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Nathalie Rose : «Le débat autour des drogues est inexistant»

16 juillet 2012, 00:00

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? Vous avez finalisé le rapport d’activités du CUT pour l’année 2011. En quoi l’année écoulée a-t-elle été déterminante pour le CUT ?

Il y a d’abord eu la deuxième conférence sur la Réduction des Risques (RdR) qui s’est tenue à Maurice. Les intervenants étrangers nous ont permis de remettre en question notre compréhension de la RdR et de comprendre celle-ci dans une plus large mesure. A Maurice, nous n’avons que le traitement à la méthadone et l’échange de seringues comme formes de RdR. Nous avons ainsi pu compter sur l’apport de certains délégués qui sont également nos bénéficiaires. Savoir ce qu’ils pensent, c’est important, car nous ne voulons pas qu’il n’y ait qu’un groupe qui décide pour eux. Cette conférence nous a permis de voir comment améliorer nos services.

? Concrètement, comment cette amélioration s’est-elle traduite ?

Essentiellement à travers un «empowerment» du personnel du CUT. 2011 a été l’occasion pour plusieurs d’entre nous de commencer des formations universitaires, à l’Université de Maurice comme par correspondance. Ces formations concernent la RdR, le Social Work ou l’administration d’ONG.

? Hormis la conférence, y a-t-il d’autres événements dont vous voudriez nous parler ?

Nous avons aussi lancé notre projet de Conteneur Communautaire de Baie-du- Tombeau, près de notre site d’échange de seringues. Dans un souci de mettre nos bénéficiaires au centre de nos préoccupations, les injecteurs peuvent bénéficier des services d’un aide-soignant pour panser leurs plaies ou les référer vers un des centres de traitement appropriés. Depuis la semaine dernière, le dépistage du VIH fait aussi partie des services dispensés.

? Le dernier «Integrated Biological and Behavioural Survey» (IBBS) contient des éléments concluants par rapport à l’efficacité de la Réduction des Risques (RdR). Comment réagissez-vous par rapport à cela ?

C’est la première fois à Maurice que des méthodes similaires, à travers l’IBBS, sont utilisées pour produire deux études, à deux ans d’intervalle (2009 et 2011). C’est une bonne chose car cela apporte de la consistance et nous permet d’être mieux informés et justifie les investissements de l’Etat. La première chose à noter est la baisse dans la transmission du VIH au sein des Consommateurs de Drogue Injectable (CDI), par rapport à 2009. Ceux-ci sont également plus conscients et partagent de moins en moins leur matériel. Mais, en contrepartie, le nombre de ceux qui utilisent un préservatif pendant leurs rapports sexuels recule.

? En quoi cette étude vous aide-t-elle au niveau du CUT?

Dans la RdR, il n’y a pas que le VIH. Elle nous permet, à nous aussi bien qu’au ministère de la Santé, d’avoir une vision plus large, de mieux comprendre la personne afin de savoir où nous devons conforter nos efforts. Même si ces conclusions ne sont pas exceptionnelles en soi, au vu des initiatives de RdR, elles nous permettent de mieux cibler nos bénéficiaires.

? Une des grandes nouveautés a été l’introduction des kits Sterimix. Pouvez-vous nous en parler brièvement.

On s’est rendu compte que l’échange de seringues à lui seul ne suffisait pas. L’Hépatite C, qui touche 95,8%, soit presque la totalité des CDI, est une maladie extrêmement résistante et très facile à transmettre à travers le matériel utilisé pour l’injection. C’est pourquoi nous avons commencé à mettre à la disposition des CDI des kits contenant notamment un filtre pour éliminer les impuretés de leurs produits, de même qu’une cuiller stérile. C’est important de voir au-delà du VIH et de considérer la dimension sanitaire et médicale de la personne. Ce projet a été financé par Solidarité Sida. Le ministère de la Santé a quant à lui signifié son intention de proposer d’autres outils de ce genre et c’est encourageant.

? Quels sont les défis qui attendent encore le CUT ?

En 2012, nous nous concentrons sur une vision à long terme et sur notre plaidoyer. Après deux conférences, nous voulons maintenant pouvoir faire un suivi de ce que nous avons appris. Au niveau du plaidoyer, nous travaillons sur la visibilité et la dispersion des messages que nous voulons faire passer. La RdR est une réalité à Maurice. Toutefois, nous pouvons encore nous inspirer de ce qui se fait ailleurs pour l’adapter ici. Et puis, il y a encore beaucoup à faire au niveau du débat autour des drogues. Celui-ci est inexistant à Maurice, et les lois n’arrangent pas les choses. De plus, la finalité de la RdR est toujours mal comprise. Celle-ci reste la limitation des risques. Enfin, il y aura toujours de nouvelles drogues, de nouvelles façons de consommer. Nous ne pouvons donc pas nous complaire dans des acquis, mais rester au contact des réalités du terrain.

? Justement, on parle beaucoup de «Ben Laden » et de «Magic » ces temps-ci. A votre connaissance, ces «nouvelles» substances sont-elles effectivement présentes à Maurice ?

Ce sont des noms qu’on entend depuis décembre 2011. C’est e qu’on nous a rapporté, c’est que ces substances sont différentes, dans l’effet quelles produisent aussi bien que dans l’apparence de leurs cachets. Mais nous n’avons pas encore suffisamment d’informations à ce sujet. Il faut attendre une saisie et les analyses qui
conviennent.

Propos recueillis par Ludovic Agathe

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