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Nicolas Hulot : « Rodrigues compte parmi les grandes beautés du monde »
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Nicolas Hulot : « Rodrigues compte parmi les grandes beautés du monde »
L’écologiste de renommée internationale, Nicolas Hulot, est de passage à Rodrigues. Il trouve que l’île compte parmi les plus grandes beautés du monde. L’animateur de l’émission Ushuaïa sur TF1 s’est confié à Benoit Jolicoeur de l’express Rodrigues. 
On vous voit à la télévision. On connaît votre combat. Mais qui est Nicolas Hulot?
Je suis quelqu’un de simple. Je ne crois pas que je sois quelqu’un de très compliqué. J’aime bien rire. J’aime bien avoir des gens autour de moi qui me font rire. Parce que je trouve que la vie est parfois difficile et qu’il faut garder de la place pour l’humour. Il ne faut surtout pas se prendre au sérieux. J’espère avoir un petit peu cette qualité.
J’aime les grands espaces, les animaux, j’aime aussi les hommes. J’aime les relations dans les petits groupes. J’ai un peu peur de la foule. C’est pourquoi à Rodrigues, je suis très heureux parce que c’est resté à l’échelle humaine.
Il y a également votre combat pour la protection de l’environnent ?
Depuis 20 ans, parallèlement à mon métier, je me suis engagé dans le combat environnemental. Au début, c’est parce que j’avais envie de protéger la nature. Apres je me suis aperçu que c’est un combat beaucoup plus complexe et que c’est un combat pour protéger aussi l’humanité.
D’ou vient votre amour de la nature ?
Il y a une transmission presque génétique. Mon père adorait les fleurs, jardiner et cultiver. Mais vous pouvez aimer la nature sans avoir du tout conscience de la responsabilité de l’homme vis-à-vis de la nature. Parce que sans la nature l’homme ne peut pas vivre.
C’est au fur et à mesure de mes voyages que je me suis rendu compte que la nature était merveilleusement belle et très fragile. Je me suis rendu compte que les impacts causés par l’humanité en général étaient plus forts que ce que j’avais soupçonné. Les choses peuvent aller très vite. Je me suis rendu compte qu’en détruisant la nature, l’homme est en train de couper la branche sur laquelle il est assis.
J’ai eu beaucoup de chance. J’ai pu voyager j’ai nagé avec les baleines j’ai pu aller dans l’Himalaya j’ai pu aller au pôle nord et au pôle sud. Maintenant, je sens qu’il est temps que je paye ma dette vis-à-vis de la nature qui m’a donné autant de plaisir. Une manière de la payer, c’est de m’engager pour que l’homme et la nature se réconcilient et qu’ils cessent d’être en permanence en conflit.
Quel bilan faites-vous de ces années d’engagement ?
Depuis 20 ans que je suis dans cette lutte, la conscience écologique a progressé. Chacun est maintenant convaincu que l’écologie n’est pas une petite affaire. Globalement, la majorité de personnes de la planète est consciente qu’il est important de protéger l’environnement. C’est le côté positif.
Une fois qu’on est tous d’accord pour dire que ça va mal, il faut agir. Et c’est là que ça ne va pas encore très bien. On n’est pas encore à la hauteur dans le combat au niveau des changements climatiques ainsi que la destruction des écosystèmes et l’érosion des ressources naturelles. Tout cela est en train de s’accélérer. C’est une preuve que malheureusement cette prise de conscience n’a pas encore beaucoup d’effet.
Il faut un changement en profondeur de l’ordre du monde ?
Dans la plupart des pays, y compris aux Etats-Unis, on ne remet pas en cause le modèle économique qui nous a mis dans cette situation. Ce qui fait qu’on continue à détruire les ressources. Parce qu’on est dans la culture de «toujours plus». Il faut savoir que la planète n’agrandit pas et qu’au bout d’un moment, cela ne va pas tenir.
 
Il y a aussi tout le débat par rapport l’agro carburant pour remplacer le pétrole. Qu’en pensez-vous ?
J’ai une conviction très forte : le premier usage de la terre, c’est pour donner à manger aux gens. C’est la priorité des priorités. Si on doit faire un peu d’agro carburant, c’est pour les agriculteurs. Mais, de mon point de vue, cela ne doit pas aller tellement au delà. Parce qu’après, c’est la compétition d’usage des sols. Il deviendra plus intéressant de fabriquer du carburant pour que les gens puissent continuer à voler en avion ou à rouler en voiture et empêcher d’autres d’avoir de quoi manger. Si on doit fabriquer du carburant autrement qu’avec le pétrole, il y a plein d’autres solutions. Il faudra utiliser toutes les énergies alternatives. C’est pour cela qu’il faut mettre beaucoup d’argent dans la recherche. Et des îles comme Rodrigues, Maurice et La Réunion ont une capacité d’avoir une autonomie totale sur l’énergie.
Mais la première priorité pour tout le monde, y compris à Rodrigues, c’est de lutter contre le gaspillage d’énergie : ampoule à basse consommation, appareil en veille, éteindre les lumières inutiles. C’est le premier geste que le citoyen, le responsable politique et économique doit faire. Même si demain il y a de grandes découvertes au niveau de la technologie de l’énergie renouvelable, la première obligation, c’est d’économiser l’énergie. Il y a trop de gâchis.
 
Quel est votre constat de la situation au niveau de l’environnement à Rodrigues ?
Je veux être très prudent. Je suis venu à Rodrigues trois fois dans cette année dans le cadre d’une année sabbatique, où je prends un peu de repos. J’ai donc un peu un regard extérieur qui n’est pas un regard averti et informé. Evidemment, j’ai rencontré des gens qui me parlent des problèmes de surpêche, de déboisement. Mais ceci ne fait pas de moi un expert qui me fait poser un jugement sur Rodrigues
J’ai un sentiment très fort que c’est une île qui est un trésor de beauté naturelle mais qui est surtout un trésor de beauté humaine. Il règne ici une atmosphère qu’on ne trouve quasiment plus dans le reste du monde. On trouve ici des hommes , des femmes , des enfants qui ont une joie de vivre et de la spontanéité. Tout cela doit cacher des difficultés, des cas de misère. Mais on ressent quand même qu’il y a une harmonie ceci parce que je pense justement qu’il y a un bon équilibre entre l’homme et la nature.
J’ai beaucoup voyager je peux comparer. Rodrigues compte parmi les grandes beautés du monde. Pas simplement les paysages. C’est un tout, cette magnifique symbiose entre l’homme et l’environnement. Cela vaut tout l’or du monde.
 
Quels sont vos souhaits pour cette ile ?
Que cette île consacre toute son énergie à la fois pour conserver son authenticité, sa simplicité et, en même temps, qu’elle ne reste pas repliée sur elle-même. Qu’elle ne stagne pas. Qu’elle trouve un équilibre dans son développement. Il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre. Il faut que Rodrigues reste à son échelle.
Une fois qu’on bascule dans l’excès, on ne revient pas en arrière. Quand on dénature une île, on dénature aussi l’âme humaine. Le constat que je fais c’est que ça va très vite dans le monde entier. J’ai vu des lieux merveilleux comme Rodrigues. En revenant après dix ans , j’ai constaté que même le regard des gens avait changé. En ce qui concerne le développement, il vaut mieux y aller tranquillement. Essayer d’avoir une vision qui ne s’arrête pas à cinq ans ou dix ans. Il faut se poser la question : qu’est-ce qu’on veut que Rodrigues devienne ? Quelle image on aura de Rodrigues dans cinquante ans ? Quels sont les problèmes sociaux et comment les résoudre à long terme ?
Propos recueillis par  Benoit Jolicœur
 
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