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Patrick d’Arifat : «L’abandon des terres plantées en cannes résulte de la baisse des prix du sucre»
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Patrick d’Arifat : «L’abandon des terres plantées en cannes résulte de la baisse des prix du sucre»
Le CEO de CIEL Agro-Industrie et président du Syndicat des sucres évoque la situation de l’industrie sucrière.
Comment s’annonce la campagne 2010 ?
La campagne 2010 s’annonce difficile, avec d’une part une production en baisse, soit 450 000 tonnes d’après la première estimation de la Chambre d’Agriculture, donc moins que la production de ces deux dernières années, et ce malgré des conditions climatiques plutôt favorables cette année, et d’autre part, un prix de sucre estimé à Rs 12 700 la tonne, soit du même niveau que les prix obtenus durant la période 1996 à 2001. Cette situation risque de confirmer la tendance de ces dernières années pendant lesquelles les producteurs, face à des difficultés récurrentes, semblent se décourager et abandonner leurs terres plus facilement. Au cours des cinq dernières années, quelque 1 800 hectares de terre, en moyenne, ont été abandonnés chaque année, soit 9000 ha de terre perdus, ce qui représente une production de 750 000 tonnes de canne en moins, ou l’équivalent de 75 000 tonnes de sucre. Cet abandon des terres est moins visible qu’une fermeture d’usine par exemple, et n’attire pas la même considération. L’enjeu de cette réduction des exploitations agricoles est cependant d’envergure pour le pays, et est aujourd’hui un des grands dangers menaçant l’industrie de la canne.
Quel est l’impact de la baisse de l’euro sur le contrat d’exportation signé avec «Suedzucker» ?
C’est un impact très important car la totalité de nos exportations dans le cadre de notre partenariat avec Suedzucker est commercialisée dans la zone euro. N’oublions pas que le principal objectif de ce partenariat est le remplacement d’un important tonnage, – puisqu’il s’agit de plus de 350 000 tonnes –, de sucre raffiné qui n’est plus produit par Suedzucker suite à la réduction des quotas sucriers établie dans le cadre de la dernière réforme du régime sucrier européen. Nous avons donc aujourd’hui, avec cet accord, la possibilité de pouvoir fournir directement dans les silos des clients de Suedzucker un produit à valeur ajoutée, avec à la clé un partage des bénéfices réalisés. La baisse de l’euro et la forte valeur relative de la roupie ont donc un impact considérable sur le résultat de cette nouvelle approche. Alors que, selon nos estimations, la valeur moyenne obtenue par tonne de sucre en euro cette année sera supérieure à celle obtenue l’année dernière, la conversion des recettes en roupie aura un effet contraire avec un prix au planteur qui selon la première estimation du Syndicat des sucres sera de Rs 12 700 la tonne, comparée à Rs 14 600 en 2009. Si cette situation se maintient, nous pouvons dire que tous les bénéfices obtenus de ce partenariat seront perdus.
Comment réagit la communauté des producteurs face à cette crise qui ne semble pas vouloir se résoudre rapidement ?
Cette crise est un obstacle supplémentaire pesant sur tout le secteur qui perçoit maintenant que tous les efforts faits et les initiatives entreprises pour faire face à la réduction de 36 % des prix européens pourraient être réduits à néant. Il est à craindre qu’elle n’accentue chez les producteurs une politique généralisée de réduction de la fertilisation de non replantation des champs et d’abandon graduel des cultures. La réforme est menacée en ce moment par l’absence de résultats due à des facteurs en dehors de notre contrôle, mais aussi par une réduction trop importante de la production de cannes.
Pouvons-nous alors parler de l’échec de la réforme sucrière, qui était supposée relancer la filière ?
Je ne pense pas que l’on puisse parler d’échec à ce stade. La réforme sucrière à Maurice est un projet global qui a été initié dans le sillage de la réforme sucrière en Europe. Elle vise avant tout à maintenir la compétitivité de notre produit dans les nouvelles conditions commerciales sur nos marchés traditionnels. Face à la baisse du prix de sucre de 36 %, on a préconisé la transformation du secteur sucrier en une industrie cannière, avec la production de sucre à plus forte valeur ajoutée et une valorisation des sous-produits de la canne. Avec la réforme locale, la centralisation des activités usinières s’est poursuivie, deux raffineries ont été construites, la mécanisation des opérations tant à l’usine qu’aux champs s’est intensifiée et la main-d’oeuvre a été ramenée dans des proportions plus réalistes. Cette année, nous prévoyons d’exporter plus de 300 000 tonnes de sucre raffiné et environ 100 000 tonnes de sucres spéciaux. S’il n’y avait pas de crise dans la zone euro, nous aurions reçu cette année un prix moyen se situant entre Rs 14500 et Rs 15 000 la tonne de sucre. La crise de l’euro est un des ces facteurs que nous ne pouvons malheureusement contrôler et qui a, en ce moment, un effet désastreux sur les résultats escomptés. Je pense donc qu’on ne peut pour autant parler d’échec de la réforme. Mais, il faut toutefois ne pas rester les bras croisés et prendre rapidement les mesures qui s’imposent face à cette situation exceptionnelle.
Quelles sont les mesures qui pourraient être prises pour aider le secteur face à cette crise ?
Il y a urgence à s’attaquer et à trouver une solution aux questions suivantes qui pourraient avoir un impact direct et à court terme sur les coûts d’opération et les revenus des producteurs. En tout premier lieu, il y a le prélèvement obligatoire (Cess) payé par les producteurs pour financer les institutions du secteur. On a trop souvent parlé d’une réforme de ces institutions mais très peu d’actions concrètes ont été prises à ce jour. Si rien n’est fait cette année pour réduire le Cess, celui-ci amputera les revenus des producteurs par plus de Rs 1 200 par tonne de sucre produit, soit presque 10% du prix prévisionnel de la tonne de sucre en 2010. Par ailleurs, le taux de prime payé par les producteurs pour l’assurance obligatoire ( Sugar Insurance Fund) est très élevée par rapport au prix de sucre réduit. En attendant une étude approfondie sur cette question, une réduction ponctuelle mais importante de la prime pour la récolte 2010 est tout à fait justifiée. Finalement certaines mesures monétaires seraient grandement utiles dans la conjoncture actuelle pour aider le secteur à traverser la crise de l’euro. D’une part, la politique monétaire devrait s’assurer que la compétitivité des exportations ne soit pas complètement érodée par des facteurs exogènes. D’autre part, les secteurs productifs ne peuvent continuer à supporter un loyer de l’argent qui se situe de 8 a 9 % alors que l’inflation est entre 2 et 3 %.
En quoi le contrat signé entre la MSPA et les syndicats des travailleurs de l’industrie sucrière va-t-il aider les compagnies sucrières à relever tous les défis qui se posent à eux ?
Il est un fait que les employés de l’industrie n’avaient pas bénéficié depuis plusieurs années de révision salariale outre l’ajustement annuel par rapport à l’inflation. Cependant, force était de constater que sur la base des circonstances présentes du secteur, il n’y avait aucune justification économique pour un tel accord : la position financière des compagnies sucrières étant déjà difficile et sera d’autant plus précaire suite à cet accord. Ceci étant, il était important de consolider les relations industrielles avec les employés des compagnies sucrières parce qu’il est crucial d’avoir la collaboration active de tous nos partenaires si nous voulons relever les défis présents et futurs. C’est dans cet esprit de partenariat renouvelé que cet accord a été signé.
Propos recueillis par Pierrick Pédel
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