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Marie-Louise Potter : « Le problème des femmes, ce n’est pas les hommes »

4 juillet 2010, 08:24

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La Chief Government Whip aux Seychelles  revient sur la situation des femmes en politique .

Quelles sont les retombées de l’atelier de la Commission de l’océan Indien (COI) ?

Nous avons eu des échanges avec plusieurs participants de Maurice, de Rodrigues, des  Seychelles, des Comores et de la Réunion. Le but est de créer un réseau régional et d’élaborer un plan d’action pour encourager les femmes à faire de la politique. Il est aussi question de défi nir
des lois pour rendre la participation des femmes en politique obligatoire.

Une législation est-elle vraiment nécessaire ?

Nous devons être prudents. Si un droit, une liberté existe déjà, ce n’est pas la peine de l’imposer avec une loi. Cela pourrait avoir l’effet contraire et décourager les femmes à s’intéresser à la politique. La persuasion, l’éducation, la sensibilisation sont les moyens de toucher plus de femmes.

Comment êtes-vous tombée dans la politique ?

Depuis mon adolescence, je me rendais aux manifestations, je suivais la lutte pour l’indépendance de mon pays. Mes parents étaient militants. Je m’identifiais aux valeurs prônées par la Seychelles People’s United Party d’Albert René, axées sur la justice, l’égalité et l’élimination de la pauvreté.
A 18 ans, j’ai intégré le parti. Entre-temps, j’ai étudié pour devenir enseignante, puis je suis partie à Cuba pour étudier les Sciences Politiques. En 1993, j’ai été candidate aux élections et j’ai été élue. A l’époque, j’étais mariée et j’avais trois enfants. Ce n’était pas facile de tout conjuguer mais j’avais senti cet appel. Je voulais construire pour le peuple, être un porte-voix pour les sans-voix. J’ai été à nouveau élue en 1998. Puis en 2002 j’ai fait une pause pour me consacrer à ma famille. En 2007, j’ai été nommée par le président pour être Leader of Government Business (équivalent de Leader of the House à Maurice), Leader of the Majority Party et Chief  overnment Whip. Ma responsabilité est de défendre les projets de lois et de présenter l’agenda des ministres et du président et d’obtenir une majorité de votes.

Quelles ont été les difficultés en cours de route ?

Quand on entre dans ce monde, on réalise les vrais besoins des gens. Un politicien doit s’adapter à tout cela et aussi être prêt à exposer sa vie. Je me souviens d’une première fonction répercutée dans la presse sous forme de caricature. En voyant cela, je voulais presque commettre un suicide !
Aujourd’hui, j’en ris ! La difficulté, c’est de s’adapter, de comprendre que votre vie sera portée sur la place publique. Le terrain, c’est la plus grande université politique. Et au fil de mon  expérience, j’ai retenu des leçons.

Lesquelles ?

Premièrement, j’ai compris que la politique est très dure. Seules les  personnes solides peuvent survivre. Il ne suffi t pas d’avoir ses convictions mais il faut être fort moralement et émotionnellement. Il faut être un fighter ! En politique, on est entouré de faux amis et de quelques véritables ennemis. C’est la loi du plus fort.

Revenons à l’atelier. On dit souvent que la faible représentation des femmes en politique découle du fait que les hommes leur barrent la route. Votre sentiment ?

Le problème des femmes, ce n’est pas les hommes. Mwa mo pa kass latet ar zom. Si li lor mo semin, mo pou ale, mo pou kil li, mo pa depasse li ! Fode pa pense ki se parski nu mett ene robe ki nu pa bizin fer politik. Nu bizin fer li parski nu krwar ladan. La faible représentation des femmes est un fait. Aux Seychelles, par exemple, en 1993 et 1998, ce taux était de 28 à 30 %, en 2002, 25 % et en 2006, 23 %. Les raisons derrière cela ? Les femmes ne veulent pas intégrer la politique, car elles pensent que c’est un Male’s world. C’est prenant. En politique, il ne faut pas prétendre être ce que l’on n’est pas ! N’importe qui le détectera. Un autre facteur est la famille, qui peut souffrir ou être brisée par la politique lorsque la femme intègre ce monde.

Ces barrières sont-elles universelles ?

Aux Seychelles, aux Etats-Unis, entre autres pays, les obstacles sont les mêmes. Cela dit à Maurice, je pense qu’il y a les pressions culturelles et religieuses. Ici, je sens que la femme est plus cantonnée à son petit cocon où elle doit nettoyer, cuisiner, baigne piti. Il est vrai qu’il y a aussi eu une évolution. Les femmes travaillent et contribuent à l’économie, comme les hommes. C’est pour cela qu’elles doivent aussi aspirer à entrer en politique.

Les initiatives pour encourager les femmes à faire de la politique se multiplient. Est-ce beaucoup de bruit pour rien ou l’ombre d’un espoir ?

Je sens qu’il y a des femmes prêtes à se battre pour aboutir à un résultat. Mais les premiers  constats nous montrent que le progrès est très lent ! La politique est une noble mission, qui suscite beaucoup de persévérance. Il faut que les femmes qui sont déjà en politique inspirent les aspirantes. Cela les aidera à se défaire de leurs craintes et les exposera à une vision réaliste du monde politique. Notre objectif est toujours d’avoir plus de femmes en politique car il y va de l’avenir de nos enfants, des nouvelles générations.

Propos recueillis par Melhia Bissire (L''Express Dimanche)