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Mario Serviable : «Le refus d’extension des villes fut un enjeu électoral»

19 mai 2011, 10:17

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La réforme des collectivités locales devrait, après quelques retouches, être soumise au Parlement. Quel regard portez-vous sur l’évolution des collectivités locales mauriciennes ? Les villes de l’intérieur ont gagné en fonctionnalités sans ravir totalement à Port-Louis le statut de pôle centralisateur...

Les villes de l’intérieur, en altitude, ont été des villes-refuges contre les épidémies meurtrières et récurrentes du XIXe siècle à Port-Louis et sur le littoral chaud et humide : choléra, malaria, peste. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il faut replacer, pour rappel, l’action du père Laval, arrivé en 1841, auprès des Noirs. Son action est d’abord médicale avant d’être religieuse.

Pour en revenir aux villes de l’intérieur, elles se transforment ensuite en des villes-dortoirs desservies par le train qui amène les gens à Port-Louis pour travailler. L’évolution économique et sociale se lit, par la suite, dans le visage de ces villes qui deviennent des villes-statut pour la nouvelle classe moyenne des campagnes afin qu’elle affiche sa réussite sociale. L’évolution des villes témoigne des changements économiques et sociologiques du pays.

La dépendance, politique et financière, au ministère des Administrations régionales limite-t-elle la définition d’une politique de la Ville forte et cohérente ?

L’Etat centralisateur est un héritage colonial au sens historique du terme. Le refus d’extension de l’urbanisation fut longtemps un enjeu électoral, dispensant un segment de la population de «taxes urbaines». Il n’y a pas de développement local. J’entends par là une définition des priorités et des solutions au plus près des personnes et des problèmes. Il n’y a pas non plus de politique de la ville, mais plutôt de l’aménagement du territoire avec l’unicité du centre de commandement.

Onze villages devraient accéder au statut de municipalité. Les cinq municipalités existantes deviendront des «Cities» avec un lord-maire. Quels bouleversements devraient accompagner le changement de statut (décentralisation et déconcentration effectives, autonomie financière, élargissement de l’assiette fiscale locale...) ?

Le changement de statut peut conduire à une meilleure qualité du service public, avec plus de proximité. Il créera plus d’emplois publics tertiaires, peut enlever des routes congestionnées une partie des travailleurs en les «fixant» dans les territoires et a un effet d’entraînement sur les économies locales. L’autonomie financière de ces nouvelles collectivités dépend de la dotation gouvernementale ou de la fiscalité locale.

La distinction ville-campagne est-elle appelée à s’amenuiser à mesure que les modes de vie urbains gagnent le milieu rural ? Faut-il penser toute l’île Maurice comme une ville ?

L’opposition ville-campagne dans un pays agricole est nette sur le parcellaire et souhaitable dans une stratégie d’aménagement du territoire. Cela protège les terres agricoles et les paysages. Le tout-urbain modifie les données pour l’agriculture et le tourisme.

En quoi les réformes des collectivités peuvent-elles améliorer la démocratie locale ? N’y a-t-il pas le risque d’une superposition d’échelons et donc de bureaucraties lourdes ?

La nouvelle organisation administrative territoriale doit s’accompagner d’une déconcentration, c’est-à-dire la présence de l’Etat dans les territoires locaux, et d’une décentralisation, soit le transfert d’une partie des prérogatives régaliennes de l’Etat aux collectivités. Sinon, la bureaucratie prend en effet le pas sur la démocratie.

Ebène est sortie de terre, Highlands a été remisée au placard. Comment la création de villes, proches dans ce cas de la conurbation, peut-elle rééquilibrer le territoire, réorganiser les flux ?

Aménager l’espace n’est pas faire la première place à l’homme. Il faut d’abord faire la part de l’eau, source de vie et de mort : éviter et respecter les talwegs []NdlR : lignes au fond d’une vallée, suivant lesquelles se dirigent les eaux], entretenir le cheminement de l’eau vers la mer et traiter les eaux usées. C’est par là qu’il faut commencer.

 

Entretien réalisé par Gilles Ribouët
(Source : l’express iD)

Gilles Ribout