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Me Maneesh Gobin : «Le citoyen se heurte à un mur de silence de la part du fonctionnaire»

29 mai 2011, 11:43

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L’homme de loi s’élève contre l’impossibilité pour les citoyens d’être soutenus par les services de l’État. Il commente aussi la manière dont les grands pays, dont les États-Unis, malmènent le droit international.

Très souvent les simples citoyens n’ont d’autres recours que, par exemple, Enquête en direct sur Radio One pour résoudre leurs problèmes. N’est-ce pas un signe de l’insuffisance de relais légaux pour ceux qui n’en ont pas les moyens?

D’accord à 100% ! Le citoyen n’a pas accès à l’information. Le citoyen, quand on écoute ces émissions, demande, dans la grosse majorité des cas, à savoir où en est leur demande de pension, de permis ou tout simplement à quelle porte frapper pour telle ou telle autorisation administrative. Le citoyen est perdu. Il n’a pas accès à l’information. Il se heurte à un mur de silence de la part du fonctionnaire. Comme l’a si bien dit Geoffrey Robertson, en parlant de son pays, «Secrecy is the British disease and the civil servant catches it from the Official Secrets Act». Ce «disease» s’est exporté à Maurice aussi ! Ce disease existe à Maurice depuis les temps de la colonisation anglaise et doit être éradiqué ! Il faut que le fonctionnaire de l’État et du service parapublic comprenne qu’il est là pour un service – le public service. À quand notre Freedom of Information Act ? Si un pays comme l’Inde, avec un milliard d’individus, arrive à faire marcher un système de “Right to Information” depuis 2005 alors pourquoi Maurice traîne les pieds ? Faut-il un expert étranger pour cela ? Demandons à l’Inde, notre grand frère, de nous envoyer cet expert s’il le faut, mais il faut get the job done une fois pour toutes. Vous vous rendez compte qu’on nous parle de Freedom of Information Act depuis 1995 ?

À propos de transparence, comment s’assurer que l’offshore mauricien ne sert à financer les organisations criminelles et terroristes?

Les offshore jurisdictions comme Maurice se doivent une vigilance constante et sans faille concernant l’argent sale. Cette vigilance doit commencer au niveau des autorités régulatrices telles la Financial Services Commission et la Bank Of Mauritius. Mais les Management Companies sont tout aussi bien les gate keepers. De par leur nombre, maintenant quelque 148, elles sont les mieux placées pour assurer ce rôle de gate keeper – et la Financial Services Commission et la Banque de Maurice sont les watch dogs de ces gate keepers. Mais quand je constate que la FSC a été décapitée et cela depuis plusieurs mois déjà. Alors, là, je ne comprends pas… Et je trouve incroyable que certains pensent même à fusionner la FSC et la Banque centrale en un mastodonte !

Selon Noam Chomsky, l’attaque contre Ben Laden viole le droit international. Peut-on dire que les USA ont fini par ne plus respecter les principes démocratiques, comme Al Qu’aida?

Les Etats-Unis ont fait de Ben Laden un ennemi d’Etat. Cet individu représentait pour les Etats-Unis une menace certaine à leurs intérêts en tant qu’Etat et à leur sécurité intérieure, une menace pour les citoyens américains. L’équation est donc fort simple : tout ce qui est une menace certaine pour les Etats-Unis passe à la trappe ! «L’attaque» était du point de vie des Etats-Unis une action visant à «protéger» les Etats-Unis et ses intérêts !

Cette «action», ou, pour citer des élus au Congrès à Washington, «the incident», choque beaucoup les esprits des observateurs à travers le monde parce qu’elle s’est produite sur le sol d’un pays étranger et parce que cela ressemble plutôt à une shoot at sight mission.

Des cas “d’arrestation extraterritoriale” ont bel et bien eu lieu dans le passé, c’est-à-dire dans des cas où les agents d’un pays entrent sur le territoire d’un autre pays pour effectuer une “arrestation” d’un suspect “manu militari” au lieu de passer par les filières plus “normales”, comme l’extradition. On peut recenser plusieurs cas dans des pays d’Amérique latine. Le droit international ne reconnaît pas nécessairement ce genre “d’action d’éclat” mais il ne l’a pas sanctionné de manière formelle et directe non plus.

Ceci dit, si le Pakistan n’était au courant de l’opération américaine sur leur territoire, les USA sont potentiellement dans le pétrin concernant la violation du territoire du Pakistan. Une violation peut, en théorie, faire l’objet d’une action de la part du Pakistan devant la Cour Internationale de Justice à La Haye.

Les USA ont contraint d’autres pays à signer un accord de non-extradition de leurs citoyens devant la Cour Pénale Internationale. N’est-ce pas faire peu de cas du droit international ?

Les États-Unis ont démontré à travers leurs actions, tant diplomatiques que militaires, que leurs intérêts et le fameux American way of life passent avant le droit international. After all, size does matter ! Regardez, pour ne citer que ces exemples, le Statut de Rome ou bien le Protocole de Kyoto ou bien Diego Garcia !

Maurice aussi a dû signer ce fameux accord  – il faut demander à Krishnawtee Beegun, qui était alors Secrétaire aux Affaires intérieures, si on avait vraiment le choix !

Il ne faut pas non plus perdre de vue cette vérité : le droit international depuis la fin de la guerre de 1945 a été plutôt “la loi du plus fort” ou “the law of the victorious powers”. Pensez à ce droit de veto que les puissants “five victorious powers” ont jalousement conservé au Conseil de sécurité de l’ONU. Ils ne veulent même pas élargir le Conseil de Sécurité!

Propos recueillis par Iqbal Kalla