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LE TOUR DU WEB avec Gilbert Ahnee

1 octobre 2012, 00:00

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Syrie

Outre les massacres, le saccage…

Selon le dernier relevé de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les affrontements en Syrie, depuis mars 2011, ont fait 30 000 victimes. À côté d’un tel coût humain, les destructions matérielles peuvent paraître dérisoires. Ce qui n’empêche pas d’observer que les noms qu’égrènent les bulletins d’information sont aussi ceux de très anciens sites du patrimoine mondial de l’humanité. Dans ce pays, on détruit des vies humaines mais aussi de la mémoire.

Cité 55 fois dans la Bible, dans 15 différents livres, dont la Genèse, le premier livre, pour un récit très ancien concernant le patriarche Abraham, Damas est considérée comme la plus vieille ville encore habitée. Des fouilles à Tell Ramad, dans ses faubourgs, ont montré que l’agglomération était occupée dès 8 000 à 10 000 ans avant notre ère.

«La ville présente des témoignages exceptionnels des civilisations qui l’ont créée : hellénistique, romaine, byzantine et islamique. Le califat omeyyade, en particulier, a fait de Damas sa capitale, plantant le décor pour le développement continu de la ville en tant que cité arabe musulmane vivante, sur laquelle chaque dynastie ultérieure a laissé sa []]]]]]]]]]...] marque », peut-on lire sur le site de l’Unesco, à la partie consacrée au patrimoine mondial.

Après avoir été un des berceaux du christianisme, accueillant notamment la prédication de Paul de Tarse, la ville accepta l’islam en 635, Damas devenant, à partir de 661, la capitale de la dynastie omeyyade. À cette époque où l’empire musulman s’étendait de la vallée de l’Indus à l’Europe du Sud, Damas se retrouva au cœur d’un croisement de routes caravanières, ce qui maintint sa prospérité même après la chute du califat omeyyade, en 750, suivi de l’installation des califes abbassides à Bagdad. A partir de 705 sera construite, pendant dix ans, la Grande mosquée des Omeyyades de Damas, encore admirablement conservée, riche témoignage des tendances, peu suivies par la suite, des arts religieux au début du VIIIe en Islam.

Creuset millénaire des grandes spiritualités, Damas s’est longtemps voulue une terre d’accueil pour les trois monothéismes sémitiques. Dans son édition du 18 août 2006, le quotidien français Le Figaro cite Feiryal, une jeune habitante de Damas : « Lorsque j’ai quitté Hama pour venir étudier à Damas, j’ai partagé un appartement avec une Grecque orthodoxe, une alaouite, une sunnite et une chiite, moi, une catholique romaine. Il ne manquait qu’une juive pour symboliser la coexistence qui règne en Syrie depuis des siècles ! Nous étions comme des sœurs ». Voilà qui correspond à de nombreux autres témoignages sur ce pays ayant quelque 125 kilomètres de côtes méditerranéennes, riche des plus vieilles traditions de l’humanité mais en même temps ouvert et dynamique. 36 communautés religieuses différentes cohabitent à Damas et, comme ailleurs en Syrie, même si les minorités ont parfois eu des craintes quant à leur avenir, le parti Baas est resté attaché à une forme de laïcité qui entendait, au moins, reconnaître à tous les mêmes droits. S’il y a une famille religieuse qui a été en porte-à-faux sous les Assad, père et fils, c’est la communauté majoritaire du pays, les musulmans sunnites.

La Syrie compte 74% de sunnites, 12% d’alaouites, la secte à laquelle appartient la famille El-Assad, 10% de chrétiens, 3% de druzes, le dernier point de pourcentage comprenant diverses dénominations, dont les derniers juifs qui subsistent dans le pays. Si le clan El-Assad a souvent réprimé les revendications des sunnites, dont, en 1982, très violemment, dans le ville de Hama, il a, en revanche, tenté d’amadouer les autres minorités, notamment en jouant sur la peur que ces petits groupes éprouvent face aux courants islamistes, salafistes, etc.

A Bahrein, la population est chiite, alors que le monarque est sunnite, cela ayant pour conséquence que son peuple souhaite le renverser. Dans un monde, du moins au Moyen-Orient, où il est assez courant que les dirigeants légitimes soient de la même confession que la majorité, un nombre important de sunnites syriens veut mettre fin à cette domination politique exercée par les alaouites. Ce qui est, à bien des égards, une conséquence du colonialisme, une séquelle du mandat français au Levant.

Ces derniers jours, c’est surtout au Nord, dans la ville d’Alep, la plus grande ville de Syrie avec ses 2,5 millions d’habitants, que les combats ont été plus intenses. Dans la nuit de samedi à dimanche, les combats entre soldats syriens et rebelles ont provoqué un incendie dans le souk d’Alep, classé au patrimoine mondial de l’humanité, détruisant plusieurs centaines d’échoppes. 

Avant de connaître la présente guerre de tranchées, Alep, note l’Unesco, « a successivement subi la domination des Hittites, des Assyriens, des Akkadiens, des Grecs, des Romains, des Omeyyades, des Ayyoubides, des Mamelouks et des Ottomans qui ont laissé leur empreinte sur la ville. La Citadelle, la Grande Mosquée du XIIe siècle et plusieurs madrasas, palais, khans et bains publics des XVIe et XVIIe siècles composent la trame urbaine cohésive et unique de la ville ».

Ce patrimoine, cette riche mémoire de l’humanité, également ce témoignage d’une longue cohabitation de traditions religieuses différentes sont aujourd’hui menacés. Sans doute ne suffit-il pas de reprocher à la Chine et la Russie d’opposer leur veto, au conseil de sécurité, à une intervention armée pour renverser ce qui reste du régime baas de Bachar El-Assad. Il faut aussi rétablir les conditions d’un dialogue politique entre les parties en présence. Or, tout comme quelques belles pièces de son héritage patrimonial, la Syrie a aussi mis en péril la confiance entre ses citoyens. L’héritage des siècles passés.