’attend à un système légal et régulateur qui protège son investissement. Il y a un besoin de coordination pour que les investissements et le commerce entre nations soient une réussite. Une bonne partie de la croissance est réalisable dans le secteur des affaires. La formation des étudiants doit répondre à ces exigences. En outre, je pense qu’une formation en sciences et en ingénierie est aussi une bonne préparation pour le monde contemporain. Les compétences en communication sont également importantes.
Seriez-vous de ceux qui soutiennent l’idée que les nouvelles villes, si elles doivent prospérer de manière significative, doivent être des espaces d’échange culturel et de connaissances?
Définitivement. La valeur d’une ville provient en grande partie du fait que les gens s’y rendent et échangent des idées. Ce qui rend une ville attrayante comprend la qualité de vie incluant l’accès à la culture, la diversité et la mixité des gens. Les villes à succès doivent garantir ces éléments. Mais cela dépend aussi, dans une certaine mesure, de l’emplacement de ces villes. Une ville dans un pays avec disons un revenu moyen comme Maurice aura une palette de services et d’activités plus élargie qu’une ville dans un pays d’Afrique sub-saharienne. Dans le cas d’une nouvelle ville d’Afrique sub-saharienne, elle assurera surtout des possibilités dans le secteur manufacturier.
C’est votre troisième visite à Maurice, cette fois ci à l’invitation du «Board of Investment». Pensezvous être en mesure d’aider à ce que les erreurs qui ont compromis un développement harmonieux à Ebène ne se reproduisent ?
Je ne pense pas avoir une connaissance suffisamment étendue des détails pour guider le développement spécifique d’une ville à Maurice. Je peux toutefois dessiner le contexte général dans lequel Maurice est en train de se développer.
Une bonne partie de mon message aujourd’hui est que l’Afrique est une région avec d’énormes promesses et que Maurice peut se poser en passerelle alors que l’Afrique a des attentes par rapport à l’Asie. Cela influence la manière de réfléchir à l’avenir de son économie. Une des choses que Maurice peut faire, c’est de se poser en un hub des services en affaires, des services économiques et légaux… qui facilitera les échanges entre l’Afrique et l’Asie.
Comment expliquerez-vous votre «Endogenous Growth Theory» à un auditoire qui n’a pas de formation en économie?
Ce que la théorie dit, c’est que la découverte de nouvelles technologies entraîne la croissance économique. Une nouvelle technologie fonctionne comme une recette qui indique comment utiliser les matières premières et les combiner de sorte à ce qu’il y ait de la valeur ajoutée. La théorie explique qu’au lieu de mettre encore plus d’efforts dans le manufacturier en utilisant des technologies existantes, nous devons chercher des modèles et des technologies meilleurs qui ajouteront plus de valeur aux mêmes matières premières.
On vous a accusé, par rapport au concept de «Charter Cities», de réinventer le colonialisme. Comment réagissez-vous à cela?
La grande différence entre les deux, c’est le fait que l’idée de «Charter Cities» est entièrement fondée sur un choix volontaire. Des pays travaillent ensemble uniquement s’ils désirent le faire. Et les gens vont bouger entre les villes des uns et des autres seulement s’ils le veulent. Le colonialisme était une tentative de profiter des échanges à travers le monde. Les pouvoirs coloniaux ont essayé de tirer profit de ces bénéfices par la force.
 
Les «Charter Cities»
Que propose Paul Romer ? Postulant que ce sont les règles britanniques qui ont permis à Hong Kong de devenir le centre fi nancier que l’on sait, le modèle étant ensuite reproduit en Chine, Paul Romer pense qu’il est possible de multiplier, à travers le monde, des pôles d’activité économique assurée, dans des villes nouvelles, les Charter Cities, un partenariat entre plusieurs nations. Il faudra a) un pays-hôte, qui fournit les terres b) une nation-source, d’où proviennent les ressources humaines et c) une nation-garante, celle qui assurera que la Charte soit respectée. Il s’agit de faire se rencontrer une population acceptant de travailler pour de bas salaires et des garants assurant les normes d’un Etat de droit. Romer suggère que, dans un pays comme l’Inde, les trois fonctions – hôte, source et garant – pourraient être assurées par l’Inde elle-même. Il envisage également un cas de figure où l’hôte et le garant seraient le Brésil mais la source Haïti.
 
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