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Nikhil Treebhoohun : «Les traités ne sont d’aucune utilité si les entreprises ne s’en servent pas»
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Nikhil Treebhoohun : «Les traités ne sont d’aucune utilité si les entreprises ne s’en servent pas»
Le CEO du «Global Institutional Investors Forum» parle des perspectives pour Maurice en termes d’investissements en Afrique. Il décortique les spécificités du continent, tout en évoquant les forces sur lesquelles Port-Louis peut compter pour aller vers «la dernière frontière».
L’investissement vers le continent africain ne cesse d’augmenter. Comment le pays peut-il en tirer profit, en tenant compte de ses traités de non double imposition ?
L’Afrique est perçue comme «the last frontier», après avoir été le «dark continent». Les ressources naturelles (10 % des réserves mondiales de pétrole, 40 % de celles d’or, 80 à 90 % de celles de métaux) ont été le moteur du développement récent. Toutefois, il y a d’autres secteurs qui bougent : l’agriculture, le transport et les télécommunications, l’industrie manufacturière, le tourisme.
Quelle est la marche à suivre pour que Maurice franchisse cette «dernière frontière» ?
L’important, maintenant, est d’approcher l’Afrique avec une stratégie bien défi - nie en termes de marchés et de produits. D’abord, il faut comprendre que l’Afrique n’est pas une entité, mais 54 pays différents. Les experts de Mckinsey ont dressé une typologie : les économies diversifiées telles que l’Egypte et l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie les exportateurs de pétrole, les économies en transition et celles qui sont encore au stade de pré-transition.
Sachant cela, qui peut en tirer profit ?
Ces différentes catégories peuvent offrir des possibilités aux vrais entrepreneurs. Car les traités ne sont d’aucune utilité si les entreprises ne s’en servent pas. Bien sûr, il faut étudier chaque traité pour voir comment il nous rend plus compétitif. Il faudra aussi une campagne de promotion pour faire connaître au monde, les traités que nous avons et comment ceux-ci peuvent être utiles à l’investisseur aussi bien qu’au pays récipiendaire, comme Maurice a su le faire pour la Convention de Lomé ou le Double Taxation Avoidance Agreement avec l’Inde.
On remarque aussi que plusieurs pays sur le continent s’intéressent au modèle de développement mauricien. Pourquoi ?
C’est un modèle économique qui se compose de fondamentaux macroéconomiques, aussi bien que de cadres législatifs, réglementaire et institutionnel. Ceux-ci peuvent être exportés sous forme de services de conseil. Toutefois, les décisions d’investissement sont prises, en général, par des entités privées, même s’il y a d’énormes flux de capitaux des organismes donateurs ou des institutions internationales, comme la Banque mondiale. Il est toutefois possible de se servir de fonds incorporés à Maurice qui généreraient d’autres ressources, en termes d’investissements, vers l’Afrique. Certains le font déjà.
Notre expertise est-elle exportable sur le continent, concernant le tourisme ou la zone franche, par exemple ?
Maurice a, dans une large mesure, été le moteur de la croissance de la zone franche malgache, en particulier à ses débuts. Il ne s’agissait pas que d’un simple transfert d’expertise, car les entreprises ont investi à Madagascar. Par conséquent, l’expertise dans les services professionnels peut toujours être exportée. Je connais des experts mauriciens qui ont été recrutés par le secrétariat du Commonwealth pour apporter leurs compétences dans le domaine de la modernisation des douanes, en particulier concernant la composante informatique. La question est de savoir comment notre expertise peut être exportée ou promue de façon structurée. Ceci est lié à la notion de hubs d’excellence ou de connaissances. Le Mauritius Sugar Industry Research Institute a été un tel hub pour le sucre. Même si celui-ci n’est plus le pilier de notre économie, l’expérience acquise au cours de plus d’un siècle pourrait être exportée. De même, l’Ecole hôtelière a été créée avec l’objectif de devenir, éventuellement, un centre régional et le Clothing Technology Centre était destiné à exporter ses services aux nouveaux entrants dans l’industrie du textile et de l’habillement. Il faut aussi penser à faire plus d’échanges humains, de l’Afrique vers Maurice. C’est toujours avantageux que les gens parlent de vous dans leur pays.
Il n’empêche que, parfois, les greffes de modèles ont du mal à prendre...
Nous importons bien l’expertise singapourienne. Alors, pourquoi ne pouvons-nous pas exporter la nôtre ? En fait, nous le faisons déjà en Tanzanie, en Côte-d’Ivoire, à Madagascar et au Mozambique. A bien des égards, nous sommes dans une meilleure position pour fournir des conseils. Toujours est-il que nous n’avons que quelques années d’avance sur beaucoup de ces pays.
Quelle est la part d’investissements qui transitent par le «Global Business » mauricien en direction de l’Afrique ?
Les chiffres pour 2011 montrent que 35 % des investissements sont allés vers les pays africains, contre 28 % vers Inde. Ce qui est clair, c’est que Maurice, en tant que centre financier sur le plan international, est bien présent en Afrique. Nous avons, au niveau du GIIF, un comité technique présidé par Ben Lim, de l’IntercontinentalTrust, travaillant sur la façon de transformer Maurice en une plate-forme pour l’Afrique. Un rapport est en cours de finalisation. Une fois terminé, nous discuterons de ses recommandations. Le gouvernement travaille aussi sur une stratégie africaine.
Si vous deviez citer cinq pays africains où Maurice aurait une carte à jouer, quels seraient-ils ?
J’opterais pour des pays avec le profil suivant : bonne gouvernance, bonne gestion économique, croissance convenable, disponibilité des ressources, structure fiscale incitative, politique de taux de change limitant les risques, accord de protection des investissements existants. Etant membre de SADC – COMESA, le choix logique se porterait sur d’autres pays membres. Sinon, la segmentation des pays développés par le cabinet McKinsey est un bon point de départ. En fait, parmi les 8 pays en transition, 5 sont dans l’une ou l’autre de nos groupements régionaux, à savoir la Tanzanie, le Kenya, l’Ouganda, tous trois de l’East African Community, la Zambie et le Mozambique. Maurice vient de signer un Double Taxation Agreement (DTA) avec le Kenya alors qu’il y a déjà un DTA avec l’Ouganda et le Mozambique.
Propos recueillis par Ludovic AGATHE
(Source : l’express iD, jeudi 24 mai)
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