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L’intégralité de l’entretien avec Carrim Currimjee

5 décembre 2008, 20:18

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Carrim Currimjee avance avec les certitudes de son âge. Ce n’est pas un homme qui pontifie, qui sermonne. Chez lui, la parole est prudence. Le directeur de Currimjee Jeewanjee Ltd ne se prive pas pour autant de nous rappeler qu’il est des vérités qui sont immuables. Derrière le cliché qui veut que nous soyons «à la croisée des chemins», il rajoute un adverbe. «Toujours.» On est toujours à la croisée des chemins. On doit continuellement faire des choix. Eternellement dans une vie qui ne l’est pas.

S’installant dans un fauteuil de son bureau, Carrim Currimjee dégage la sérénité d’un homme qui sait que la force est dans ceux qui savent agir sur les événements. Il croit en son pays. Il croit en ses compatriotes. D’une voix claire et posée, il répond aux questions sans précipitation aucune. «Aujourd’hui en 2009, je donnerai une bonne note à Maurice. Nous avons su nous adapter pour faire face aux changements», lance-t-il d’emblée. Il inspire la confiance. Il respire la foi dans son pays.

Cependant, Carrim Currimjee ne fait pas l’économie d’un regard critique sur la société dans laquelle il vit. Il ne souffle pas le chaud et le froid. C’est parce qu’il ne lit pas le monde en noir et en blanc. Il y a chez lui toujours des nuances. Des nuances qui résonnent comme des notes d’espoir. Puisque tout est perfectible, le travail devrait pouvoir faire le reste.

L’essentiel réside donc dans le travail. Il est aussi dans la recherche du consensus et dans la volonté de travailler ensemble. «Au moment d’accéder à l’indépendance, il y avait tant d’incertitudes. La situation politique était très délicate. C’est grâce au dynamisme des Mauriciens, et à la collaboration entre les gouvernements successifs et le secteur privé qu’on a pu atteindre le niveau de développement qui est actuel le nôtre», confie Carrim Currimjee. L’homme a suffisamment voyagé et a été témoin d’époques différentes pour avancer qu’à la différence d’autres anciennes colonies qui se sont refermées sur elles-mêmes ou, pire, se sont lancées dans une logique de revendications, l’île Maurice choisissait, elle, de s’ouvrir au monde. «Enfin, nous avons eu la chance d’avoir comme père de la nation, un homme comme sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR). Ce dernier a su réconcilier les intérêts économiques, sociaux et politiques du pays. Après lui, d’autres dirigeants et gouvernements ont œuvré pour un progrès économique et social qui profite à tous», enchaîne-t-il. Notre interlocuteur se rattrape immédiatement. Il précise qu’il n’aime pas encenser les politiques. Mais s’il cite SSR, c’est parce qu’il est convaincu que la vision du premier Premier ministre de Maurice a permis un développement rapide du pays.

La stabilité politique et un jeu démocratique sain sont des gages d’une société mûre. Une maturité qui s’est vérifiée à chaque fois que le pays a été confronté à des défis majeurs. Le plus récent est l’effacement des régimes préférentiels. Pourtant, insiste Carrim Currimjee, la résilience mauricienne lui autorise tous les espoirs. «C’est cette caractéristique qui nous a permis de développer les piliers économiques les uns après les autres», enchaîne-t-il.

Aujourd’hui, la globalisation revient, selon certains, remettre les choses en question. Un avis qui est partiellement partagé par Carrim Currimjee. Il y a voit aussi une opportunité. «Les crises dues à la mondialisation sont une blessure que nous devrons cautériser. Si on prend les mesures appropriées, il n’y a aucune raison pour qu’il n’y ait pas de guérison. Or, c’est quelque chose que nous avons toujours su faire», rappelle-t-il. Et de faire allusion au pragmatisme économique des dirigeants politiques mauriciens. C’est ainsi qu’un gouvernement travailliste au temps de l’indépendance, pourtant gauchisant, n’hésitait pas à enlever les taxes pour encourager l’investissement.

Si au plan économique, tous les espoirs sont permis, par contre, il reste beaucoup à faire aux plans social et environnemental. «Il faut se montrer plus ambitieux sur ces questions. Il importe de développer la responsabilité individuelle. L’Etat doit pouvoir mieux communiquer ses décisions pour dégager le sens de l’adhésion. De la même manière, la sécurité publique est un impératif incontournable. Nous sommes un pays ouvert aux touristes et aux étrangers. Nous avons le devoir autant envers eux qu’envers nos concitoyens à garantir la sécurité publique. C’est notre atout de préserver l’image d’une île paisible et hospitalière», souligne le directeur de Currimjee Jeewanjee.

C’est en éclairant l’avenir avec les lumières du passé que Carrim Currimjee trouve la force de croire en son pays. Il la sait suffisamment équipée pour affronter les difficultés. Mais il ne cesse de le rappeler: il faut rester lucide et s’employer à mettre son énergie au service de son pays.