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Nos plages sont en train de disparaître

16 octobre 2012, 00:00

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Quelle est la plus grande menace pour le tourisme mauricien ? La crise de l’euro ? Une politique d’accès aérien limitée ? La roupie forte ? Une absence de visibilité ? Non, aucun de ceux- là. Loin s’en faut. Le véritable péril en la demeure pour le secteur touristique et le pays tout entier est celui dont on entend rarement parler : la montée du niveau de la mer. Et, le dernier numéro de Diodon , le bulletin d’information de la Mauritius Marine Conservation Society ( MMCS), permet de prendre la pleine mesure de cette catastrophe annoncée. Se basant sur des données disponibles à tous, l’article de Nathalie von Arnim fait froid dans le dos. Certaines plages – celles de Trou- aux- Biches, Mon- Choisy, Grand- Baie et Pointe- aux- Sables, en particulier – auraient « reculé » de 10 mètres ces dix dernières années. Pire, « environ 200 des 321 km de notre littoral sont amenés à disparaître à court terme par l’élévation du niveau de la mer. » Vous en voulez encore ? « Et d’ici 50 à 100 ans, plages et pas géométriques risquent d’être rayés de notre carte. Cette érosion portera ainsi directement atteinte à l’économie locale, sachant que l’une de nos ressources principales est le tourisme balnéaire. » Alors que l’industrie du tourisme traverse actuellement une mauvaise passe qui risque bien de se transformer en désert si la situation perdure, il est pour le moins incongru de constater l’omerta ( le mot n’est pas trop fort) entourant la montée du niveau de la mer. En effet, la remise en question supposée accompagner toute crise n’a tout simplement pas eu lieu. Plutôt que de s’engager à jeter les bases d’un développement durable du secteur, les acteurs ont préféré opter pour une stratégie éprouvée : la fuite en avant. « Ils ont la tête dans le guidon » , relate une observatrice.

Dès lors, on a le droit de se demander si les petits et gros porteurs d’actions des principaux groupes hôteliers ont été informés de la précarité de leurs placements. Si tel n’est pas le cas, ils devraient peut- être jeter un coup d’oeil sur le dernier numéro de Diodon . Car la tragicomédie fi nancière, qui est en train de se dérouler dans la zone euro, est du menu fretin comparé à ce qui risque d’arriver à leurs investissements si la mer continue d’avaler nos plages.

Cela leur permettrait au moins de se changer les idées, de relativiser un peu. Mais bizarrement – et c’est bien le cas de le dire – les acteurs du secteur semblent penser pouvoir évoluer en isolement de ce phénomène ( à moins d’avoir pourvu leurs établissements de fl otteurs). Si tel n’était pas le cas comment expliquer le silence assourdissant de l’Association des hôtels et restaurants de l’île Maurice ( AHRIM) sur la question ? Les preuves scientifi ques ne comptentelles pour rien à leurs yeux ? « Cette élévation du niveau de la mer, qui peut paraître insignifi ante aux yeux de certains, a déjà des répercussions énormes sur notre littoral. En effet, partout autour de l’île, l’érosion affecte et défigure nos plages : l’un de nos meilleurs attraits touristiques. En effet, sur la majorité de nos plages on voit apparaître aujourd’hui des talus d’érosion associés à une plage basse et des barres de calcarénité : roche calcaire formée par la consolidation des grains de sable en profondeur. Ces trois faciès associés sont caractéristiques d’un profil d’érosion et du recul des côtes » , meten garde l’article. Mais, ce ne sont pas seulement la myopie des hôteliers qui mérite d’être mis en cause. Comment les autorités ontelles choisi de répondre à ce défi qui menace l’existence même de notre littoral ? Mis à part quelques projets, fi nancés par la Japanese International Cooperation Agency ( JICA), pour combattre l’érosion côtière, elles continuent d’octroyer des permis pour la construction de nouveaux hôtels. Même en prenant en compte le court- termisme qui caractérise généralement leurs actions, cette politique est étonnante.

Mesures insuffisantes Dire que l’on ne croule pas sous les options est pire qu’un euphémisme.

En fait, Nathalie von Arnheim en compte deux : « Identifier une nouvelle ligne de défense en retrait en reculant la ligne d’implantation des constructions pour les zones non construites. » Et la « construction d’ouvrages de défense pour les zones construites. » Mais, comme elle le fait ressortir, cette dernière est moins une option qu’une tentative de déférer l’inévitable : « Ces mesures commence à être appliquées chez nous et on a, ainsi, assisté à la mise en place de gabions sur certains de nos littoraux, ou encore à l’interdiction de construire à moins de 81 mètres des plages. Mais ces mesures sont encore largement insuffi santes, la majorité des Mauriciens étant encore soit sceptiques, soit peu concernés par le problème. » Il est peut- être temps de changer cela. Les Assises du tourisme, qui avait eu lieu en 2006, avaient donné au monde l’ineptie sans nom des deux millions de touristes. Si ce n’était pas le meilleur moyen de scier la branche sur laquelle nos sommes assis, ça y ressemblait. Pourquoi ne pas organiser de nouvelles assises du tourisme afin de dégager de vraies stratégies pour le secteur touristique de demain, en prenant compte ses limitations aussi bien climatiques qu’économiques ? Les hôteliers auront pas mal de temps libre ces prochains mois, ils devraient y penser sérieusement. De toute manière, ils ne pourront plus fourrer leurs têtes dans le sable pendant longtemps ils devront bientôt se contenter de les taper contre de la calcarénité.
 
 
 
 
 
 

 

Nicholas RAINER