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Narghis Bundhun : « Avec l’éducation obligatoire, il y a aura moins d’enfants de rue »

12 février 2012, 09:28

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Pour la présidente de Safire (Service d’accompagnement, de formation, d’insertion et de réhabilitation de l’Enfant), « les enfants de rue ont un problème parce que leurs parents ont un problème ».

Comment est né Safire ?

En 2004, le ministre de la Sécurité sociale d’alors, Sam Lauthan, a pris connaissance de l’ampleur du phénomène d’enfants de rue. Il a créé un projet et a recruté des éducateurs qui ont été formés. Et puis juste après les élections de 2005, le nouveau ministre de la Sécurité sociale a décidé que ce n’était pas un projet prioritaire. Les éducateurs qui étaient employés et formés se sont sentis très concernés parce qu’ils ne voulaient pas larguer les enfants qu’ils avaient suivis pendant deux ans. Ils se sont donc regroupés en ONG pour continuer le travail.

Savez-vous où se situe Maurice sur l’échelle internationale en terme d’enfants de rue ?

Nous ne sommes pas l’Inde, le Brésil ou les Philippines. Mais nous nous situons désormais comme pays développé, nous ne faisons plus partis du tiers-monde, donc il faut se comparer à des pays qui ont des situations économiques comparables. Si on prend en compte ce critère économique, je crois que nous sommes parmi les pays où ce phénomène se retrouve le plus.

Comment vous y prenez-vous pour aider ces enfants ?

Ces enfants ont un problème parce que les parents ont un problème. Donc notre stratégie depuis 2006 est de travailler dans les régions en binômes. C’est-à-dire qu’il y a un éducateur, qui a pour rôle de s’occuper de l’enfant, gagner sa confiance, et travailler avec lui sur un projet de vie. L’agent de l’éducation populaire, lui, a pour rôle de travailler avec la famille et la communauté. Par exemple, si la maman est alcoolique ou consommatrice de drogue, ils essayent de l’encourager à aller en cure de désintoxication.

Vous suivez actuellement 200 enfants de rue sur 6 720, qu’en est-il des autres ?

Et bien, d’une part, nous n’avons pas les capacités. Recruter des éducateurs pour Safire n’est pas tâche facile, car ils vont dans les cités, sur le terrain, souvent au détriment de leur propre santé. Sur six personnes recrutées, une seule va rester, car ce métier est dur. Il faut surtout que le personnel ait du cœur. D’autre part, nous n’avons pas les moyens financiers. Heureusement, il y a des dons.

Que voudriez-vous dire aux politiques qui ignorent la problématique des enfants en situation de rue ?

Je voudrais dire aux politiques qu’on en parle depuis des années. Les décideurs, ce sont eux. L’éducation est obligatoire dans ce pays, pourtant vous avez vu le nombre d’enfants dans l’étude qui ne sont pas scolarisés… Je veux leur dire de rendre l’éducation obligatoire. Il faut que l’école devienne un refuge, un lieu de plaisir pour ces enfants. Pourquoi ne pas faire un programme scolaire où on accueillerait le jardinage, le sport, la musique ou le dessin ? Toutes ces matières-là auront une valeur égale, de façon à ce que chaque enfant puisse progresser dans son domaine de prédilection. Mais en assurant tout de même un minimum d’alphabétisation.
Il faudrait donc revoir notre cursus scolaire et le système de lauréats.
On en parle depuis des années, mais ça reste quelque chose de hautement politisé. D’autre part, il faut que les politiques comprennent que les ONG sont des partenaires nécessaires et indispensables. Nous avons des connaissances, des compétences. Il y a des assises où Safire n’est pas invité car nous sommes trop critiques. Nous disons tout haut ce que tout le monde pense tout bas.

Propos recueillis par Amandine Fournier