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Les dessous de la tournée africaine du Président chinois Hu Jintao

16 février 2009, 01:00

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Les dessous de la tournée africaine du Président chinois Hu Jintao

La tournée du Président de la Chine dans des pays africains, en cette période précise, suscite des interrogations.

L’intérêt de la Chine pour l’Afrique intrigue. De nombreux observateurs ne veulent pas y voir seulement le désir du gouvernement chinois d’offrir de l’aide gratuite afin de soutenir l’Afrique contre la crise. Il n’y a certes pas que des intentions innocentes. La Chine s’est toujours intéressée à l’Afrique. Sa stratégie vers ce continent a pris une nouvelle dimension ces dernières années au point où elle est en train d’écarter les pays européens au premier rang des fournisseurs de l’Afrique.

D’où cette tournée dans des pays africains. A Dakar, avant de venir à Maurice, le Président Hu Jintao a signé un accord d’une valeur de 90 millions de dollars avec le Sénégal. "La Chine tiendra sa promesse faite au sommet Chine-Afrique de Pékin de novembre 2006, et ne réduira pas son aide à l''''Afrique", explique Hu Jintao, cité par l''agence Chine nouvelle.

Hu Jintao ne s’arrête pas à cette seule déclaration. Il pousse la logique plus loin et pose l’image d’une Chine qui devient une référence en Afrique. "La Chine exhortera la communauté internationale à prêter attention aux difficultés créées par la crise en Afrique et à accroître la représentation et la voix de l''Afrique dans le système financier international", déclare-t-il en ce sens. Pour donner plus de poids à son objectif, la Chine n’a pas hésité à annuler la dette de certains pays africains. Dans son plan stratégique concernant l’Afrique pour 2007-2009, elle entendait doubler son aide à l’Afrique.

Derrière cette envolée philanthropique, il y a aussi d’autres éléments à prendre en compte. Les échanges commerciaux entre la Chine et l''Afrique ont été multipliés par dix depuis 2000 pour atteindre 107 milliards de dollars en 2008. Du coup, l’Occident s’énerve. La Chine est critiquée d’entretenir des relations économiques avec des pays africains dont la particularité est d’être gouvernés par des régimes dictatoriaux. En visitant des pays comme le Sénégal et Maurice, à travers sa tournée actuellement, Hu Jintao veut faire la démonstration d’une collaboration avec des Etats qui ont une tradition démocratique. C’est une réponse à l’accusation lancée par les Occidentaux.

Pourtant la visite à Maurice continue à surprendre. Dans sa dernière édition, la publication française Le Figaro pose certaines questions. «C''est sans aucun doute à l''île Maurice que les Chinois surprennent le plus. Dans cette île perdue de l''océan Indien, à 2 300 kilomètres de la côte orientale de l''Afrique, le groupe Tianli va investir 500 millions de dollars pour construire un gigantesque complexe industriel…

Pékin sait ce qu''il fait. Hu Jintao a décidé de lancer trois zones économiques spéciales en Afrique. L''une sera en Zambie pour les métaux que recèle le pays, cuivre, diamants, uranium. Elle assurera un accès facile aux matières premières. L''autre, probablement à Dar es-Salaam, en Tanzanie, deviendra, grâce à son port, une plate-forme d''éclatement des transports dans la région. La troisième, à l''île Maurice, doit devenir un centre entièrement dédié au commerce, sorte de pont entre l''Asie et l''Afrique, chargé de faciliter la circulation des investissements chinois. Trois projets très éloignés des simples préoccupations humanitaires”, écrit, à cet effet, un journaliste du Figaro.

Tianli, la porte d’entrée vers l’Afrique

La visite de Hu Jintao en dit long sur les ambitions de la Chine. «Maurice, de part son positionnement géographique, est importante pour la Chine. Nous sommes en quelque sorte la porte d’entrée de Pékin sur le territoire africain», explique un haut cadre d’une compagnie de transport maritime.

«Il ne faut pas se réjouir trop vite du projet Tianli, car on risque de s’en mordre les doigts à l’avenir. Avec Tianli, les Chinois s’offrent en quelque sorte une méga ambassade, un bout de Chine, aux portes de l’Afrique», ajoute ce haut cadre. Ce projet sera construit par des entreprises chinoises pour des compagnies chinoises. Et, on sait que plusieurs entreprises de construction chinoises sont des corps paraétatiques. En d’autres mots, cela veut dire que tous ces investissements retourneront en Chine. Cette dernière adopte une stratégie très keynésienne.

«Tianli sera une ville privée à Maurice. Une ville dirigée par les Chinois pour des chinois. On ne sait toujours pas comment elle sera gérée. Et c’est toutes ces interrogations qui effraient», confie un fonctionnaire directement concerné par ce dossier. Maurice deviendra un centre entièrement dédié au commerce. Un pont entre l''Asie et l''Afrique qui aura pour mission de faciliter la circulation des investissements chinois.

Le Made in China, destination Afrique

C’est justement vers l’Afrique que la Chine concentre ses efforts. Après s’être fait roulée et exploitée par l’Occident et par le colonialisme, l’Afrique voit en la Chine un ami qui ne lui a jamais fait de mal. Du coup, elle est moins sur ses gardes face à la venue du dragon.

Mais le paradoxe est que l’avenir économique de la Chine dépend de l’Afrique. Pékin absorbe désormais 25 % de tout le cuivre consommé à travers le monde, 40 % du charbon, 35 % de l’acier, 10 % du pétrole et sa demande ne cesse de croître, et 90 % de l’aluminium. Une économie dévoreuse de ressources, qui se trouvent majoritairement en Afrique.

La visite d’Hu Jintao sur le continent africain a sa raison d’être. Il négocie, signe des accords et entretient de bonnes relations avec les dirigeants africains. Puis, il se dirige à Maurice pour visiter le pays qui abritera ses usines. Les produits qui seront fabriqués dans ces usines seront destinés au marché africain. Des produits «made in china qui ne trouvent plus leurs places sur le marché européen.» Ainsi, ils vendront tout ce qui ne peut être vendu en Europe aux «boubous africains»

«Avec Tianli aux portes de l’Afrique, la Chine fait de notre île son usine. Et, délocalise aussi une partie de ses pauvres, qui le sont par faute d’emploi, et tous les problèmes qui vont avec. C’est ce qu’elle a fait au Cambodge, au Viêtnam…», explique un cadre français travaillant à Maurice.

Mais il faut aussi savoir qu’une grande puissance économique ne peut pas être habitée que d’altruisme…