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Marie-Michèle Hypolite, enseignante au Collège St-Esprit-Rivière-Noire

16 novembre 2012, 07:36

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Marie- Michèle Hypolite, on vous voit souvent, sac en bandoulière, bandana sur la tête, prêtant main forte aux organisateurs d’activités sociales dans la région de Tamarin et de Rivière- Noire. Vous faites quoi au juste ?

J’habite Tamarin après avoir passé toute mon enfance à la cité EDC de Rivière- Noire dans une famille nombreuse.

Lorsque vous vivez dans la misère et que vous la côtoyez quotidiennement, vous ne pouvez pas rester sensible à cet état de chose et au fur et à mesure que vous grandissez vous essayez d’en comprendre les raisons.

Pourquoi on devient prisonnier de ce cycle infernal qu’est la misère.

Lorsque j’étais petite, j’ai été témoin de l’esprit de partage et d’entraide dont faisaient preuve mes voisins, à l’égard de certaines personnes bien qu’ils n’arrivent pas eux- mêmes à joindre les deux bouts.

C’est à partir de là que tout a commencé pour moi. Je me suis dis que je pourrais apporter ma contribution, aussi minime soit- elle, pour aider mon entourage dans la mesure du possible.

C’est pour cette raison que vous me voyez toujours présente dans des activités sociales pour proposer mon aide là où je pourrais être utile.

Vous êtes détentrice d’un diplôme en sciences et biologie et enseignez vous ces deux matières au collège St- Esprit de Rivière- Noire. Racontez- nous votre parcours.

J’ai passé mes premières années scolaires sur les banc de l’école primaire de Rivière- Noire. Ayant été classée parmi les dix premiers élèves, j’ai pu trouver une place dans le collège d’Etat Swami Sivananda à Bambous. J’y étais de 1991 à 1998. Chose qui était très rare à l’époque pour quelqu’une qui fréquentait une école de Rivière- Noire.

Et comment cela s’est passé ?

( Long soupir) . J’ai vécu pendant six ans des moments difficiles. Je subissais des commentaires désobligeants.

J’ai beaucoup pleuré.

Mais je dois dire que j’étais bien soutenue par les prof de l’école.

Il y a une chose que je dois toutefois préciser : ces commentaires venaient d’élèves de toutes les communautés.

Indistinctement.

Et vous revivez encore ces moments ?

Oui, malheureusement. Les préjugés sont encore tenaces. Des fois lorsque certaines personnes me croisent sur l’arrêt d’autobus ou sur la route à Tamarin ou à Rivière- Noire, Ils me demandent souvent : Kot qui madame ou travail dans Tamarin ? C’est pour vous dire à quel point on vous juge encore sur votre apparence physique. C’est bien dommage. Mais s’il a une chose qui me console aujourd’hui, y ce sont les sincères excuses que ces anciens élèves de ce collège m’envoient par courrier électronique pour me demander de leur pardonner leur comportement incorrect à mon égard.

Vous leur pardonnez ?

Oui. Même si les blessures sont encore douloureuses. Je lance un appel aux jeunes surtout pour ne plus avoir de tels préjugés.

Nous, Mauriciens, nous sommes beaux dans nos différences.

Malgré ce pénible passage vous avez réussi à obtenir vos diplômes en biologie et sciences à l’Université de Maurice et aller en Angleterre pour une formation plus poussée sur les « Endangered Species » . Grâce à la « Mauritius Wildlife Foundation » , vous avez obtenu votre « Teaching Licence » et vous enseignez au collège du Saint- Eesprit de Rivière- Noire.

Le chemin que j’ai parcouru depuis mon enfance avec un père pêcheur et une mère femme de ménage entourés de huit enfants, était parsemé d’embuches.

C’est peut- être cela qui m’a forgé un caractère de battante. Je n’ai jamais baissé les bras. J’avais pris le pari de me relever pour réussir dans la vie. Je suis satisfaite d’avoir pu guider non seulement mes deux enfants dans la vie mais conseiller au mieux les élèves du collège.

Je leur conseille toujours d’apprendre, d’apprendre, d’apprendre encore car c’est le seul moyen de sortir de la misère et de se faire respecter dans une société où la compétition devient de plus en plus féroce.

Ils suivent vos conseils ?

Certains font beaucoup d’efforts pour réussir tandis que d’autres se heurtent à des obstacles.

Par exemple ?

Ils n’ont malheureusement pas d’accès à la librairie où il y a des livres écrits par des auteurs anglais, un sujet pour lequel des élèves éprouvent encore beaucoup de diffi cultés. De telles situations à mon avis poussent inexorablement vers le fatalisme.

Des exemples comme le mien ne manquent pas à Rivière- Noire. Je vous en cite un, le plus fl agrant. Nous avons un nombre d’élèves plus conséquent dans notre établissement scolaire par rapport au collège d’Etat de La Gaulette qui se trouve à quelques mètres de chez nous. Nos élèves tout comme ceux du collège de La Gaulette doivent en toute logique bénéfi cier des mêmes facilités de transport mises à leur disposition par l’Etat, le matins et l’après- midi.

Or, que se passe- t- il actuellement ? Une bonne partie de nos élèves doivent attendre longtemps avant d’arriver à l’école le matin et pour rentrer chez eux l’après- midi.

Pour quelle raison ?

Je vous laisse deviner. Comment voulez- vous que tous ces facteurs ne contribuent pas à pousser les gens vers la fatalité.

Tomber dans la fatalité n’est- ce pas une façon subtile de chercher de l’assistance en permanence.

Je dis pas le contraire. c’est bien vrai. Mais je crois que le gouvernement a le devoir de mettre ses citoyens sur le même pied d’égalité.

Regardez le village de Rivière- Noire. Je ne me rappelle pas que le gouvernement ait annoncé un projet de logement pour les habitants de la région. Les gens vivent dans la promiscuité la plus totale. Les enfants grandissent dans ce milieu. Rivière- Noire est devenue une marmite à pression qui explosera un jour « if we don’t take care » .
 

Propos receuillis par Jocelyn ROSE