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Manière de voir

27 septembre 2010, 00:00

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Manière de voir

Vu le titre, on suppose que c’était voulu, la Walt Disney Pictures étant co-productrice du film : une séquence dans laquelle l’apprenti sorcier (Jay Baruchel) n’arrive plus à contrôler les balais, brosses et serpillières auxquels il a donné vie afin qu’ils nettoient d’eux-mêmes l’entrepôt qui lui sert de logis.

Le passage est directement inspiré de Fantasia, le célèbre dessin animé de 1940, à moins qu’il ne s’agisse d’un hommage. Dans lequel cas, si le jeune héros interprété par Jay Baruchel remplace assez bien Mickey, la partition n’est pas tout à fait celle de Paul Dukas et la direction d’orchestre n’est pas aussi inspirée que celle du grand Leopold Stockowski.

On pourra d’ailleurs se demander si le jeune public de 10-15 ans auquel est destiné L’Apprenti Sorcier sera en mesure d’identifier ce genre de référence. Notre époque étant celle du divertissement sans substance et vite consommé, celui-ci (ce jeune public) sera davantage attiré par les effets spéciaux à grands coups d’imagerie numérique qui sont la marque de fabrique de l’autre société co-productrice de ce film : la Jerry Bruckheimer Films. Un dragon chinois dans une fête en plein Chinatown de New York se transforme en véritable dragon causant d’effroyables dégâts, une tête d’aigle en métal ornant le haut du Chrysler Building se transforme en aigle en métal, des magiciens qui se battent à grands coups de boules d’électricité statique, des mondes où tout est à l’envers de l’autre côté des miroirs, etc. Autant de moments divertissants d’un spectacle bon enfant mis en scène par John Turteltaub à qui nous devons également les aventures de Benjamin Gates.

Autrement, L’Apprenti Sorcier est encore un de ces films dans lesquels quelqu’un dit au héros : «… surtout, ne touche à rien !» Et, l’instant d’après, le jeune héros touche justement l’objet dont il était censé se tenir loin, le renverse et l’ouvre, libérant ainsi les catastrophes qui seront le prétexte des scènes d’action. Mieux encore : en voulant mettre hors-circuit la sorcière Morgane/Alice Krige qui a tué son maître Merlin et qui est retenue dans le corps de sa bien-aimée (Monica Bellucci), Nicolas Cage, alias Balthazar Blake, parcourt le monde durant mille ans à la recherche du digne successeur de Merlin. Et, il fi nit par le trouver. Où ? A New York, évidemment ! Tout aussi évidemment, l’élu, le seul à même de combattre Morgane, est un brave garçon mais du genre timoré et un peu maladroit, même s’il est très intelligent. Et, il est amoureux d’une jeune fille qu’il n’ose pas aborder.

Il est presque touchant de voir à quel point dans ce genre de film, tout ce qui pourrait prêter à controverse est évacué au profit du consensuel. Les producteurs de L’Apprenti Sorcier ont tenu à réconcilier amateurs de fantastique, de films d’action, de comédies romantiques, etc. Ils ont même tenu à réconcilier magie et science, expliquant l’une par l’autre à travers le héros, étudiant en physique (par des inepties du genre «nous n’utilisons que 10% de notre cerveau… » malheureusement).

A force de vouloir à tout prix verser dans le consensus, le film finit par ne plus avoir grand-chose à raconter.

Nicolas Cage et Jay Baruchel s’en tirent plutôt bien dans leurs personnages respectifs et Alfred Molina est des plus convaincants en méchant. Mais force est de reconnaître que les autres ne font que de la figuration, que nous n’avons qu’un sujet au lieu d’un récit, des numéros d’imagerie numérique à la place d’une véritable action, une «accroche» pour une suite à la place d’une conclusion… et qu’en conclusion, tout cela manque singulièrement de magie.

 

G. N