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Maurice Lam : «Produisons en Afrique pour vendre à Maurice

20 mars 2012, 12:47

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Le président du Board of Investment  énumère les mesures à prendre pour faire de Maurice la plateforme d’affaires de la région.

? Le «Foreign Direct Investment» (FDI) a chuté lourdement en 2011. Que fera le BOI pour corriger le tir ?

Cette baisse m’interpelle. Le FDI est passé à Rs 9,4 milliards en 2011, contre Rs 13,9 milliards en 2010. C’est une remise en question de ce que fait, et ne fait pas, le BOI.

Nous avons élaboré une nouvelle stratégie qui devrait nous permettre de nous recentrer. Elle ne devrait pas s’apparenter à l’approche d’un tireur à la mitraillette, mais plutôt à celle d’un tireur d’élite.

Nous comptons adopter une approche plus ciblée, car nous avons identifié les créneaux porteurs existants et d’avenir pour attirer de nouveaux investissements.

? Et quelles sont les actions envisagées ?

Prenons le tourisme, par exemple. Il faut trouver des investisseurs pour toute la chaîne de l’industrie touristique. Il n’y a pas seulement les hôtels, mais aussi l’aviation. Nous allons encourager l’implantation à Maurice d’une autre compagnie aérienne. Cela peut être une compagnie mauricienne, une joint-venture avec des étrangers, ou encore une compagnie étrangère en joint venture avec des Mauriciens.

Nous avons besoin d’investisseurs, car, par exemple, Air Mauritius ne dessert pas toutes les villes africaines.

? N’est-ce pas entrer en compétition directe avec «Air Mauritius», qui est déjà dans une mauvaise posture ?

Pourquoi pas ? Il faut une connectivité aérienne élargie, notamment au niveau de la région. Nous avons besoin d’opérateurs qui peuvent assurer des vols quotidiens avec Johannesbourg, Madagascar, Maputo, Lusaka, Entebbe et même Mumbai. Ces vols quotidiens sont essentiels si
nous voulons que Maurice soit la plateforme d’affaires de la région. Et ces vols ne devraient pas dépasser cinq heures. Les hommes d’affaires ont besoin de prendre l’avion le matin et de rentrer le soir.

Il faut également qu’à partir de Maurice, ils puissent être connectés à des vols à destination d’Asie, par exemple.

? La nouvelle compagnie pourrait être un «low-cost» ?

Certainement. Le low-cost prend de l’ampleur ailleurs et crée beaucoup de trafic. Imaginons qu’on puisse prendre un vol low-cost de Johannesbourg vers Maurice, puis de Maurice vers l’Asie. Cela devrait avoir un impact considérable sur la création d’emplois.

La nouvelle compagnie pourrait également louer ou affréter des avions. Il y a beaucoup d’économies émergentes en Afrique et, à partir de là, il y a une nouvelle classe moyenne qui va naître. Si les prix des billets sont abordables, les gens voudront voyager.

Pour les courriers courts, cela devrait marcher.

? La restructuration des dessertes de MK a-telle laissé un vide ?

Oui. C’est un vide qu’il faut remplir, surtout pour les courriers courts.

? C’est peut-être aussi un moyen d’exploiter au maximum le nouvel aéroport de Plaisance…

Le nouvel aéroport devrait être un hub. Imaginez que des gens viennent du Kenya, d’Ouganda ou de Madagascar et qu’ils puissent avoir des connexions vers l’Asie. Ces gens feront escale à Plaisance pour prendre leurs correspondances.

Ils pourront alors prendre les vols d’Air Mauritius à destination de l’Inde ou d’autres pays. Actuellement, c’est à Johannesbourg que les passagers régionaux se rendent pour prendre l’avion vers l’Asie.

? Faut-il élargir l’offre touristique pour attirer des investissements ?

Il faut miser sur l’arrière pays, la nature, la culture. Maurice, c’est le lieu de rencontre entre la culture asiatique, africaine et européenne.

Pourquoi ne pas encourager le développement d’un nouvel espace culturel et artistique ?

Imaginez que l’on puisse tenir, chaque année, une semaine de la culture afro-asiatique, avec les danses, la musique, le théâtre, la mode, la peinture.

Pour que cela se réalise, il faut un centre de culture, un théâtre, une salle d’exposition, un musée d’art contemporain d’Afrique et d’Asie. Tout cela demande des investissements, avec des opérateurs qui s’y connaissent. Il faut élargir l’offre touristique et exploiter ce que nous avons.

? En ce qui concerne le secteur ICT/BPO, comment comptez-vous attirer des investissements ?

Il y a beaucoup à faire. Nous montons en gamme et il faut aider les entreprises existantes à continuer à le faire en augmentant la plus-value des services proposés.

Il faut aussi que ces entreprises élargissent leurs offres.

Les possibilités existent avec les analyses financières, la collecte des dettes, les traitements comptables et les services légaux. Avec notre système juridique, Maurice peut devenir un centre de services juridiques pour l’Afrique anglophone et francophone, notre bilinguisme aidant. Nous avons
aussi une Arbitration Court.

Il faudra arriver à persuader des entreprises opérant en Afrique de mettre, dans leurs contrats, que «the law of Mauritius applies» pour le règlement des litiges commerciaux. Nous avons ces avantages et nous ne les exploitons pas assez.

Il y a aussi des possibilités énormes dans les soins, les services de santé et les services fi nanciers. Le BOI pousse dans cette direction. Maurice est un centre de Trade Financing pour les importations et les exportations en Afrique, et nous pouvons aspirer à devenir un centre pour la levée de capitaux pour le financement des projets en Afrique.

? Quid des développements dans le secteur du «Seafood» ?

Il faudra plutôt parler des activités économiques liées à la mer, plutôt que du Seafood. Maurice dispose d’une très vaste zone économique exclusive.

Mais nous faisons un peu de pêche et c’est tout. Nous n’exploitons pas assez la mer autour de nous. Il faudra encourager le Chantier naval de l’océan Indien, par exemple, à construire des bateaux de plaisance et des yachts. Il nous faut penser à la création d’une école de voile et de pilotage d’hydravions.

Développons des marinas, attirons des voiliers.

Il faut changer le mindset du Mauricien. Il faut voir les possibilités là où on croit qu’elles n’existent pas. Il faut aussi un changement de mindset pour l’industrie manufacturière.

? Que voulez-vous dire par «un changement de mind set» ?

Contre vents et marées, malgré la concurrence internationale, l’industrie manufacturière mauricienne, tant pour le marché local que l’exportation, s’est bien comportée. Mais nous avons un désavantage au niveau de l’économie d’échelle.

Les industries qui sont des championnes dans leurs domaines respectifs doivent se projeter dans la région.

Prenons Apple, par exemple.

Il conçoit ses produits en Californie, mais la fabrication se fait en Chine ou ailleurs. Il est temps que les entrepreneurs mauriciens pensent à fabriquer leurs produits en Afrique afin de bénéficier de l’économie d’échelle. Ils pourront fabriquer à meilleur marché et les écouler sur le marché mauricien.

Ils doivent sortir de leur esprit qu’il leur faut produire à Maurice. La conception et le design peuvent se faire à Maurice. Cela apportera de la valeur ajoutée.

En ce qui concerne la Health Care Industry, il y a eu des efforts pour attirer davantage d’investissements. Apollo Bramwell et Fortis-Darné sont venus et nous allons attirer d’autres opérateurs. Il faudra encourager la formation d’infirmiers et de médecins venant d’Afrique. Aujourd’hui, l’Afrique souffre d’un manque de médecins et d’infirmiers.

 

Alain BARB