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Mahmood Shamtally : Une vie à l’anglaise

20 août 2009, 00:00

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Mahmood Shamtally : Une vie à l’anglaise

Cela fait près de 40 ans que Mahmood Shamtally vit en Angleterre. Son pays d’adoption est devenu son «chez lui», mais Maurice garde toujours une place dans le coeur de ce Mauricien d’ailleurs. Au fond, l’Angleterre est aussi la terre de sa réussite.

Il fait partie de ces Mauriciens de l’étranger qui ont su à la fois s’intégrer totalement à leur pays d’accueil, sans jamais renier le lien filial à l’île-mère. Mahmood Shamtally a «adopté le style de vie britannique». Il ne s’en cache pas. Il est en même plutôt fier.

Trente neuf ans à travailler dur pour «réussir». Une obsession que tant d’autres Mauriciens avaient en quittant le pays dans les années 1970. Aujourd’hui, Mahmood Shamtally se targue d’être, sinon un exemple, au moins la preuve que tout est possible. A force de travail, de persévérance, et «d’une dose de chance», reconnaît ce professionnel de la psychiatrie.

Peu de temps après son arrivée en Angleterre, Mahmood Shamtally délaisse son prénom. Il opte pour «Danny». Ne nous y trompons pas, aucune honte, aucun rejet. Plutôt une volonté de s’intégrer coûte que coûte. «Je l’ai fait pour prendre de l’emploi en tant qu’infirmier», plaide tout simplement, d’une voix calme, Mahmood Shamtally. Pourtant, «je ne peux pas dire que j’ai souffert de discrimination, j’ai adopté le style de vie britannique, sans jamais perdre de vue mes valeurs, celles qui m’ont été inculquées par mes parents. J’ai aussi épousé les valeurs et la culture du pays que je me suis choisi».

Homme multiple, pourrait-on dire de Mahmood Shamtally, lui qui revendique sa filiation mauricienne, qui aime «la France, et les éléments de cette culture qui nous imprègnent aussi à Maurice » – et surtout dans le sud de ce pays où il possède une maison, et qui s’est ouvert à l’Asie grâce à sa femme, d’origine philippine, qu’il a épousée en 1973. Mahmood Shamtally est un melting-pot à lui-seul. Il puise dans cette richesse culturelle des clés de compréhension, des valeurs d’ouverture et d’écoute. Sans conteste, cela l’a aidé à s’épanouir dans sa carrière.

En quittant l’île en 1970, «après que mes parents ont surmonté maintes difficultés pour réunir l’argent nécessaire», confie presque ému ce quinquagénaire, il était loin de se douter «vers quel chemin le conduirait son destin». En cela, il s’efface quelque peu dans sa réussite, parlant davantage du soutien de sa femme, elle aussi infirmière, de ses rencontres, des étapes qui lui ont permis d’avancer en se familiarisant toujours plus avec «la psychiatrie, un domaine qu’on ne connaissait pas à Maurice, en pleine évolution à cette époque, un domaine de la médecine dans lequel l’individu est le premier élément à prendre en compte».

«J’ai eu la chance de faire mon apprentissage au Belmont Hospital, dans le Surrey. On y appliquait une méthode progressive ce qui en faisait un établissement à la pointe de la médecine psychiatrique », se souvient, le ton ferme, comme pour convaincre, cet habitant du Surrey. «Je suis certain que le fait d’avoir choisi cette filière de la médecine m’a aidé à mieux comprendre la nature humaine, à être vraiment à l’écoute.» Et cela se sent. Mahmood Shamtally dégage une sérénité et un calme olympiens. Bien que dynamique, il n’est pas de ceux qui brassent du vent, qui multiplient les gestes. Il prend le temps. L’infirmier qu’il était s’est mu en chef d’entreprise. Mais cela, il ne saurait le dire ainsi. Il reste dans le médical, dans l’assistance à la personne, «ce n’est pas qu’un business, c’est un service, une aide», insiste-t-il. Pour ce faire, Mahmood Shamtally a complété sa formation initiale par des diplômes de management, de Com munity Work, et d’études socio-légales.

En 1983, le couple Shamtally quitte le milieu hospitalier public pour lancer «la première Care Home spécialisée dans la psychiatrie, nous avons été des pionniers dans le privé», précise-t-il non sans fierté. Au début, «Nous devions compter sur nos expériences préalables dans le milieu hopsitalier public, mais très rapidement nous avons pu compter sur le soutien de médecins et autres professionnels qui croyaient dans notre projet d’autant que nous répondions aux besoins des patients d’une manière plus personnalisée. Ces derniers se sentaient mieux dans ce type de structure.»

Tout n’a pas été rose cependant. «Il a fallu s’accrocher, nous avons commencé sans rien, mais on croyait dans notre projet. Le Financial Times s’est même intéressé à notre parcours en 1990 car nous avons, en quelque sorte, ouvert une voie. En parallèle de ce travail très prenant, nous nous sommes évertués à consacrer du temps à nos enfants, Reza et Natacha.

Aujourd’hui, mon plus grand bonheur est que mon fils nous a donné notre premier petit-fils.» Soucieux de rendre un peu de ce qu’il estime avoir reçu, du moins de la chance qu’il a su saisir, Mahmood Shamtally a rejoint le Rotary Club de Reigate. «J’y ai dirigé plusieurs comités, et depuis le 1er juillet j’en suis le président », explique-t-il.

Forcément, c’est dans le domaine de la santé qu’il fait beaucoup, notamment à destination des jeunes. Mahmood Shamtally cultive le goût de l’avancement. Ambitieux, parce qu’il veut «faire toujours plus», il espère «aller plus loin dans mon engagement rotarien à l’échelle du district et pourquoi pas à l’échelle internationale un jour», plaisante-t-il.

Mahmod Shamtally ne pense pas être une exception. Selon lui, il y a de nombreux Mauriciens qui ont réussi, qui ont su démontrer leurs talents et leurs qualité parce que le Mauricien «est un homme d’ouverture, qui sait s’intégrer, travaille dur, sans renier son passé et ses origines». Pour l’heure,

Mahmood Shamtally espère que ses enfants et petits-enfants prendront la relève, et qui sait, s’investiront autant que lui dans le social, et pourquoi pas dans la politique, un domaine dans lequel il s’est aussi engagé en tant que membre du comité politique local du parti Conservateur. Décidément, Mahmood Shamtally a bel et bien adopté le style vie britannique.

Gilles RIBOUET
(Source : L’express quotidien)